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LE BANQUIER LAFFITE PRESIDENT DU CONSEIL
En octobre 1830, les Parisiens manifestent pour réclamer
les têtes des anciens ministres de Charles X. Dans le souci de calmer
les esprits, Louis Philippe lâche du lest et nomme un nouveau ministère.
Faisant preuve d'habileté politique, il fait appel au banquier Jacques
Laffitte, celui-là même qui a pris l'intitiative de lui proposer
le trône après les Trois Glorieuses et qui est resté très
populaire. C'est ainsi qu'un homme du peuple devient, le 2 novembre 1830, président
du conseil.
D'origine modeste, Jacques Laffitte, né à Bayonne
en 1767 d'un père charpentier, appartient à la génération
parvenue à l'âge d'homme quand éclate la Révolution.
Très jeune, il a conscience d'un grand destin. En 1800, le puissant banquier
suisse Perrégaux l'engage comme commis et, quelques années plus
tard, finit par lui laisser sa maison. Régent, puis gouverneur de la
banque de France, Laffitte devient l'homme de confiance de Napoléon,
dont il gère la fortune personnelle. Sous la deuxième Restauration,
il est élu député de Paris et prend la tête de l'opposition
libérale. Resté ami du peuple, dont il est issu, il est aussi
un proche ainsi que le banquier du duc d'Orléans, dont il a facilité
l'accession au pouvoir lors des Trois Glorieuses.
Louis Philippe éprouve pour Laffitte de réels sentiments. Mais,
en le nommant président du Conseil, le 2 novembre 1830, son intérêt
est moins de récompenser un serviteur fidèle que de compromettre
à travers lui la tendance qu'il représente, le parti du Mouvement,
en lui faisant essuyer les plâtres d'une nouvelle construction gouvernementale
par ailleurs modérée. A cet égard, la personnalité
du banquier va bien l'aider.
Fanfaron, Laffitte a un goût très marqué
pour le succès et la popularité. En 1820, le duc de Richelieu
l'a impitoyablement jugé : "Ce banquier ambitieux
se croit le roi des Halles, et ce n'est qu'un écervelé ne sachant
ni ce qu'il veut ni ce qu'il fait, capable de ruiner la France et de se ruiner
lui-même par vanité". Réaliste en affaires,
Laffitte réserve ses illusions pour la politique. Irrésolu, sans
programme arrêté, il est le spécialiste des déclarations
creuses et redondances. Il est prêt à faire la guerre partout,
à prendre parti pour l'Indépendance belge contre le roi de Hollande,
pour l'insurrection polonaise contre le tsar de Russie Nicolas 1er. Louis Philippe,
qui voit que ces guerres entraîneraient l'isolement de la France, le laisse
pérorer à la Chambre, mais avertit secrètement les Polonais
qu'ils ne doivent pas compter sur une intervention française, préservant
ainsi la paix en Europe.
La non-condamnation à mort des anciens ministres de Charles X sape la
popularité de Laffitte. Celui-ci essaie de se "rattraper" en
laissant se développer une agitation sociale et anticléricale
extrême. Mais l'agitation se transforme en émeutes, que le président
du Conseil n'ose réprimer. Elle atteint son paroxysme avec le saccage
de l'église Saint Germain de l'Auxerrois, puis de l'Evêché,
le 14 février 1831, lors d'un service funèbre célébré
à la mémoire du duc de Berry.
Laffitte, comme La Fayette, affirme au roi que cette complaisance envers
les émeutiers désarmera l'opposition. Mais les Français
sont las des défilés et des manifestations violentes. En outre,
la rente chute et le budget de l'Etat accuse un déficit de 73 millions
de francs. Cette grave crise financière précipite la chute du
ministère Laffitte, qui tombe le 3 mars. Doublement victime des événements,
le banquier, qui a laissé ses affaires péricliter, est à
peu près ruiné. Seule l'intervention du roi lui évite la
faillite. Louis Philippe lui rachète fort cher sa forêt de Montmorency,
et une souscription lui permet de conserver le château de Maisons.
Malgré tout, le ministère Laffitte n'a pas un bilan catastrophique.
Trois lois importantes sont à porter à son crédit. La loi
municipale a soumis le recrutement des conseillers municipaux au régime
électoral, démocratisant ainsi le gestion des villes. La loi sur
la Garde Nationale, institution la plus représentative le la Monarchie
de Juillet, a permis la mise en place d'une armée de soldats-citoyens
qui élisent leurs officiers. Enfin, la loi électorale a élargi
le corps des électeurs et des éligibles, mais a cependant conservé
le principe du cens, faisant de l'électorat une fonction (qui réclame
une capacité garantie par un certain niveau de fortune) et non un droit.
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