LES DERNIERS JOURS

 Au château de Claremont, près de Londres, Louis Philippe n'a pas oublié la France et suit avec passion le cours des événements qui s'y déroulent. Mais, à bientôt soixante dix sept ans, le souverain déchu, fatigué, sent que l'heure approche où sa vie et son exil vont prendre fin et qu'il est temps de songer à mettre ses affaires en ordre...

En mars 1848, Louis Philippe, la reine Marie Amélie et leur famille se sont installés au château de Claremont. Dans ce domaine du Surrey, à une trentaine de kilomètres de Londres, le roi déchu porte désormais le simple titre de comte de Neuilly et ne règne plus que sur les siens. La révolution de février, son abdication, sa fuite de France dans des conditions rocambolesques ont profondément affecté le vieux souverain.
Depuis un peu plus de deux ans, Louis Philippe mène en Angleterre une existence réglée de gentilhomme campagnard. Avec un soupçon de nostalgie, il rend grâce à madame de Genlis, sa préceptrice, qui par son enseignement lui a appris à faire front devant l'adversité et à s'accommoder d'un ordinaire frugal. Il se souvient aussi de son premier exil après la Révolution, des années passées à parcourir l'Europe. mais, aujourd'hui, à bientôt soixante dix sept ans, il sent qu'il ne reverra plus la France et qu'il lui faut songer à mettre ses affaires en ordre.

La lecture des journaux de toutes tendances est le passe-temps favori du vieux souverain. Quand il ne rédige pas ses Mémoires , Louis Philippe commente les nouvelles de France avec une folle exaltation. Faisant fi des exhortations à la modération de la reine Marie Amélie, il ironise sur la Révolution de 1848 et sur la nouvelle République; il critique violemment la montée du chômage et la désorganisation de l'administration. Il se montre encore plus virulent quand il s'esprime devant des visiteurs, comme Adolphe Thiers et François Guizot, qui ont été "ses" présidents du Conseil et à qui il a accordé audience dans les premiers mois de 1850

 L'héritier rebelle de la famille d'Orléans, que les légitimistes, les partisans de Charles X et de la branche aînée des Bourbons, ont qualifié d'usurpateur, est préoccupé par l'avenir de la monarchie. En 1842, la mort accidentelle de son fils aîné, le duc Ferdinand, a été une perte irréparable. Désormais, peuvent prétendre au trône son petit-fils, le jeune comte de paris, et le duc de Bordeaux, le petit-fils de Charles X. Peut-être est-il temps, à l'heure de la République, d'envisager la réconciliation des Orléans et des Bourbons!
Louis Philippe confie ses réflexions à Guizot en forme de testament politique.
"Mon peti-fils, le comte de Paris, ne pourra jamais régner au même titre et aux mêmes conditions que moi qui ait fini par échouer. Il ne peut régner que comme roi légitime. Si le duc de Bordeaux mourait, Paris devient roi légitime. Ce n'est pas pour nous, ce n'est pas entre les familles royales que la fusion doit commencer : qu'elle commence en France même entre les partis monarchiques. Je tiens pour évident que l'union des partis monarchiques est indispensable pour rétablir l'ordre".

Mais la politique n'est pas tout. Le roi se soucie également de l'avenir financier des siens. En 1830, avant de monter sur le trône, il a fait don de sa fortune à ses enfants. Après voir banni la famille d'Orléans, la nouvelle Assemblée estime que ses biens doivent revenir à l'Etat. Louis Philippe juge le procédé inélégant et outrageant. A Paris, il a trouvé d'excellents avocats pour défendre sa cause. Antoine Beryer, ténor du barreau et fervent légitimiste, déniche un vice de forme. Quand cette dotation a été faite, Louis Philippe n'était pas encore roi, mais simple citoyen. Or, rien n'interdit à un Français "ordinaire" de léguer ce qu'il possède à ses enfants. De plus, Louis Philippe n'est pas devenu roi par droit monarchique, mais par la volonté du peuple!
L'Assemblée se rend de mauvaise grâce aux arguments de cette brillante et irréfutable plaidoirie, mais distingue toutefois les biens privés des apanages de la fonction. Deux nouveaux avocats, maître Montalivet et maître Dupin, obtiennent rapidement une provision de 600 000 francs. En attendant la levée du séquestre, le 31 juillet 1850, cette avance est la bienvenue car la famille royale a quitté la France les poches presque vides.
Piqué au vif, Louis Philippe, excellent gestionnaire et calculateur roué, rumine cependant une petite vengeance et demande à l'Etat le remboursement des frais de réhabilitation de Versailles et du Louvre; vingt trois millions de francs, qu'il a prélevés sur sa cassette personnelle!

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