"NOTRE DAME DE PARIS" OU LE TRIOMPHE DU MOYEN AGE

Victor Hugo a terminé la rédaction de Notre Dame de Paris juste à temps pour échapper aux multiples injonctions de ses créanciers! Dès sa parution, en février 1831, le troisième roman de l'écrivain le plus populaire de son temps connaît un immense succès, ravive l'attrait pour le Moyen Age et suscite un véritable mouvement de ferveur autour des splendeurs de la cathédrale.

En août 1830, Victor Hugo écrit à son éditeur, Charles Gosselin. Lors des journées révolutionnaires des Trois Glorieuses, il a mis une partie de ses manuscrits "à l'abri" chez son frère et, dans l'aventure, a perdu des notes indispensables à la rédaction de son prochain roman : Notre Dame de Paris. L'éditeur n'est pas dupe et, sentant que l'ouvrage n'est guère avancé, reporte la date de remise du manuscrit au 1er février 1831. Reste à Hugo à se mettre à la tâche, d'autant qu'il doit faire vivre sa famille et, surtout, que les dettes s'accumulent!
Le 1er septembre 1830, l'écrivain se cloître dans son cabinet de travail, déterminé à s'accorder pour seule récréation quotidienne une heure de causerie après dîner avec quelques amis. Le 15 janvier de l'année suivante, il a terminé. Sitôt le manuscrit reçu, l'éditeur le confie à son épouse, traductrice de Walter Scott. Et le verdict tombe : madame Gosselin trouve le troisième roman de Victor Hugo d'un ennui mortel!

Le 16 février 1831, Notre Dame de Paris est chez les libraires. Mais ce jour-là, le service funèbre célébré à l'église Saint Germain de l'Auxerrois à la mémoire du duc de Berry provoque une émeute qui se termine par le sac de l'archevêché. Parmi les livres jetés à la Seine se trouve une Charte du cloître Notre Dame dans laquelle Victor Hugo s'est documenté. Quelques jours plus tard, le calme est revenu dans la capitale et la presse s'intéresse à Notre Dame de Paris. Le livre soulève immédiatement l'enthousiasme du public et se vend comme des petits pains. Les poètes de la Jeune France jubilent d'un triomphe qu'ils considèrent à la mesure de celui d'Hernani. Lamartine déborde d'admiration : "C'est le Shakespeare du roman, c'est une oeuvre colossale, une pierre antédiluvienne, c'est l'épopée du Moyen Age! L'auteur est plus haut que vos tours de Notre Dame"! Au contraire de Balzac, dont la critique est impitoyable : "Deux belles scènes, trois mots, le tout invraisemblable, deux descriptions, la belle et la bête, et un déluge de mauvais goût; une fable sans possibilité et par dessus-tout un ouvrage ennuyeux, vide, plein de prétention architecturale".
En situant l'intrigue mélodramatique dans un cadre historique, Victor Hugo a renoué avec un Moyen Age pittoresque et légendaire qui a déjà inspiré ses Ballades. Pour ressusciter le Paris de Louis XI, il a fait de minutieuses recherches historiques. Mais c'est avec son imagination qu'il a brossé des fresques grandioses, mis en scène des foules immenses. Souvent, Hugo s'est plongé dans la contemplation de la cathédrale Notre Dame de Paris. En transposant ses splendeurs architecturales dans son roman, il en a fait son "personnage" principal; et l'a marquée, souligne l'historien Jules Michelet, "d'une telle griffe de lion que personne désormais ne se hasardera d'y toucher"!

En 1825, Hugo a donné son point de vue sur la sauvegade du patrimoine dans Sur la destruction des monuments en France. Avec Notre Dame de Paris, il s'adapte avec un exceptionnel talent au goût du jour, en exprimant l'engouement de son siècle en général et des romantiques en particulier, pour le Moyen Age et le gothique sous toutes ses formes. Cependant, il contribue à faire renaître autour de la cathédrale un courant de ferveur et d'admiration. Et, en attendant que l'architecte Violet le Duc tente de lui rendre son apparence médiévale, à la grande surpise des chanoines, les visiteurs s'y précipitent!
Oeuvre de l'écrivain le plus populaire de son temps, Notre Dame de Paris inspire maints livrets d'opéra. Quasimodo, ce héros "ni homme, ni animal, plus foulé aux pieds et plus difforme qu'un caillou...", triomphe sur les scènes européennes, de Londres à Moscou. Hugo lui-même succombe à la vogue et tire de son roman un poème en quatre actes, Esméralda, qui, mis en musique par Louise Bertin, sera représenté en 1836. Pour former un diptyque avec Notre Dame de Paris, Victor Hugo prévoit d'écrire un autre roman, intitulé La Quiquengrogne, du nom d'une des tours du château de Bourbon l'Archambault.
"Notre Dame de Paris, c'est la cathédrale; La Quiquengrogne, ce sera le donjon. L'architecture militaire après l'architecture religieuse. Dans Notre Dame de Paris, j'ai peint plus particulièrement le Moyen Age sacerdotal; dans La Quiquengrogne, je peindrai surtout le Moyen Age féodal, le tout selon mes idées, bien entendu", écrit-il à ses éditeurs, Eugène Renduel et Charles Gosselin. En septembre 1832, La Revue de Paris annonce pour cet automne la publication de La Quiquengrogne et d'un autre roman, Le Fils de la bossue. Victor Hugo, n'écrira ni l'un, ni l'autre...

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