GEORGE SAND PUBLIE "LA MARE AU DIABLE"

Femme libre et indépendante, George Sand fait scandale par son apparence masculine (elle porte pantalon et gilet, fume le cigare) et par ses idylles passionnées avec le poète Alfred de Musset et le compositeur Frédéric Chopin. En 1846, sans pour autant renoncer à ses convictions d'apôtre de la régénération sociale, elle publie son premier roman champêtre, La Mare au diable.

Séparée de son mari, Aurore Dupin, baronne Dudevant, mène une vie libre. Lorsqu'elle devient la maîtresse de l'écrivain Jules Sandeau, elle prend le pseudonyme de George Sand, qu'elle gardera après leur rupture en 1831. Aspirant à mener une vie sans contraintes, elle est bien loin d'être un Don Juan au féminin comme on a voulu la dépeindre. Elle est plutôt d'un tempérament à la fois naïf et poète : son premier amant n'est autre que l'univers tout entier, l'océan, le ciel pur, les arbres. Lectrice de Rousseau, elle a appris de l'auteur de l'Emile que le langage de la vertu est aussi celui du coeur. Le XIXème siècle est au lyrisme et à la rébellion romantique, qui enseignent que l'amour a tous les droits; et les graves socialistes utopistes pour qui la romancière s'enthousiasme ont mis au premier plan la "loi de l'attirance des sexes" en dehors des conventions bourgeoises.

Pendant près de dix ans, George Sand subit l'influence de Pierre Leroux, avec qui elle fonde en 1841 La Revue indépendante. Le philosophe, un temps porte-parole des saint simoniens, l'a séduite par ses idées sur l'amour et sur la société. Il juge inadmissible l'inégalité des sexes, réhabilite la chair, ainsi que Satan, "libérateur de l'humanité avilie par la doctrine du péché originel". Il croît à un âge d'or et prêche une nouvelle répartition de la propriété au profit de la collectivité, ce qui n'exclut pas un certain droit à la propriété individuelle, propre à calmer le malaise de la "bonne dame de Nohant"!
Tous les romans écrits pendant les dix ans qui précèdent la révolution de 1848 sont le reflet des aspirations et de la foi sociales de George Sand; mais, alourdis par leur contenu idéologique, ils ne constituent pas le meilleur de son oeuvre. Ainsi, Le Compagnon du tour de France, publié en 1840, inquiète la conservatrice Revue des Deux Mondes.
Cependant, peu avant 1848, la romancière se détache de Leroux, penseur trop irréaliste. Elle réside de plus en plus souvent dans son domaine de Nohant, dans le Berry, où elle consacre ses journées à sa famille, notamment à son fils Maurice, au jardinage et à une abondante correspondance avec ses amis, en particulier Gustave Flaubert.
Dans ce cadre bucolique, elle étudie Virgile et apprend le latin. Elle écrit aussi, de préférence la nuit, à un rythme très rapide. La lecture du poète latin l'incite à composer les Géorgiques de sa province, car, dans son enfance, elle a été charmée par les contes du chanvreur à la veillée.

Nourrie des mythes et des légendes de son Berry natal, George Sand rêve d'atteindre à cette simplicité rustique du récit, de conserver le ton tranchant et direct du conteur populaire tout en transposant le langage du terroir pour être comprise du lecteur parisien.
De cette tentative naissent deux aimables idylles : La Mare au diable, en 1846, et François le Champi, l'année suivante. Ces romans symétriques (dans le premier, un riche fermier épouse une pauvre fille; dans le second, un bâtard abandonné dans les champs se fait aimer de la femme aisée qui l'a recueilli), pastorales émouvantes et morales, ont toute la grâce de l'antique. Si la poésie y prend le pas sur le combat idéologique, l'écrivain ne renonce pas pour autant à ses idées, et ses romans champêtres font une large place aux revendications sociales. Ainsi la préface de La Mare au diable est un véritable manifeste : "Ces richesses qui couvrent le sol sont la propriété de quelques-uns, et les instruments de la fatigue et de l'esclavage du plus grand nombre". Germain, le héros, tombe amoureux de la jeune et pauvre Marie; il refuse la veuve riche et vaniteuse qu'il doit épouser, puis sauve Marie des griffes d'un patron nanti, égoïste et lubrique. La romancière dépeint le paysan "en pauvre honnête homme, plein de vertus simples", qui ne peut pourtant connaître les joies de l'esprit car "ceux qui l'ont condamné à la servitude dès le ventre de sa mère, ne pouvant lui ôter la rêverie, lui ont ôté la réflexion". Toujours optimiste, elle conclut cependant : "Un jour viendra où le laboureur pourra aussi être un artiste".
Mais George Sand n'est pas une révolutionnaire : elle n'aime pas la violence et refuse que le sang soit versé. La révolution de février 1848 et l'accession au pouvoir de ses amis (Louis Blanc, Ledru Rollin, Blanqui, Arago) ne la sortiront qu'un temps de son domaine de Nohant, où elle retournera vite se réfugier.

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