CHATEAUBRIAND PLAIDE LA CAUSE DE LA DUCHESSE DE BERRY

Charles X a appris avec effarement que sa belle-fille, la duchesse Marie Caroline de Berry, a mis au monde un bébé "né de père inconnu". Le vieux roi déchu radie la princesse de la Maison de France et lui interdit de revoir les deux enfants nés de son mariage avec le duc de Berry. Le 14 mai 1833, le vicomte de Chateaubriand quitte Paris pour Prague avec pour mission de plaider la cause de l'impétueuse Marie Caroline.

La duchesse Marie Caroline de Berry n'en finit pas de faire parler d'elle! Après avoir échoué à restaurer sur le trône le dernier des Bourbons de la branche aînée, son fils, le jeune duc Henri de Bordeaux, elle a été incarcérée dans les prisons de Louis Philippe. Le 10 mai 1833, à la citadelle de Blaye, elle a mis au monde une petite fille, Anne Marie Rosalie. L'Europe entière s'interroge. Marie Caroline étant veuve du duc de Berry, qui est donc le père de "l'enfant de la honte"? Est-ce Guibourg, un jeune avocat nantais que la duchesse a rencontré après avoir tenté de soulever la Vendée? Est-ce le comte italien Ettore Carlo Lucchesi Palli, "mari de paille" que Louis Philippe a fermement invité à épouser secrètement pour sauver le peu de réputation qui lui reste?
Depuis que, début juin, elle a quitté les prisons françaises pour la Sicile, Marie Caroline s'est installée à Palerme. Humiliée, radiée de la Maison de France, elle souffre infiniment d'être séparée de ses deux autres enfants, Marie Louise, quatorze ans, et Henri, treize ans, qui vivent en exil à Prague avec leur grand-père Charles X. Scandalisé par le comportement de la mère de l'héritier du trône, celle qu'on surnommait "l'ange de la monarchie", le vieux roi se refuse absolument à recevoir sa belle-fille et lui interdit de revoir Marie Louise et Henri. Mais Marie Caroline n'entend absolument pas renoncer et a chargé le vicomte de Chateaubriand d'aller plaider sa cause.

Même déchu et exilé, Charles X manifeste une volonté toute souveraine. Pas question de recevoir Marie Caroline s'il n'a pas la preuve formelle qu'elle s'est remariée avec le comte Lucchesi Palli. A bientôt soixante cinq ans, François René de Chateaubriand, qui a été ministre des Affaires Etrangères de Louis XVIII, est aussi fin diplomate que talentueux littérateur. Pour s'être mis au service de Marie Caroline de Berry, il a été accusé de complot contre l'Etat et a été traduit en cours d'assises pour avoir publié un Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry. Malgré ses indéniables qualités, il ne va pas lui être facile de convaincre le roi de pardonner. D'autant que Marie Caroline demande non seulement à revoir ses enfants, mais aussi à conserver leur tutelle et, en outre, à retrouver sa place au sein de la Maison de France et, également à être réintégrée dans son titre mais aussi dans son rang. Dès le 14 mai 1833, Chateaubriand quitte donc Paris pour Prague. Dix jours plus tard, il est accueilli au château de Hradschin par le fidèle duc de Blacas, "avec la même étiquette qu'aux Tuileries", note-t-il dans ses Mémoires d'Outre Tombe. Le soir, dans le cabinet du roi, la bienséance l'empêche d'entamer son plaidoyer. La conversation se doit de porter sur des sujets moins sensibles. Le lendemain, "l'affaire" de Marie Caroline est enfin abordée. A Chateaubriand, Charles X réplique : "Madame la duchesse de Berry m'a profondément blessé. Le mariage secret? L'acte, où est-il? Il a fallu de l'argent. Enfin, c'est du tripotage!" Puis il réfute un à un les arguments de l'écrivain. "J'ai pitié de ses malheurs mais, si elle est mariée, elle ne saurait conserver son titre de princesse française. Elle ne peut signer des actes, en tant que tutrice ou régente, qui exigeraient le contre seing de monsieur Lucchesi. Soit Marie Caroline est madame Lucchesi, femme d'un étranger, soit elle est madame la duchesse de Berry, mère d'une bâtarde. Et comment voulez-vous qu'elle vienne ici"?

Sans se laisser démonter, le vicomte insiste, décrit la souffrance d'une mère éplorée, effondrée à l'idée d'avoir provoqué le courroux de son cher beau-père et pleine d'un repentir sincère. "Avec une emphase bienveillante", le roi, qui a toujours eu un faible pour sa belle-fille, impétueuse et charmante, et sensible aux arguments de l'écrivain, se montre alors un peu plus conciliant. "Que Madame la duchesse de Berry se fasse oublier. A Palerme. Qu'elle vive maritalement avec monsieur Lucchesi à la vue de tout le monde, alors on pourra dire aux enfants que leur mère est remariée; elle viendra les embrasser. Je ne lui ferai aucun reproche, mais il faudra qu'elle se contente d'une réunion passagère".

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