CHATEAUBRIAND, MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES

François René, vicomte de Chateaubriand, est un personnage aux multiples facettes. Ecrivain, poète et polémiste, il est aussi pair de France et a assumé les fonctions d'ambassadeur. Politicien d'une indépendance farouche, s'il passe de l'opposition au gouvernement, et inversement, c'est toujours avec un très fort sens de l'honneur et du devoir. Ainsi, en décembre 1822, il accepte le poste de ministre des Affaires Etrangères de Louis XVIII.

ChateaubriandAutomne 1822. Les "ultras" (nommés ainsi parce qu'ils sont jugés "plus royalistes que le roi") gouvernent la France. Louis XVIII a beaucoup vieilli depuis l'éviction de son favori, le libéral Elie Decazes, deux ans plus tôt. A soixante sept ans, usé, malade, le souverain laisse de plus en plus de pouvoir à son président du Conseil, le très modéré Armand Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu. En matière de politique étrangère, la situation est complexe. Le président du Conseil doit tout à la fois veiller aux intérêts français et tenter d'intégrer la pays à la Sainte Alliance. Celle-ci, l'Autriche en tête, attend de la France une preuve de bonne volonté antirévolutionnaire. Justement, Ferdinand VII, roi d'Espagne, est en difficulté. Une guerre civile oppose son "Armée de la Foi" aux libéraux défenseurs de la "Constitution intangible". Au congrès de Vérone, Mathieu de Montmorency Laval, ministre des Affaires Etrangères, s'engage au nom de la France et de Louis XVIII, à intervenir en Espagne, pour aider Ferdinand VII à se débarrasser des libéraux.

A Paris, l'opinion est partagée. Les interventionnistes durs sont derrière Montmorency. Louis XVIII et Villèle (qui a remplacé le duc de Richelieu à la présidence du Conseil) sont contre, craignant qu'une guerre ne ruine les Finances de l'Etat. Entre ces deux partis, la droite ultra fluctue, au gré des humeurs. Le 12 novembre 1822, Montmorency, de retour à Paris, informe le roi et son cabinet des engagements pris à Vérone. Tous les ministres le soutiennent. Mais le roi et Villèle tiennent bon. Montmorency est contraint de démissionner. En décembre 1822, Louis XVIII nomme Chateaubriand à sa place. Ce dernier a mis sa plume et son talent de polémiste au service des ultras. Après une enfance poétique à Saint Malo, où il est né en 1768, le vicomte est devenu lieutenant. En 1791, pendant la Révolution, il s'est réfugié à Londres. Après avoir rallié Bonaparte, pendant le Consulat, il s'est converti à Dieu et au légitimisme modéré, tout en ayant la ferme conviction que la société évolue inéluctablement vers la démocratie. En 1802, avec "Le Génie du Christianisme", il pose les bases d'une "renaissance catholique" et du romantisme. Nommé ministre, à cinquante quetre ans, il fait figure d'oracle célèbre. S'il prêche l'offensive, ce n'est pas tant par fidélité à la Sainte Alliance que pour le prestige de la France. Chateaubriand a le vif désir de "réhabiliter la cocarde blanche dans une guerre courte".

Plusieurs mois sont nécessaires aux préparatifs de l'expédition espagnole. En janvier 1823, Louis XVIII annonce enfin que "cent mille Français sont prêts à marcher"... L'opposition a beau protester, les crédits sont votés et le duc d'Angoulême, neveu du roi, est nommé généralissime de l'armée d'Espagne. Le 24 mai 1823, les Français prennent Madrid avec une facilité déconcertante. Le gouvernement libéral, qui s'est replié sur Séville, tient le roi Ferdinand VII en otage. Les Français repoussent l'armée des libéraux espagnols vers Cadix. En septembre 1823, ces derniers capitulent. Chateaubriand avait raison : la guerre a été rapide et efficace. L'image de la France, au sein d'une Europe royaliste, s'en trouve raffermie et redorée. La cote des ultras n'a jamais été aussi bonne. A présent, le problème espagnol prestement réglé, Chateaubriand peut reprendre son rôle préféré, celui d'observateur littéraire. Pendant les séances du Conseil, il observe Louis XVIII, ce roi finissant qui n'a plus qu'une année à vivre. L'auteur de "Atala" note les somnolences, les divagations, les prétentions culturelles du souverain. "S'il n'eut été roi, il aurait été membre de l'Académie, et il était féru à l'esprit de l'antipathie des classiques contre les romantiques", souligne-t-il. Tout en ajoutant que Louis XVIII manifeste à son égard une "jalousie littéraire". Les deux hommes ne s'aiment pas beaucoup, le fait est certain. En juin 1824, le roi (qui mourra le 16 septembre) se fera un plaisir de céder aux pressions du fidèle Villèle et de renvoyer le ministre Chateaubriand à ses écrits.

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