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LE COUP DE MAIN MANQUE DE BOULOGNE
Quatre ans après avoir échoué
à soulever la garnison de Strasbourg, Louis Napoléon Bonaparte
tente un nouveau coup de main. Le 6 août 1840, il débarque à
Boulogne, projetant de s'emparer de la ville, puis de marcher sur Paris. L'affaire
va tourner au fiasco et vaudra au prince les railleries de la presse et le mépris
de l'opinion.
Pour avoir tenté de soulever la garnison
de Strasbourg en octobre 1836, le prince Charles Louis Napoléon Bonaparte
a été exilé qu Brésil par Louis Philippe. L'année
suivante, il est rentré en Europe. Indésirable en France, il s'est
installé à Londres. Pour ne pas s'attirer les foudres du Gouvernement
anglais, il a jugé prudent de renoncer, du moins en apparence, à
tout activisme politique. Mais, depuis la mort de l'Aiglon, en 1832, Louis Napoléon
se considère comme l'espoir du parti bonapartiste. Dans son testament,
sa mère, Hortense de Beauharnais, l'a conforté dans ses convictions
: "Je n'ai point de conseil politique
à donner à mon fils; je sais qu'il connaît sa position et
tous les devoirs que son nom lui impose". Et le prince
tient à montrer que, en digne héritier de son oncle l'empereur
Napoléon 1er, il est capable de réflexion politique. Dans son
ouvrage Les Idées napoléoniennes, il développe sa conception
du césarisme démocratique, gouvernement autoritaire s'appuyant
sur le peuple. Publié en 1839 et habilement diffusé en France,
le livre remporte un certain succès. D'autant qu'un panégyrique
anonyme attire l'attention sur celui qui "ose, seul et sans appui, entreprendre
la grande mission de continuer l'oeuvre de son oncle". Cependant, Louis
Napoléon ne se contente pas de penser. Il réunit des fonds importants
en vendant pour 300 000 francs d'oeuvres d'art, pour plus d'un million de francs
d'actions, plus une riche propriété en Italie. A l'évidence,
il prépare une nouvelle conspiration.
Peu à peu, le complot, sous la direction
des anciens animateurs de l'affaire de Strasbourg et à la suite d'assurances
données par Aladezine, un officier d'active. Une cinquantaine de fidèles
sont enrôlés. On achète des uniformes chez un fripier parisien,
des fusils chez un armurier de Birmingham. Louis Napoléon loue un vapeur,
l'Edinburgh Castle, à bord duquel il projette de rallier le continent.
On hâte les préparatifs pour profiter du regain de ferveur bonapartiste
que suscite en France l'annonce du retour des cendres de l'Empereur, mais aussi
de la crise internationale provoquée par la question d'Orient. Dans
la nuit du 5 au 6 août 1840, l'Edinburgh Castle jette l'ancre au large
de Wimereux, petit port situé à quelques kilomètres au
nord de Boulogne. A l'aube, après avoir reçu chacun un uniforme
et une somme de cent francs, les hommes de Louis Napoléon débarquent.
Il est prévu qu'ils occuperont la citadelle de Boulogne, en tiendront
fermées les portes fortifiées, prendront possession de la caserne
du 42ème de ligne, de la poste, de la douane, des caisses publiques,
puis arrêteront le sous préfet. Après avoir mené
cette opération à bien en seulement quatre heures, ils devront
s'assurer de la garnison de Saint Omer, puis rallier les principales garnisons
du nord de la France. Après quoi, ils marcheront sur Paris.
Malheureusement, la réalisation
du plan se révèle moins brillante que sa conception. En uniforme,
Louis Napoléon débarque à la tête d'une petite escouade.
La douane aperçoit le canot qui vient de toucher terre, mais ses agents
sont contraints de céder devant la détremination des conspirateurs.
A Boulogne, le sergent de garde refuse d'ouvrir la caserne du 42ème de
ligne, et il faut en forcer l'entrée. Aladenize fait battre le rappel,
rassemble la troupe et lui enjoint de crier : "Vive l'Empereur"! Un
capitaine refuse d'obtempérer; appelant à la rescousse d'autres
officiers, il fait fermer la caserne. Louis Napoléon et vingt de ses
compagnons en sortent in extremis. Le sous préfet Launay Leprovost, qui
a eu vent du coup de main, fait barrer l'accès au port. Les conjurés
doivent se replier vers la colonne de la Grande Armée; où ils
hissent le drapeau impérial. Alors que les gardes nationaux arrivent
à le rescousse, Louis Napoléon Bonaparte s'écrie : "C'est
ici que je dois mourir"! Mais ses amis l'entraînent
vers la côte, le poussent à l'eau et l'enjoignent de se hâter
à regagner l'Edinburgh Castle. Pris sous le feu des douaniers, le
prince est blessé au bras et appréhendé. Il est interné
au château, tandis que le sous préfet, à huit heures et
demie du matin, télégraphie à Charles Rémusat, le
ministre de l'Intérieur : "Louis
Napoléon vient de faire une tentative sur Boulogne. Il est poursuivi
et, déjà, plusieurs des siens sont arrêtés".
Le lendemain, toute la presse se gausse de son pitoyable échec.
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