LA PRISE DU LOUVRE ET DES TUILERIES

En deux jours, les rues de Paris se sont hérissées de barricades. Le maréchal Marmont, commandant militaire de la capitale, qui dispose d'effectifs peu nombreux et à la fidélité incertaine, concentre ses troupes autour du Louvre, des Tuileries et des Champs Elysées. Mais l'insurrection va avoir raison de ces derniers bastions tenus par la garde royale comme du Gouvernement Polignac. Faute d'avoir saisi tout l'enjeu des journées révolutionnaires des Trois Glorieuses, Charles X va perdre son trône.

Le jeudi 29 juillet 1830 au matin, la capitale est plongée dans la torpeur. "La chaleur était déjà lourde; le ciel était d'un gris pâle, comme il est en été avant que le soleil n'ait percé les vapeurs du matin; aussi loin que la vue pouvait s'étendre, au levant, sur la rivière et ses bords, même vide et même silence", note le député Charles de Rémusat. Mais las apparences sont trompeuses : six mille barricades se dressent dans les rues et deux régiments de ligne de la garde royale ont fait défection. Pourtant, le maréchal Marmont, qui commande les troupes chargées de la défense de Paris, a renoncé à toute offensive. Peu après l'aurore, il organise la protection du palais du Louvre et des ministres qui s'y trouvent. A l'intérieur, il poste deux bataillons de gardes suisses; à l'extérieur, des régiments assurent la sécurité sur les quais de la Seine, protègent les communications vers le château de Saint Cloud, où se trouve le roi, ainsi que vers la place Vendôme et la Madeleine. Mais, à l'exception du Louvre et des Tuileries, l'insurrection est maîtresse de Paris, et il n'est pas sûr que ce dispositif soit suffisant.

Depuis la veille, de nombreux Parisiens se sont enhardis et ont rejoint les rangs des insurgés. Des petites troupes d'ouvriers, d'étudiants et de gardes nationaux se sont emparés des postes militaires isolés et pratiquement sans défense. Dans les rues étroites proches du Louvre et des Tuileries, sans se risquer à attaquer de front un adversaire mieux doté en armes et en munitions, ils bombardent la garde royale avec les projectiles les plus divers. Mais, sans artillerie, ils ont peu de chance de déloger ces soldats de métier.
La "reconquête" militaire de la capitale nécessiterait un lourd investissement financier et coûterait trop cher en vies humaines. Sans parler des haines durables et des protestations de plus en plus vives de la troupe, qui refuse de tirer sur les Parisiens. La seule issue serait le retrait immédiat des ordonnances de juillet et l'octroi de larges concessions pour faire entendre un appel à la soumission. A Saint Cloud, certains ministres tentent de convaincre le roi d'agir en ce sens.
Tandis que les discussions s'éternisent, Marmont essuie ses premiers revers. Place Vendôme, deux de ses régiments se rallient aux insurgés et regagnent leurs casernes. Le flanc gauche de so dispositif ainsi à découvert, le maréchal est d'autant plus inquiet qu'il n'est pas sûr de la fidélité de deux autres régiments. Il juge prudent de les retirer du jardin des Tuileries et les affecte à la position moins sensible des Champs Elysées, après les avoir remplacés par une seule compagnie de suisses prélevée sur les défenses du Louvre.

Tout irait bien si, un peu plus tôt dans la matinée, Marmont n'avait pas lancé une proclamation appelant le peuple de Paris à mettre fin aux combats et promis que ses troupes suspendraient le feu. Mais, si les défenseurs du Louvre cessent le feu, les insurgés, eux, ne font pas de même.
Vers onze heures, le commandant des Suisses décide, de sa propre autorité, le retrait de ses hommes. Sous les tirs de l'adversaire, qui commence à s'introduire dans la galerie du Louvre, ses troupes quittent les lieux en bon ordre. Pour se mettre hors de portée de la fusillade, elles pressent l'allure vers la rue du Carrousel. Les voyant ainsi se précipiter, les soldats stationnés là sont pris de panique et s'enfuient vers les jardins, entraînant les gardes qui s'y trouvent dans leur sillage... A midi, la retraite a pris des allures de débandade et a conduit les défenseurs de la capitale jusqu'au bois de Boulogne. Ce qui devait se limiter au mouvement d'un bataillon trop exposé a tourné en véritable déroute.
Talleyrand, qui assiste aux événements depuis une fenêtre de son hôtel de la rue Saint Florentin, fait remarquer à son secrétaire :
"Prenez note qu'aujourd'hui, à midi cinq minutes, la branché aînée des Bourbons a cessé de régner". A Saint Cloud, on annonce à Charles X que la troupe a dû abandonner le Louvre et les Tuileries, et a reflué en désordre vers l'Etoile. Après plusieurs heures d'une discussion acharnée, le roi se résigne enfin à congédier Polignac. Le nouveau Président du Conseil, le duc de Mortemart, lui arrache l'annulation des ordonnances de juillet et la convocation de la Chambre pour le 3 août. Mais il est trop tard...

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