ENTENTE CORDIALE : LOUIS PHILIPPE RECOIT LA REINE VICTORIA AU CHATEAU D'EU

Les souverains de France et d'Angleterre se rencontrant amicalement? Un tel événement n'a pas eu lieu depuis trois siècles! Cette entrevue de 1843, restée dans l'Histoire sous le nom "d'Entente Cordiale", a lieu en Normandie, au château d'Eu, résidence d'été de Louis Philippe. Elle est non seulement courtoise, mais aussi politique, et surtout familiale.

La reine Victoria d'Angleterre n'a que 24 ans lors de ce voyage mémorable. C'est elle qui en a eu l'idée pour concrétiser enfin l'alliance des deux plus grandes puissances européennes. Les négociations entre les ministres des Affaires Etrangères d'Angleterre et de France, Lord Aberdeen et François Guizot, sont engagées depuis deux ans. Il faut activer les choses. La visite doit avoir l'air d'une villégiature, presque impromptue. Elle est tenue secrète jusqu'au dernier moment. Même Guizot n'en est averti que le 20 août 1843. Le 2 septembre, dans l'après-midi, le superbe yacht à vapeur Victoria et Albert, avec à son bord la reine, le prince Albert, son époux, et 300 hommes d'équipage, mouille au Tréport. En croisière sur la mer d'Opale, la reine fait escale, comme par hasard, dans le port normand. Et comme par miracle, Louis Philippe et les siens sont là. Au milieu des salves d'artillerie et des cris de la foule qui se bouscule sur le quai, les souverains se saluent. A 70 ans, Louis Philippe est ému par la grâce de la jeune Victoria. Elle devient instantanément sa "chère petite reine". Une chère petite reine conquise, elle aussi, par ce roi à la stature imposante mais si chaleureux.

Jusqu'au 7 septembre, pendant les 5 jours de la visite de Victoria, le dialogue se resserre entre les deux pays, et surtout entre les familles royales. Les 9 reines présentes, Victoria, Marie Amélie de France et Louise, la reine des Belges, sont étroitement liées. Louise est le catalyseur, la médiatrice idéale. Fille aînée de Louis Philippe et de Marie Amélie, elle est l'épouse de Léopold de Belgique. Ce dernier n'est autre que l'oncle maternel de Victoria, de la branche Saxe Cobourg. Et il faut encore ajouter à ces liens familiaux que le très anglophile Louis Philippe a été reçu avec beaucoup de grâce par les parents de Victoria, le duc et le duchesse de Kent, alors qu'il n'était qu'un prince en exil, chassé par la Révolution. Ces journées se résument non pas en palabres diplomatiques mais en agréables réunions. Hormis Guizot, le ministre des Finances, Lacave Laplagne, et celui de la Marine, Mackau, ont été conviés. Victoria, de son côté, n'est accompagnée que de Lord Aberdeen, son ministre des Affaires étrangères, et de Lord Cowley, son ambassadeur à Paris.

Louis Philippe veut accueillir la reine d'Angleterre dans une ambiance joyeuse, intime mais éclatante. Dès le premier soir, un banquet de 60 couverts ouvre les festivités. C'est ensuite une succession de concerts, de promenades en char à bancs, de spectacles, de pique-niques dans le parc et les environs d'Eu. Le second jour est un dimanche. Louis Philippe comptait régaler ses invités de musique. Mais les 40 musiciens, et toute le société française, doivent se faire une raison. Ce jour-^à, les Anglicans ne peuvent se consacrer qu'à la religion. Chacun devra patienter jusqu'au lendemain pour le déjeuner en forêt et la représentation des chanteurs de l'Opéra Comique dirigés par Esprit Auber. En attendant, Victoria et sa suite prient dans leurs appartements, tandis que les catholiques se contentent d'une messe à la collégiale. La reine accepte cependant de suivre Louis Philippe qui la guide dans son cher château construit au XVIème siècle. Elle a ainsi l'occasion de voir une chapelle catholique pour la 1ère fois de sa vie. Le reste du séjour se poursuit dans une harmonie que rien ne trouble. Le temps est même si doux que le prince Albert décide de prendre un bain de mer à 7 heures du matin. Victoria, quant à elle, attrape un fou rire contagieux lors de la prestation du comédien Arnal dans la galerie du château. Quand, le jeudi 7 septembre, les mondanités prennent fin, on se quitte, satisfait et ravi.

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