LE RENOUVEAU DE LA CRISTALLERIE DE BACCARAT

Aimé Gabriel d'Artigues, directeur de la cristallerie de Vonêche, qu'il a créée près de Namur, se trouve dans une situation critique et inattendue. La chute de l'Empire napoléonien a provoqué un nouveau partage de l'Europe : Vonêche n'est plus en France, mais appartient désormais à la Belgique! Pour tenter d'échapper à des tracas administratifs quasi insurmontables, l'industriel rachète, le 15 mai 1816, l'ancienne verrerie de Baccarat. La fabrique, qui s'éteint doucement depuis la Révolution, va bientôt connaître un renouveau extraordinaire.

A Vonêche, qui, depuis la chute de l'Empire, est située en territoire belge, l'industriel Aimé Gabriel d'Artigues se trouve dans la situation d'un étranger. Le Gouvernement français lui impose des taxes exorbitantes pour importer son cristal. Par ailleurs, la levée du blocus imposé en son temps par Napoléon, permet de nouveau aux produits anglais d'envahir le marché continental. S'il veut sauver son entreprise, Artigues doit trouver une solution au plus vite. En 1815, l'industriel se tourne vers Louis XVIII, de nouveau sur le trône à l'issue des Cent Jours. Il obtient l'autorisation d'importer son cristal sans payer de taxes pendant deux ans. Mais, à deux conditions : que le matériau arrive brut en France pour y être transformé par la taille ou par la gravure et qu'il s'engage à fonder une cristallerie sur le sol du royaume. Le 15 mai 1816, Artigues rachète l'ancienne verrerie de Baccarat. Dès le 15 novembre, le premier four à cristal est allumé.

Aimé Gabriel d'Artigues est un spécialiste du cristal. Pendant quatre ans, de 1791 à 1795, il a été directeur de la manufacture de Saint Louis, la première en France à avoir fabriqué du cristal au plomb, ce dès 1781, alors que Baccarat ne produisait que du verre.
Or, le cristal suscite un véritable engouement en ce début de XIXème siècle. Les progrès techniques dont a bénéficié sa fabrication ont permis de développer de nouveaux marchés, et la bourgeoisie se jette avidement sur des créations donnant une grande impression de richesse et d'opulence. Sous l'Ancien Régime, le verre à boire n'était pas admis sur la table, mais apporté aux convives par un valet. Sous la Restauration, les habitudes et la mode évoluent : toute bonne maison se doit de posséder un service composé d'au moins un verre à eau, deux verres à vin et une flûte de champagne par convive. A l'époque, les lustres aux multiples pendeloques à facettes, dans lesquelles l'éclat de la lumière des bougies se reflète de manière à illuminer les salons de réception, connaissent également une grande vogue. Tout est en place pour assurer un avenir radieux aux fabriquants de cristal. Pourtant, en 1823, Artigues, épuisé par des problèmes de santé et d'argent, se voit dans l'obligation de se séparer de Baccarat avant même que le fabrique ne soit connue du grand public. L'entreprise passe encore une fois dans de nouvelles mains, celles de trois associés, dont Pierre Antoine Godard Desmaret, un homme d'affaires parisien qui sera le principal artisan de sa réussite.

En 1823, la cristallerie de Baccarat remporte sa première médaille d'or à l'Exposition nationale des produits de l'industrie, grâce à "l'éclat et la finesse de son travail". Louis XVIII, subjugué par ses productions, veut à tout prix posséder un de ses magnifiques services de verres. Il passe à la fabrique, dont il salue "la beauté et le fini du travail", sa première commande prestigieuse. On réalise pour le souverain un service dont des échantillons sont conservés à la cristallerie et constituent l'une de ses premières archives physiques.
Cette première commande royale couronne les efforts déployés depuis des années par Artigues, et les nouveaux propriétaires vont tout mettre en oeuvre pour imposer la ronommée de Baccarat hors des frontières. L'entreprise est rebaptisée
"Compagnie des verreries et cristalleries de Vonêche à Baccarat", un nom qu'elle gardera jusqu'en 1848. Pour être en conformité avec sa devise, "Perfection", elle fait venir le sable d'Epernay, car c'est le plus pur. Le plomb est acheté en Allemagne, ou en Angleterre, puis transformé sur place dans la fabrique de minium qu'Artigues a fait construire à proximité de la cristallerie afin d'en contrôler la qualité. La potasse, elle, est importée d'Amérique, car elle contient moins de résidus.
Grâce aux découvertes et aux inventions des ingénieurs et des ouvriers de Baccarat, le cristal envahit toutes les tables. Il prend les formes les plus diverses : verres, bien sûr, compotiers, sucriers, moutardiers ou salerons. On le trouve aussi dans la chambre à coucher, où flacons, carafes ou plateaux, sont conservés dans des écrins, sur le chevet ou sur la coiffeuse; sans oublier les bibelots les plus variés.

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