LAMARTINE AU BANQUET DE MACON

La campagne des banquets est lancée par l'opposition à Louis Philippe et au Gouvernement de Guizot pour faire valoir auprès de l'opinion publique les arguments en faveur d'une réforme parlementaire et électorale. Au cours de ces réunions, les hommes politiques vont donner libre cours à leur hargne à l'égard de la Monarchie de Juillet et à leurs talents d'orateurs! Tel le poète Alphonse de Lamartine à Mâcon le 18 juillet 1847.

Portrait d'Alphonse de Lamartine par le Baron François Gérard, conservé au musée national de VersaillesEn lançant la campagne des banquets au cours de l'été 1847, l'opposition espère faire pression sur le Gouvernement de Guizot en intéressant à la réforme parlementaire et électorale une opinion choquée par le conservatisme aveugle de Louis Philippe, par les affaires de corruption récemment rendues publiques et par l'abaissement de la France, notamment devant l'Angleterre. Les banquets, rendez vous de l'emphase et de l'émotion, où les plaisirs de la table favorisent une chaleur communicative, sont dans les moeurs du temps. Ils offrent aussi, tout en évitant de tomber sous le coup de la loi sur les réunions publiques, la possibilité de diffuser les idées réformatrices à l'occasion de toasts et de voeux de changement. Avant les élections de 1846, Guizot lui même a présidé quelques banquets. Mais ceux de l'opposition font plus de bruit. Ils sont organisés par la gauche dynastique d'Odilon Barrot, par des républicains notoires, tels Arago et Ledru Rollin, par un certain nombre d'indépendants, comme Lamartine ou Emile Girardin, ainsi que par des royalistes légitimistes restés fidèles au comte de Chambord, le petit fils de Charles X.

A la Chambre, l'opposition pèse d'un poids important et réclame à cor et à cri une réforme parlementaire doblée d'une réforme électorale. La première vise, afin de moraliser la vie publique, à interdire le cumul d'une charge de fonctionnaire avec celle de député. La seconde propose l'abaissement du cens à cent francs, car, sous la Monarchie de Juillet, les électeurs ne sont que 250 000!
Alphonse de Lamartine, aristocrate représentant d'un
"christianisme libéral et social", est député depuis 1833. Poète et homme politique, il est aussi historien. En 1847, au rythme de deux tous les quinze jours, il publie les huit volumes de son Histoire des Girondins, épopée en prose dans laquelle il fait l'apologie des révolutionnaires (selon lui) non violents. Il orchestre en personne une importante campagne publicitaire, compte tenu des moyens de l'époque, et tient pendant des semaines la presse en alerte. Si bien que son ouvrage fait un triomphe, tant mondain que populaire.
Mâcon, la ville natale da Lamartine, décide de donner un immense banquet en l'honneur de l'illustre enfant du pays dont il convient de fêtre la réussité récente. Cette réunion ne fait pas partie à proprement parler de la campagne menée par l'opposition, même s'il milité pour la réforme électorale, ne participe que de loin. Pourtant, le discours qu'il y prononce le 18 juillet va profondément marquer les esprits.

Alors que Lamartine vient de se lever, face à 300 convives et à une foule de 6 000 à 7 000 auditeurs, un violent orage éclate. "On y a ressenti quelque chose de saisissant pour l'imagination et de prophétique lorsqu'aux derniers grondements de tonnerre, à la vue d'un ciel sombre sillonné d'éclairs, sous une tente battue par l'ouragan, on entendit, dominant le craquement des charpentes, le sifflement du vent dans les toiles déchirées, le bris des tables, des bancs, des vaisselles et le tumulte d'une foule en désordre, la voix sévère d'un poète prédire la chute du trône et le renversement de la monarchie", raconte la comtesse Marie d'Agoult. Imperturbable, l'orateur, de sa voix de violoncelle, dont il joue en virtuose, annonce les bouleversements de 1848 : "Si la royauté parvient à faire d'une nation de citoyens une vile meute de trafiquants (...), après avoir eu les révolutions de la liberté et les contre révolutions de la gloire, vous aurez la révolution de la conscience publique et la révolution du mépris"!
Après l'éclat de son discours de Mâco, Lamartine, redoutant la tournure fâcheuse que pourraient prendre les événements, juge prudent de s'accorder une période de retraite. Quant au roi, il est toujours aussi satisfait de lui même. Le 27 décembre 1847, dans une adresse à la Chambre, il condamne les banquets, leurs organisateurs, leur auditoire et
"l'agitation que fomentent les passions ennemies ou aveugles". Les jours de la monarchie sont pourtant comptés...

   Le plus de la fiche

Retour Louis Philippe, les Personnalités

© 2002-2003 cliannaz@noos.fr