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LE SERVICE FUNEBRE A LA MEMOIRE DU DUC DE BERRY
Les Trois Glorieuses
des 28,29 et 30 juillet 1830 ont entraîné l'abdication de Charles X, qui
s'était voulu monarque absolu comme son frère Louis XVI, et l'arrivée au
pouvoir du "roi citoyen", Louis Philippe, pkus conforme aux nouveaux
temps bourgeois. Mais l'avènement de la Monarchie de Juillet n'a pas calmé les
ardeurs révolutionnaires de petits groupes républicains qui voudraient rejouer
la première révolution, celle de 1789. Le 14 février 1831, un service
funèbre célébré à la mémoire du duc de Berry va donner l'occasion aux
Parisiens d'exprimer leur colère.
En ce début
d'année 1831, la tension sociale est extrême et s'exprime par une vive
agitation anticléricale. Partout en province, le clergé, soupçonné de
sympathies pour les carlistes (les partisans du roi Charles X en exil) est pris
à partie. Les séminaires de Saint Omer, de Metz d'Auxerre sont mis à sac; des
croix de mission sont abattues à Poitiers, à Niort, à Saint Maixent, à
Châlons sur Saône. Dans la capitale, les troubles sont quotidiens depuis le
procès des ministres du dernier Gouvernement de Charles X, qui, au mois de
décembre précédent, ont échappé à la peine de mort. Là aussi, l'agitation
populaire prend une tournure fortement anticléricale. Pourtant, l'alliance du
trône et de l'autel a été rompue par la Révolution de 1830, et la loi du
sacrilège, instituée par Charles X en 1825, qui punissait de mort le vol des
vases sacrés contenant les hosties et de la peine du parricide (la mort
précédée de la mutilation du poing) la profanation des hosties, a té abolie.
C'est dans cette atmosphère orageuse que les légitimistes, les opposants à
Louis Philippe partisans de la branche aînée des Bourbons, ont l'idée de
célébrer ce 14 février, en l'église Saint Germain de l'Auxerrois, un service
funèbre à la mémoire du duc de Berry, le fils de Charles X assassiné onze
ans auparavant.
Lors de ce service,
un légitimiste, fanatique maladroit, accroche au catafalque une gravure
représentant le jeune duc de Bordeaux, le fils du défunt duc de Berry, et
place au-dessus une couronne pour marquer sa prétention légitime au trône de
France. Aussitôt, c'est l'émeute. La foule, qui s'est rassemblée devant le
porche, se rue dans l'église, arrache une croix fleurdelisée qui orne la
voûte, renverse les statues, brise les vitraux, vole ciboires et croix
précieuses. Le sac est accompli sous l'oeil impassible de la Garde nationale,
sui, notoirement anticléricale, approuve cette manifestation populaire. Une
parodie de messe suscite l'enthousiasme et les applaudissements de la foule en
colère.
Le lendemain, les émeutiers s'en prennent au palais voisin de l'archevêque,
qui a autorisé le service funèbre. Là encote, tout est saccagé. Le mobilieir,
les livres, les objets sacrés, tout est jeté dans la Seine par les fenêtres
brisées avec joie et exaltation. Mais la police n'arrête personne. Le préfet
Odilon Barrot tente même de négocier avec les émeutiers. D'autres
déprédations ont lieu dans l'église de Bonne Nouvelle. Les policiers
n'interviendront finalement que lorsqu'une bande de furieux tentera d'enfoncer
les portes de la cathédrale Notre Dame.
L'attitude du
Gouvernement du banquier Laffitte reste ambiguë. Le sous-secrétaire d'Etat à
l'Intérieur, Adolphe Thiers, a laissé faire les émeutiers; sans doute pour
effrayer les légitimistes alors que, peu de temps auparavant, Charles X a fait
la duchesse de Berry régente du royaume, et pour détourner les passions
révolutionnaires du roi Louis Philippe et de la bourgeoisie. Néanmoins, pour
donner un gage aux partisans du retour à l'ordre dans la rue, le préfet de
police est remplacé. C'est insuffisant.
Ceux qui ont soutenu Laffite se retournent contre lui. Ainsi du journaliste
Emile Girardin qui, dans le journal Les Débats, s'insurge : "Avoir
un gouvernement qui ne gouverne pas, mais qui prie humblement d'obéir,
demandant pardon de la liberté grande qu'il prend, ce n'est pas être dans
l'état social ni dans l'état barbare, c'est être dans l'anarchie et le
chaos".
Ces émeutes contribuent à la chute du ministère Laffitte, qui démissionne le
12 mars 1831, et annoncent la venue d'un Gouvernement issu du "parti de
l'ordre", celui de Casimir Périer. Le glas des ferveurs révolutionnaires
a sonné.
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