L'INSURRECTION PARISIENNE "DES SAISONS"

Occupation des Tuileries, élimination de la famille royale, prise du pouvoir appuyée par plusieurs régiments acquis aux idées socialistes... En 1836, la découverte de ce plan subversif a entraîné l'arrestation de ses auteurs, Barbès et Blanqui. Condamnés à la prison et libérés l'année suivante, les révolutionnaires s'attellent à la mise sur pied d'une nouvelle conspiration contre cette monarchie de Juillet qu'ils honnissent.

Armand Barbès et Louis Auguste Blanqui, depuis qu'ils ont été libérés de prison en 1837, ne restent pas inactifs. Après "l'association des Familles" qui, début 1836, comptait un millier d'adhérents, ils ont constitué une nouvelle formation occulte : la "société des Saisons". Derrière ces noms inoffensifs se cachent de véritables structures révolutionnaires. Le secret est en principe bien gardé. Pourtant, le philosophe Pierre Joseph Proudhon remarque : "Je sais, par les indiscrétions de quelques affiliés, que ces sociétés comptent aujourd'hui plus de quinze mille membres. Ils n'attendent qu'un moment favorable pour tomber, comme le chat sur la souris, sur le Gouvernement de Juillet".

Après trois mois de crise ministérielle, le moment favorable est peut-être enfin venu. Président du Conseil depuis 1838, le comte Molé est sur la sellette car les dernières élections ne lui ont apporté que le soutien d'une fragile coalition. Aucun des groupes importants de la Chambre n'est représenté dans son ministère. Les différents ténors de l'Assemblée (Guizot, Thiers, Duvergier de Hauranne, Barrot) pensent que le mot d'ordre de l'avenir est "substitution du Gouvernement parlemantaire au Gouvernement personnel" du roi. Lors de l'ouverture de la session de décembre 1838, ils s'allient contre le Président du Conseil. La commission parlementaire de l'Adresse (au roi) passe à l'attaque et rédige un texte dans lequel elle compare le ministère Molé à celui de Polignac, qui, sous le règne de Charles X, a été honni de tous. Pendant douze jours, une bataille s'engage par l'intermédiaire de 128 discours. L'Adresse n'est pas adoptée, mais Molé, estimant sa victoire trop juste, donne sa démission, le 22 janvier 1839. Pendant plus de trois mois, les parlementaires se déchirent, avant comme après de nouvelles élections. Et l'on n'a toujours pas réussi à former de Gouvernement... Pendant ce temps, les révolutionnaires songent à enfin passer à l'action. La manifestation "des Saisons" est montée avec une rare habileté par l'ouvrier typographe Martin Bernard. Le triumvirat Brabès, Blanqui, Martin Bernard fixe le coup de force au 5 mai 1839. Mais un changement de régiment dans la garnison de Paris lui fait préférer le 12, dimanche d'ouverture de la saison des courses, où la capitale sera à peu près vide. Les conjurés conviennent de se retrouver en début d'après-midi, rue Saint Martin. Ensuite, ils marcheront sur la préfecture, l'Hôtel de Ville et le Palais de Justice.

Le 5 mai, le Palais de Justice est tout de suite enlevé par Barbès. Avec sa colonne victorieuse, celui-ci rejoint Blanqui et Martin Bernard. Puis avec la totalité de leurs forces, les insurgés donnent l'assaur à l'Hôtel de Ville. Du balcon, Barbès lit une proclamation révèlant son programme, qui vise à une subversion totale de la société. Il ne s'agit même plus de réviser les traités de 1815, ni même de soutenir la République. Les trois agitateurs sont avant tout des disciples de Gracchus Babeuf, qui a prôné, au siècle précédent, la souveraineté du peuple, la suppression des classes sociales et de la propriété individuelle. Mais la riposte des forces de l'ordre est immédiate. Dans la soirée, l'Hôtel de Ville et le Palais de Justice sont repris. Les insurgés sont réduits à se réfugier dans le quartier Saint Denis. Le soulèvement n'a pas obtenu grands résultats. Sa préparation est restée trop secrète. Le peuple en a été plus surpris que le pouvoir, dont la police est souvent bien informée, et les conjurés n'ont pas obtenu des masses tout l'appui qui aurait peut-être assuré leur succès. Blessé, Barbès est arrêté le jour même, Martin Bernard au bout de quelques jours, Blanqui quelques mois plus tard. Tous sont condamnés à mort. Mais l'opinion public s'émeut, de nombreuses personnalités, tel Victor Hugo, interviennent en leur faveur. Au prétexte de célébrer la naissance de son petit fils, le comte de Paris, et de commémorer la mort subite de sa fille, la jeune duchesse de Wurtemberg, le roi prefère commuer la peine de mort en détention à perpétuité.
Les trois révolutionnaires sont enchaînés dans les cachots du Mont Saint Michel. Leur échec a eu pour conséquence de permettre la constitution d'un ministère sous l'effet de la peur, celui du maréchal Soult.

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