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LA LOI GUIZOT SUR L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
De
1832 à 1837, François Guizot va, presque sans interruption, être ministre de
l'instruction publique et entreprendre une oeuvre importante. Par la loi sur
l'enseignement primaire, votée le 28 juin 1833, il va poser les bases de l'instruction
publique et du système éducatif du XXème siècle.
Dans un souci à la fois politique et pédagogique,
François Guizot, ministre de l'instruction publique, entend, grâce à l'action
conjointe de l'Etat et de l'Eglise, donner aux enfants un savoir teinté de principes
moraux et religieux. L'éducation améliore l'homme, pense-t-il, et peut transformer
la société de ces années 1830. Si Guizot cherche à élever le niveau général
de l'instruction en France, en particulier pour les défavorisés, son oeuvre
porte la marque de son temps. Elle repose sur une vision cloisonnée de la société
et ne jette pas de passerelle entre un enseignement primaire destiné aux classes
populaires et un enseignement secondaire et supérieur réservé à la bourgeoisie
et à l'aristocratie. La loi du 28 juin 1833 retient deux grands principes
complémentaires : créer un enseignement primaire public et libre. Le caractère
publique suscite l'hostilité de la droite et le principe de liberté celle de
l'extrême gauche. Mais Guizot réussit à imposer l'un et l'autre. Cependant,
la Chambre retire du projet l'instruction des filles pour la maintenir sous
le contrôle des congrégation religieuses féminines.
La généralisation de l'instruction primaire
repose sur des principes simples : la liberté, qui permet la concurrence; la
décentralisation, qui confie l'éducation aux instances locales; l'intervention
de l'Etat, qui, pour la première fois, intègre l'enseignement primaire dans
le corps universitaire et garantit le tout. Mais cet enseignement, conçu comme
une "dette étroite du pays envers
ses enfants", n'est encore ni laïc, ni obligatoire,
ni gratuit. L'article 1er stipule que "l'instruction
primaire élémentaire comprend (...) l'instruction morale et religieuse, la lecture,
l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal
des poids et mesures". Il n'est pas obligatoire
d'aller à l'école, mais la liste des parents qui n'y envoient pas leurs enfants
sera publiée. Seuls les indigents, désignés par les conseils municipaux, sont
admis gratuitement, aux frais des communes. Les autres payent à l'instituteur
une rétribution qui s'ajoute au traitement versé par l'Etat. Dorénavant,
chaque commune doit entretenir au moins une école élémentaire et, si elle a
plus de 6 000 habitants, une école primaire supérieure préparant aux métiers
du commerce et de l'industrie. Dans chaque département, une école normale primaire
assure la formation des instituteurs, qui, fonctionnaires nouvellement intégrés
à l'université, deviennent des personnages clefs de la vie sociale. Les conseils
communaux, composés du maire, du curé ou du pasteur et de trois conseillers
municipaux, veillent au respect des règles d'hygiène et de la discipline dans
les établissements scolaires.
Bien que dotée d'un budget de trois millions
de francs, somme qui paraît considérable à l'époque, la réforme n'est que lentement
et difficilement mise en application. Titulaires du brevet de capacité institué
par la loi, les instituteurs en place sont souvent médiocres. Il arrive même
qu'ils connaissent mal la langue qu'ils sont censés enseigner! Les traitements
alloués sont trop faibles pour attirer des candidats de qualité, et, en même
temps, jugés trop élevés par les communes, qui considèrent les maîtres comme
des bons à rien... De nombreuses municipalités, sur lesquelles pèsent les charges
élevées de la réforme, renâclent à ouvrir leur école, d'autant que les parents
insistent pour que les enfants participent aux travaux des champs. Néanmoins,
les chiffres sont éloquents. De 31 420 à la fin de 1833, le nombre des écoles
primaires passe à 33 695 l'année suivante et à 43 514 en 1847. En trois ans,
le nombre d'élèves double, pour s'élever à près de 2,5 millions en 1836. En
1848, près de 64% des conscrits savent lire. Mais l'instruction n'évolue pas
au même rythme dans toute la France. Les résultats sont particulièrement sensibles
à Paris, dans le Nord et dans l'Est, surtout en Alsace, en Bourgogne et en Franche
Comté; tandis que les régions du Sud et de l'Ouest, à l'exception des grandes
villes, accusent un grave retard. Quant aux écoles de filles, dissociées de
la réforme, elles ne font leur apparition que très lentement sous la Monarchie
de Juillet. Après la forte impulsion donnée lors des quatre premières années,
le bilan de la loi du 28 juin 1833 se révèle à la fois positif et décevant.
Et les successeurs de Guizot mettront moins d'application à poursuivre une oeuvre
qui sera achevée par les Gouvernements de la République.
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