LE COMTE D'ARTOIS A LA TETE DES ULTRAS

La défaite de Napoléon à Waterloo a mis un terme à l'aventure épique des Cent Jours et Louis XVIII est revenu sur le trône de France. Mais, autour de son frère, le comte d'Artois, vont se liguer les "ultras", qui, "plus royalistes que le roi", réclament vengeance. Louis XVIII va avoir fort à faire avec ce frère et cette opposition qui refuse le compromis de la Charte de 1814.

La Chambre de 1814, dont maints députés ont siégé lors des Cent Jours, a été dissoute par Louis XVIII, qui a provoqué de nouvelles élections, du 14 au 22 août 1815. Mais, les votants ont été peu nombreux et les opérations électorales n'ont pas été exemptes d'illégalités. Tandis que les partisans des Bourbons croupissent en prison, la nouvelle Chambre qui sort des urnes est la plus orientée à droite que la France ait jamais connue. Louis XVIII peut à juste titre la qualifier "d'introuvable". La comtesse de Boigne, mémorialiste de l'époque, ajoute pour sa part qu'elle s'est montrée "folle, exagérée, ignorante, passionnée et réactionnaire, dominée par les intérêts de caste". Cette Chambre est plus en accord avec le comte d'Artois, le futur Charles X qu'avec son frère le roi. Partisan acharné de l'épuration, Monsieur s'enthousiasme du vote des "lois d'exception", qui créent des cours prévôtales destinées à punir les crimes contre la sûreté de l'Etat, et s'exclame à l'attention des députés : "Nous vous supplions au nom de ce peuple même, victime des malheurs dont le poids l'accable, de faire enfin que la justice marche où la clémence s'est arrêtée".

Loin de l'amnistie promise à Cambrai par Louis XVIII, l'épuration se déchaîne. Les tribunaux prononcent 8 000 condamnations politiques et le roi, poussé par son frère, destitue 70 préfets, 100 sous-préfets, 55 présidents de Cour, 41 procureurs généraux, 1 400 juges et 200 conseillers, ainsi qu'une bonne centaine de maires. L'armée de la Loire, celle des vaincus de Waterloo, est purgée de plus de 12 000 officiers, sous-officiers et soldats, qui sont mis en non activité et expulsés de leurs camps. Ce sont ces "demi-soldes" plongés dans la misère et dans la nostalgie du souvenir glorieux de l'Empire que décrira Balzac. Les généraux ne sont pas épargnés : Bien que le roi ait eu quelques velléités de grâce pour le maréchal Ney, le comte d'Artois et Madame Royale, la fille du défunt Louis XVI, obtiennent que le héros de la Moskova soit condamné à mort. Le 9 novembre 1815, la Chambre vote une loi punissant les écrits séditieux et les paroles provocatrices et, sur proposition du député Piet, les peines peuvent aller jusqu'à la mort. Le Gouvernement de Decazes parvient cependant à s'opposer aux parlementaires et n'accepte que la proscription concernant la famille impériale et la loi d'exil pour les régicides qui ont accepté de servir Napoléon pendant les Cent Jours.
Tout cela ne satisfait pas Monsieur et ses ultras, qui exigent toujours plus de répression. Au pavillon de Marsan, le "cabinet vert" (la couleur du comte d'Artois) multiplie les intrigues. Chaque soir, les conseillers y arrivent "les mains garnies de petits morceaux de papier". Ce sont des notes, des rapports sur des personnages dont le royalisme paraît tiède et que l'on accuse, avec plus ou moins de raison, d'être bonapartistes. Cette coterie prend la forme d'un véritable ministère
"de l'Entresol" qui exerce quelque influence sur la politique du vrai ministère.

Parallèlement, se fondent en province des sociétés royalistes secrètes, que la police interdit en vain, comme les sociétés des "Francs régénérés" et des "Bandouliers". Le ministère de l'Entresol crée des comités départementaux destinés à surveiller l'administration et à dénoncer les suspects. Chaque semaine, une lettre de Paris arrive en province avec consignes et mots d'ordre.
Mais l'essentiel du soutien de Monsieur va au mouvement religieux qui s'exprime au sein des
"Missions de France" et de la fameuse "Congrégation". Cette dernière se présente comme une association de piété où religieux et laïcs se réunissent pour prier et patronner des oeuvres de charité. De nombreux grands noms de la noblesse, mais aussi de la roture, y sont affiliés. Très vite, la Congrégation se transforme en un centre politique dont l'influence, en dépit d'une pieuse et bonne volonté, est de plus en plus importante et souvent fort néfaste. Artois, qui aime être aimé, ne peut l'être de ses amis ultras qu'en se mettant à leur tête et en adoptant leurs excès. Ses "créatures" ne brillent pourtant guère par leurs "lumières politiques", que ce soit Mathieu de Montmorency ou Sosthène de Rochefoucauld. En août 1816, le roi se décide à dissoudre cette Chambre ingouvernable. Le 5 septembre, la publication de l'ordonnance soulève une grande joie chez les libéraux et les constitutionnels. Le comte d'Artois, lui, laisse éclater sa colère, mais les plus grands excès de la réaction royaliste sont bien endigués.

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