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HONORE DAUMIER, UN CARICATURISTE FEROCE 15 décembre 1832. Dans un mouvement de
colère, le roi jette sur son bureau le dernier numéro du journal "La
Caricature". Louis Philippe, qui y est représenté en Gargantua grotesque se
gavant des ressources de la France, entend sévir et ne plus se laisser ridiculiser par le
dessinateur Honoré Daumier et ses comparses.
"Sire, il faut sévir!
Faire un exemple". Les ministres et les conseillers de Louis Philippe, eux
aussi régulièrement malmenés par "La Caricature", conjurent le roi
de réagir avec la plus grande sévérité. Sa Majesté ne demande qu'à se laisser
convaincre. Ce petit Daumier l'a déjà croqué en "poire" assez indigeste!
Cette fois, il le caricature en "Gargantua". Deux jours plus tard, le
dessinateur Honoré Daumier est inculpé "d'offense à la
personne du roi et d'excitation au mépris du gouvernement".
L'accusé sait qu'il va à avoir passer 6
mois en prison et payer une amende de 500 francs. Mais, en attendant, son
"Gargantua" le rend célèbre du jour au lendemain. Il s'en réjouit, tout en
continuant de croquer avec une féroce gourmandise hommes politiques, magistrats,
militaires, financiers, petits et grands bourgeois, fripons de toutes espèces. Personne
n'échappe au trait acéré de sa plume. Et Daumier sait bien qu'en ridiculisant ministres
et députés, il use de l'arme la plus efficace contre ce qu'il nomme "le grand carnaval politique".
Le journal auquel collabore Daumier, "La
Caricature", un des premiers hebdomadaires satiriques, remporte un vif succès
populaire. Se situant dans l'opposition libérale, il a été créé par le graveur
Charles Philipon. Ce dernier souligne de légendes ironiques et insolentes les dessins
d'un certain Rogelin, pseudonyme adopté par Daumier. Un autre Honoré, Balzac, décrit
dans le même hebdomadaire, avec ses mots ciselés, les petits et grands travers du temps.
Bientôt, les dessins de Daumier deviennent le centre d'intérêt des lecteurs, le dernier
sujet de conversation en vogue. Le dessinateur, qui n'a que 23 ans, semble posséder une
énergie inépuisable et produit avec autant de plaisir que de prodigalité. Son trait de
crayon est d'une précision géniale. Il sait utiliser à merveille la technique de la
lithographie dont il a fait l'apprentissage encore adolescent.
Marseillais, fils d'un artisan vitrier, Honoré Daumier est devenu parisien à l'âge de 8
ans, en 1816 D'abord clerc d'huissier puis commis dans une librairie, il a exercé maints
petits métiers. Montrant une aptitude exceptionnelle pour le dessin, il affirme très
jeune sa vocation. A 14 ans, en 1822, il signe sa première lithographie. A la fin de sa
vie, il en laissera une magnifique collection composée de quelques 4 000 ouvres.
Mais
Honoré Daumier n'est pas seulement le plus grand caricaturiste de son siècle.
S'il a d'abord gagné sa vie chez un lithographe, c'est aussi un peintre sensible
et tendre. Il est féroce lorsqu'il se moque de la Cour citoyenne, des Divorceuses
ou des Bons Bourgeois. Mais quand il peint la Blanchisseuse, il exprime sur
la toile tout l'amour d'un enfant du peuple pour les siens. Et en tant que paysagiste,
il sait montrer sa passion pour la beauté et l'harmonie. Comme si le peintre
en lui était l'ange gardien, ou la soupape, du dessinateur caricaturiste. Les
spécialistes analysent l'ouvre de Daumier sous l'angle du réalisme, du
témoignage historique. Mais surtout, comme certains artistes très rares, il
a su créer son propre style et donner sa vision personnelle de la "comédie
humaine". Sa carrière est un bel exemple d'indépendance et d'esprit
démocratique.
S'il est mal compris du public, Daumier
est admiré par les Romantiques, Delacroix ou les peintres de l'école de Barbizon. La
critique, tenue par un certain Beaudelaire (qui célèbre sa "mémoire
merveilleuse et quasi divine qui lui tient lieu de modèle") ou un Théodore
de Banville, l'encense. Sa peinture aura une influence déterminante sur ses contemporains
comme sur les générations suivantes : de Manet et Monet à Degas, Toulouse Lautrec et
Van Gogh.
Après avoir purgé sa peine de prison, Daumier collabore au "Charivari"
qui succède à "La Caricature" interdite. Plus tard, il raillera le
ministère Thiers et les politiciens du Second Empire avec la même fougue qu'il a
manifesté contre Louis Philippe et la bourgeoisie.
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