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LOUIS XVIII, LE PETIT-FILS
PREFERE
Le peuple et la famille royale sont à la
fête. Le 17 novembre 1755, un nouveau petit prince vient de naître à Versailles. Alors
que Louis Stanislas Xavier, comte de Provence, troisième fils du dauphin Louis Ferdinand et
petit fils de Louis XV, entre dans la vie, on tire des salves de canon aux Invalides et à
la Bastille. Nuls ne sait encore que l'enfant sera, quelque soixante ans plus tard, sacré roi,
sous le titre de Louis XVIII.
Le vin coule à flots et Paris boit à la
santé du petit Louis. Aux carrefours, le roi fait distribuer des viandes, du pain et des
pièces d'or afin que ses sujets partagent sa joie et celle de sa famille. Une famille qui
accueille à bras ouverts ce nourrisson rieur. Le dauphin Louis et son épouse Marie
Josèphe de Saxe ont déjà deux garçons. L'aîné, Louis Joseph Xavier, duc de Bourgogne,
âgé de quatre ans, est le plus précieux, le plus choyé. Après son père, il est
l'héritier direct de la Couronne. Le second, Louis Auguste, duc de Berry, futur Louis
XVI, est né l'année précédente. On ne lui accorde que peu d'attention et déjà on lui
reproche sa lenteur et son manque d'éclat.
Si le futur Louis XVI ne connaît ni ne pratique l'art de plaire et de se faire aimer, le
futur Louis XVIII, lui, s'y emploie dès sa venue au monde. La comtesse de Marchant,
gouvernante des enfants de France, est la première à succomber au charme du bambin,
auquel va aussitôt sa préférence.
Entre les deux frères, Berry et Provence,
aurait pu s'installer une amicale complicité. Au lieu de cela, s'établit une rivalité
qui les marquera à tout jamais.
A mesure qu'ils grandissent, ils s'éloignent l'un de l'autre. Leur aîné, le duc de
Bourgogne, les quitte, en même temps que le gouvernement des femmes pour, comme il est
d'usage à sept ans révolus, rejoindre le gouvernement des hommes. Provence et Berry
continuent de s'affronter dans la pouponnière royale. Et des deux, c'est toujours
Provence, plus précoce, plus vif et plus dégourdi, qui gagne.
En 1757, la famille s'agrandit, avec Charles, comte d'Artois, le futur Charles X, puis, deux
ans plus tard, avec la princesse Clotilde. Après le départ de Berry, dont c'est au tour
d'aller "aux hommes", Provence devient l'enfant chéri de la Maison Royale, et
de toute la Cour séduite par ses facéties. Mais le 22 mars 1762, un drame vient
bouleverser la vie de Versailles. Le duc de Bourgogne meurt à l'âge de dix ans.
Désespérés, les parents reportent leur tendresse sur le comte de Provence, le
préférant plus que jamais au pauvre duc de Berry. Personne, ni le dauphin son père, ni
la dauphine sa mère, ni le roi son grand-père, ni la Cour ne cache son dépit. Pourtant,
le fait est là. Désormais, le duc de Berry est le nouvel héritier présomptif en tant
qu'aîné, juste après le dauphin.
A six ans, Provence rejoint Berry auprès
du duc La Vauguyon, le très dévot et rigide gouverneur royal choisi par le non moins
dévot dauphin. Leur rivalité, attisée par le précepteur, s'accentue. Provence apprend
mieux et plus vite. Sa mémoire est exceptionnelle. Il passe sans effort de l'histoire au
latin, du droit à la théologie. Il prend même un malin plaisir à se faire valoir
auprès de ses admirateurs. Mais bientôt une autre tragédie frappe la famille royale. Le
20 décembre 1765 le dauphin, fils unique de Louis XV, décède brutalement. La dauphine,
nerveusement épuisée, ne lui survit que de deux courtes années. Provence et Berry
réagissent bien différemment. Alors que le premier surmonte son chagrin, le second est
accablé. A la perte de ses parents vient s'ajouter l'angoisse de devoir être à la
hauteur du destin qui pèse désormais sur ses épaules de premier dauphin et de futur
roi.
Pendant que son frère s'étiole ainsi, Provence se lance dans l'étude d'Horace et de
l'étiquette. S'il parle peu, il affecte de réfléchir beaucoup. Car il est aussi fat que
dissimulateur et imbu de lui-même. Pourtant, son précepteur, l'abbé Berthier prétend
qu'il a "une tête moulée pour les grandes affaires".
Et il n'a jamais été aussi populaire. Louis XV, qui entend accorder la même attention
à chacun de ses petits-enfants, ne peut s'empêcher, comme tout le monde, de marquer sa
préférence. Le futur Louis XVIII est sans conteste le "dauphin de coeur".
Quelque cinquante ans plus tard, Berry emporté par la tourmente révolutionnaire, le destin se
chargera d'en faire aussi un roi.
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Louis XVIII, sa Vie
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