LES ATTENTATS DE JUIN ET DECEMBRE 1836

Aux assauts contre le régime de la Monarchie de Juillet s'ajoutent les attaques contre la personne du roi. Rarement souverain a été aussi cruellement caricaturé que Louis Philippe. Celui ci détient le triste record d'avoir été la cible de près d'une dizaine d'attentats, sans compter les complots éventés par la police. En 1836, six ans après son accession au trône et un an après la tentative manquée de Fieschi, le roi va, par deux fois, échapper à la mort.

Adolphe Thiers est hostile à l'amnistie générale des prisonniers politiques et le fait proclamer par son ministre de l'Intérieur, le comte Montalivet. C'est que le président du Conseil a conscience du caractère factice d'un ordre public maintenu uniquement grâce à des lois d'exception, les "lois de septembre", aussi fameuses que honnies, votées en 1835 après l'attentat de l'anarchiste Fieschi. Des mesures qui vont se révéler rigoureusement inopérantes.
Le 25 juin 1836, à six heures du soir, Louis Philippe, la reine Marie Amélie et Madame Adélaïde, la soeur du roi, quittent les Tuileries. Soudain, un jeune homme se précipite et décharge son arme de si près que la voiture est envahie par la fumée. Personne n'est blessé, mais plusieurs balles effleurent la tête du souverain. L'agresseur est arrêté aussitôt, tenant encore à la main sa canne fusil.

Louis Alibaud, un ancien sous officier âgé de 26 ans, n'a pas essayé de s'enfuir. "J'ai voulu tuer le roi parce qu'il est l'ennemi du peuple. J'étais malheureux par la faute du Gouvernement; et comme le roi en est le chef, j'ai résolu de le tuer", déclare-t-il lors de son arrestation. Traduit devant la Cour des Pairs, il ne craint pas de déclarer que le roi est un massacreur du peuple, que son règne est un règne de sang, un règne infâme. Prêt à sacrifier sa tête, il fait à l'aumônier de la prison une apologie du meurtre politique : "Jésus Christ était démocrate comme moi, et, s'il l'eût fallu, comme moi il fût devenu régicide". Alibaud est condamné à la peine de mort et, en dépit de son indulgence habituelle, Louis Philippe ne le graciera pas. Le 11 juillet, après avoir une dernière fois affirmé qu'il a agi sans complice, le condamné monte à l'échafaud en s'écriant : "Je meurs pour la liberté, pour le bien de l'humanité, pour l'extinction de l'infâme monarchie".
Cinq jours avant l'exécution d'Alibaud, Thiers reçoit un rapport de police indiquant que les ennemis du roi ont de nouveau juré de l'assassiner. Affolé, il enjoint Louis Philippe d'annuler une revue qui doit avoir lieu le 28 juillet. Cette décision, insérée dans Le Moniteur, est interprétée par l'opposition comme une reculade du pouvoir. Mais, bien qu'Alibaud ait agi seul, l'atmosphère n'est pas moins propice aux actes de violences. On découvre ainsi l'existence d'une Association des familles, qui, en dépit de son nom évoquant une société philanthropique, regroupe des activistes déterminés dirigés par les révolutionnaires Barbès et Blanqui. Début 1836, elle regroupe mille adhérents, dont le dessein éclairé est de supprimer le roi et la camarilla des Tuileries afin de régénérer la société. Elle répand le culte de la Terreur, se réclame de Robespierre et de Marat, érige Alibaud en martyr.

Si la reine s'inquiète de toutes ces menaces, le roi ne se laisse pas impressionner. Louis Philippe a horreur de la claustration et des mesures de sécurité, lesquelles vont se révéler parfaitement inefficaces. Il aime voir, être vu et, surtout, ne veut pas être taxé de lâcheté. Le 28 octobre, place de la Concorde, le roi inaugure l'obélisque de Louxor, offert à la France par le pacha d'Egypte Méhémet Ali. La foule lui sait gré d'assister à la cérémonie et l'ovationne. Pendant deux mois, il ne se passe rien. Marie Amélie en est presque rassérénée. Mais le 27 décembre, alors que Louis Philippe et ses fils se rendent au Palais Bourbon pour assister à l'ouverture de la session parlementaire, un homme se précipite sur leur équipage quai des Tuileries et fait feu. Les vitres de la voiture volent en éclats, blessant légèrement les jeunes princes et une balle frôle la poitrine du roi. L'agresseur est arrêté tandis que le souverain poursuit sa route en saluant calmement la foule de la main. Au Palais Bourbon, Louis Philippe et ses fils dont les vêtements sont tachés de sang, sont acclamés par la Chambre. Et c'est avec un calme impressionnant que le roi monte à la tribune et lit le discours du Trône.
L'homme, jeune, déclare se nommer Meunier et avoir agi sur ordre d'une société secrète. Mais son acte semble être le fait d'un isolé. Sur la manifestation de son repentir et l'imploration de sa grâce, le roi commue la peine de mort en bannissement perpétuel et lui fait remettre une somme d'argent pour qu'il ne se trouve point dénué de ressources. Peu après, la police découvre chez un mécanicien nommé Champion une machine infernale en voie d'achèvement. Conduit en prison, Champion se suicide. Ce nouvel attentat manqué n'empêche pas le roi, le 8 mai 1837, d'accorder par décret l'amnistie aux prisonniers politiques, sous réserve qu'ils soient surveillés par la police. Une mesure aussi généreuse qu'imprudente...

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