LE DOUBLE MARIAGE FRANCO-ESPAGNOL

La France et l'Angleterre ne parviennent pas à s'entendre sur le nom des époux qu'il convient de donner à la jeune reine Isabelle II d'Espagne et à sa soeur cadette, l'infante Luisa Fernanda. Finalement, après moult tentatives de négociation et maints retournements de situation, il est convenu qu'Isabelle épousera son cousin le duc François de Cadix et Luisa Fernanda le duc Antoine de Montpensier, dernier des fils de Louis Philippe. Mais, ces alliances n'ont pas l'heur de plaire à la Perfide Albion et sonnent le glas de l'Entente Cordiale.

Portrait d'Antoine Marie Philippe Louis d'Orléans, duc de Montpensier, par Franz Xavier Winterhalter, commandé par Louis-Philippe pour le musée historique de Versailles en 1840Si le ministre des Affaires Etrangères François Guizot milite pour l'Entente Cordiale avec l'Angleterre, celle ci n'exclut pas des alliances avec d'autres nations européennes. Il n'est pas question non plus que, pour s'attirer la bienveillance de la Perfide Albion, la France renonce à ses ambitions. Conformément à cette opinion, qu'il partage avec Louis Philippe, Guizot envisage un rapprochement avec l'Espagne par le biais d'un mariage. La jeune reine Isabelle II et sa soeur cadette, l'infante Luisa Fernanda, sont en âge de convoler en justes noces. Quand au cinquième et dernier fils du roi des Français, le duc Antoine de Montpensier, ile est toujours célibataire.

Lors de la seconde visite en France de la reine Victoria, en septembre 1845, Guizot conclut un accord avec lord Aberdeen, son homologue anglais. Il le convainc de renoncer à la candidature de Léopold de Saxe Cobourg, cousin germain en ligne maternelle de Victoria, au titre de prince consort d'Espagne et de marier la reine Isabelle à un Bourbon de la branche napolitaine. En contrepartie, le duc de Montpensier épousera l'infante Luisa Fernanda. Aberdeen approuve, à condition que les noces du fils de Louis Philippe ne soient célébrées qu'une fois que la reine Isabelle aura donné le jour à un héritier.
Si lord Aberdeen fait preuve d'une incontestable loyauté, il n'en va pas de même pour le reste du Gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté. Par un savant et insidieux travail de sape, l'Angleterre tente de discréditer le "candidat" Bourbon-Naples, le comte de Trapani, frère du roi Ferdinand II et neveu de la reine des Français, Marie Amélie. Simultanément, elle continue à soutenir le parti d'un Saxe Cobourg. Quant à l'alliance du duc de Montpensiet avec l'infante Luisa Fernanda, héritière du trône d'Espagne si Isabelle reste sans descendance, elle la voit d'un très mauvais oeil. Elle s'y oppose en arguant du traité d'Utrecht de 1713, qui interdit la réunion des Couronnes d'Espagne et de France, et ce bien que les aînés de Louis Philippe aient déjàplusieurs fils et que Montpensier ait fort peu de chances de monter un jour sur le trône.

Cette situation inquiète Guizot. Le 27 février 1846, il fait parvenir un mémorandum à Londres : "Si le mariage soit de la reine, soit de l'infante avec le prince Léopold de Saxe Cobourg ou avec tout autre prince étranger aux descendants de Philippe V devenait probable ou imminent (...), nous serions affranchis de tout engagement et libres d'agir immédiatement pour parer ce coup en demandant la main soit de la reine, soit de l'infante pour le duc de Montpensier."
Le 29 juin, alors que le climat de confiance entre la France et l'Angleterre s'est considérablement dégradé, un nouveau Gouvernement arrive au pouvoir Outre Manche. Le vicomte Henry Palmerston, violemment francophobe, succède à Aberdeen au Foreign Office.
L'Angleterre fait savoir qu'elle n'acceptera que trois candidats au titre de prince consort : Léopold de Saxe Cobourg, le duc Franàois de Cadix, fils de Don Francisco, deuxième frère du roi Ferdinand VII, et son frère cadet, le duc de Séville. Dès lors, Louis Philippe et Guizot considèrent que les accords conclus verbalement avec lord Aberdeen sont rompus et s'estiment déliés de leurs engagements vis à vis de l'Angleterre.
Le 8 août, ils obtiennent l'aval de la reine mère Christine d'Espagne : son aînée, la reine Isabelle, épousera son cousin Cadix et sa cadette, Luisa Fernanda, Montpensier. Mais la souveraine a posé une condition : que les mariages de ses deux filles soient célébrées en même temps!
Malgré les réticences du roi des Français et d'Isabelle, qui éprouve une véritable aversion pour l'époux qu'on lui destine, la date du double mariage est fixée au 10 octobre, et il est convenu que les cérémonies vont se dérouler à Madrid.

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