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LES ORDONNANCES DE JUILLET
Sur le trône depuis la mort de Louis XVIII,
en 1824, Charles X n'a jamais accepté le régime constitutionnel institué par
son frère au début de la Restauration. Ce souverain impopulaire n'admet pas
qu'une France nouvelle soit née de la Révolution et entend toujours se réserver
le dernier mot en matière de politique. Le 25 juillet 1830, il va signer quatre
ordonnances violant tant l'esprit que la lettre de la Charte. La réaction de
l'opposition à leur promulgation va être le prélude aux événements des Trois
Glorieuses.
Sous le règne de Charles X, le régime s'est
radicalisé avec la nomination à la tête du Gouvernement du très réactionnaire
prince de Polignac. Homme de confiance du roi, le Président du conseil, s'il
n'a pas abrogé la Charte octroyée en 1814, entend bien en altérer l'esprit par
tous les moyens dont il dispose et il est entré dans une guerre sourde avec
la Chambre des députés. Celle-ci ayant voté une adresse hostile au ministère,
le roi l'a dissoute, et de nouvelles élections ont été prévues pour le 3 juillet
1830.
Le 11 juillet, la prise d'Alger a été célébrée
par un Te Deum à Notre Dame de Paris. Le roi compte sur cette manifestation
en l'honneur d'une victoire de ses armées pour ressaisir les "prérogatives
de sa Couronne". Mais le lendemain, les résultats des élections tombent
: 278 élus pour l'opposition, 175 seulement pour la majorité ministérielle.
Le roi, qui ne s'est jamais rallié franchement au régime parlementaire, est
fermement décidé à briser cette opposition et à ne pas renvoyer ses ministres. Le
dimanche 25 juillet au matin, Charles X, s'appuyant sur l'article 14 de la Charte,
qui accorde à la Couronne le pouvoir d'émettre des ordonnances "pour
l'exécution des lois et la sûreté des lois", signe
en Conseil des ministres quatre ordonnances. La première suspend la liberté
de la presse et soumet la publication de tout journal à autorisation préalable.
La deuxième déclare la nouvelle Chambre des députés dissoute avant même d'avoir
été réunie. En violation de l'article 35 de la Charte, qui attribue à la seule
loi l'organisation des collèges électoraux, la troisième transforme le système
électoral en favorisant les industriels, les commerçants et les professions
libérales. La quatrième, enfin, fixe la date des prochaines élections au 3 septembre
1830. C'est là une interprétation incontestablement abusive du droit que
confère au roi l'article 14 de la Charte. Néanmoins, l'illégalité des ordonnances
de Juillet, dont Charles X n'a d'ailleurs pas conscience, ne suffirait pas à
provoquer une révolution si le régime n'était pas si profondément impopulaire.
L'atteinte portée par la première ordonnance
à la liberté de la presse, liberté à laquelle la bourgeoisie est passionément
attachée, suscite la plus vive indignation. Le 26 juillet, le roi quitte le
château de Saint Cloud, où il s'est installé pour l'été, et passe la journée
à la chasse. Ce même jour, à onze heures du matin, les quatre ordonnances
qu'il a signées la veille sont publiées par Le Moniteur, le journal officiel.
Quarante quatre journalistes souscrivent à une protestation rédigée par Adolphe
Thiers, codirecteur du National, feuille de l'opposition à la politique
du roi et du ministère Polignac. Leur proclamation se termine par ces mots :
"Le Gouvernement a perdu aujourd'hui
le caractère de légalité qui commande l'obéissance. Nous résistons pour ce qui
nous concerne : c'est à la France de juger jusqu'où doit s'étendre sa propre
résistance". Dans Paris, des attroupements d'ouvriers
imprimeurs et d'étudiants se forment. Le préfet de police, disposant de 12 000
hommes affectés au maintien de l'ordre, ne s'en inquiète pas. A la Bourse, la
rente baisse de quatre francs. Cependant, on n'en est qu'à la résistance légale,
et le petit peuple, généralement illétré, ne participe guère à cette agitation
de bourgeois libéraux autour d'une Charte dont il ne connaît pas grand chose.
Mais, dans la soirée, quand un drapeau tricolore, ce drapeau qu'on n'a pas revu
depuis quinze ans, est agité sur les quais de la Seine, le coeur des humbles
commence à battre. Et quelques manifestations se produisent aux environs du
Palais Royal, laissant présager que l'agitation risque de prendre de nouvelles
forme, plus actives et plus radicales.
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