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L'ANTI-EPOPEE DU COMTE D'ARTOIS
(JUILLET-NOVEMBRE 1795)
Réfugié en Angleterre, le comte d'Artois, futur
Charles X, ne se résout pas à voir la monarchie française
disparaître. Malgré les victoires des Républicains sur les
émigrés et les insurgés vendéens, il n'a pas perdu
tout espoir. Après le désastre de Quiberon, il met sur pied, avec
l'appui des Anglais, un nouveau débarquement en France. Cette expédition
connaîtra, à l'automne 1795, une fin lamentable.
Tandis que l'Angleterre renâcle à verser de
son sang pour restaurer la monarchie française, Charles Philippe, comte
d'Artois, s'évertue à prendre son mal en patience. La chute de
Robespierre, en août 1794, lui a donné quelques raisons d'espérer
malgré la défaite des troupes du duc d'York devant Charles Pichegru,
général de la Convention, aux Pays Bas. Quand, en 1795, il apprend
que 5 000 émigrés français s'apprêtent à débarquer
à Carnac, soutenus par la flotte anglaise, le futur Charles X décide
de se joindre à eux.
Le 25 juillet, Artois embarque pour la France. Au cours de la traversée,
on l'informe du désastre de Quiberon. Si quelques chouans, commandés
par Cadoudal ont pris part au combat, la population, elle, n'a pas bougé.
La presqu'île de Quiberon a été transformée en souricière
par les troupes républicaines du général Hoche, qui, dans
un bain de sang, ont repoussé les royalistes vers la mer. Une frégate
anglaise a ouvert le feu, tuant indifféremment Bleus et Blancs. A Auray,
quelques huit cents émigrés, capturés les armes à la main,
ont été fusillés comme traîtres à la patrie.
Ulcéré par cette tragique défaite, le
comte d'Artois projette un nouveau débarquement et demande encore une
fois l'aide des Anglais. Il obtient que ceux-ci lui apportent le soutien de
leurs feux et d'une armada d'une soixantaine de navires! La frégate Jason
prendra à son bord 1 500 hommes, tandis qu'une escadre embarquera 2 500
cavaliers et leurs montures. Le chef vendéen Charette propose à
Artois de débarquer avec ses troupes à la hauteur du marais breton
et, de là, d'attaquer l'île de Noirmoutiers, tenue seulement par
un millier de républicains.
Le 26 août, Artois embarque à bord du Jason. Le 10 septembre, à
l'île d'Houat, il assiste au service funèbre célébré
à la mémoire des morts de Quiberon. Neuf jours plus tard, il met
enfin le cap sur Noirmoutiers. Mais, vingt six navires anglais restent à Houat,
amputant ainsi fortement sa flotte. Artois a pris beaucoup de retard. Charette
s'en plaint amèrement, car il s'est vu obligé de renvoyer 12 000
de ses hommes. Il lui faudra au moins six jours pour les rassembler de nouveau,
si bien que l'attaque de Noirmoutiers lui semble désormais périlleuse.
Aussi il propose un débarquement plus au sud. Mais les Anglais s'en tiennent
aux premières instructions, et le comte d'Artois, contraint et forcé,
fait mouiller ses navires au large de Noirmoutiers le 24 septembre. Là
s'engage un bref échange de tirs d'artillerie. Le général
républicain Cambray, à qui Hoche a envoyé des renforts,
refuse de se rendre. La flotte royaliste décide de mettre le cap sur
l'île d'Yeu, que ne défend, dit-on, aucune garnison française.
Le comte d'Artois débarque sur l'île d'Yeu le
2 octobre. Aussitôt il dépêche auprès de Charette
son plus fidèle compagnon, le marquis de Rivière. Alors que la
saison des tempêtes ne va pas tarder, une longue attente commence. Trois
jours plus tard, le chef vendéen écrit : "Je
vais faire tout mon possible pour vous assurer votre débarquement, qui
sera très aisé si je ne m'y porte pas, et impossible si je m'y
porte, vu que les républicains ont les yeux fixés sur moi".
Et, en effet, le billet est intercepté par les Bleus!
Le marquis de Rivière ne revient pas, mais Artois attend toujours. Chaque
jour, les chances de voir le débarquement réussir s'amenuisent.
Depuis qu'ils ont eu vent de l'expédition, les républicains ont
eu tout le temps de rassembler leurs forces. Dans les rangs royalistes, les
rumeurs les plus folles courent, sur la mort de Charette, sur celle de Rivière.
Les troupes des émigrés souffrent, sans pain, ni bois, ni paille,
continuellement exposés aux terribles vent d'ouest et aux pluies torrentielles.
Dès le 10 octobre, Artois songe à quitter l'île d'Yeu et
à abandonner Charette. Son projet a la faveur des Anglais. Depuis Vendémiaire,
à Paris, la situation politique a changé : ce n'est plus le moment
d'agir. Une frégate venue de Plymouth, récupère le comte
d'Artois, qui, le 18 novembre, quitte enfin l'île d'Yeu. Pourtant, il
aurait pu débarquer, d'autant que, peu après, une forte cargaison
d'armes sera livrée aux chouans. Napoléon commentera ce départ
en s'exclamant : "Si j'avais été le
prince, j'aurais traversé la mer sur une coquille de noix".
Mais, dans l'entourage du comte, il y a plus de courtisans que de vaillants
soldats.
Quant à Charette, il attend. En vain. Un aide de camp, qui a débarqué
près de Saint Jean de Monts, vient lui annoncer que le comte d'Artois
ne viendra pas. Et lui offre en guise de cadeau (!) un sabre d'honneur. Sur
la lame, on peut lire : "Je ne cède jamais"!
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