LA MORT

Au mois d'août 1850, Louis Philippe se sent affaibli et fatigué, mais garde l'esprit clair. Au château de Claremont, le roi, entouré de l'affection des siens, se prépare à prendre congé dignement de cette vie qui lui a offert son lot de bonheurs et de peines. Son seul regret est d'être loin de chez lui, loin de la France.

Depuis le début de l'année 1850, la maladie de foie de Louis Philippe s'aggrave. Mais, grâce à un sommeil réparateur et à un solide appétit, le vieux roi semble surmonter des crises qui sont de plus en plus fréquentes et plus douloureuses. Au printemps, François Guizot, qui a été ministre et président du Conseil sous la monarchie de Juillet, lui a rendu visite. Il l'a trouvé "horriblement changé, maigre et mince comme une feuille de papier, mais la face point décomposée, l'oeil animé, le teint clair, la voix ferme et l'esprit net et serein".
Au château de Claremont, chacun veille jalousement sur la santé du roi. Ses fils, le prince de Joinville, les ducs d'Aumale, de Nemours et de Montpensier, et leurs familles sont aux petits soins. La reine Marie Amélie couve son époux. A présent que leurs vies ne sont plus menacées, que leurs enfants et petits-enfants sont auprès d'eux, elle voudrait prolonger la trêve que le Ciel leur accorde. Louise Marie, qui a épousé le roi des Beges léopold 1er, presse ses parents de revenir sur le continent, à Salzbourg, par exemple. Mais Louis Philippe ne veut plus bouger. Qu'il meure à Londres ou à Salzbourg, ce sera toujours loin de Paris et de la France, où son coeur est resté.

Au printemps et au début de l'été, la famille royale se rend à plusieurs reprises à Brighton et à Hastings pour profiter des bienfaits de la mer. Quand il n'est pas trop fatigué, Louis Philippe, de sa grande écriture élégante, met une dernière main à ses Mémoires. Au début du mois d'août, il semble aller bien mieux. Plus virulent que jamais, il porte un regard aigu sur les événements et la politique.
Mais, le 24 août, une crise plus forte que les autres terrasse le malade. Sent-il que son heure est venue? Bien qu'il ne se soit jamais beaucoup préoccupé de religion, il accepte de se confesser et de recevoir les derniers sacrements. Après avoir fait cette concession à sa chère et pieuse épouse, il exige de travailler encore une fois à ses Mémoires. Il prie son fidèle lieutenant, le général Dumas, de venir à son chevet pour l'aider à terminer le chapitre en cours. Le lendemain, Louis Philippe fait ses adieux à ses enfants et petits-enfants. La journée s'étire, silencieuse et calme. Le vieil homme perd ses forces mais reste conscient. Le 26 août, à huit heures du matin, il s'éteint paisiblement. Ses obsèques se déroulent le 2 septembre dans l'intimité et le recueillement, dans la chapelle de Weybrigde. Le 6 octobre, le dernier roi qu'a eu la France aurait fêté son soixante dix septième anniversaire.

Sitôt le décès de Louis Philippe annoncé, la presse anglaise se déchaîne. L'Angleterre a certes accueilli le roi en exil, mais elle ne lui pardonne pas de lui avoir "dérobé" l'Algérie et d'avoir trahi l'Entente Cordiale. Ce roi-citoyen qui a tenté de faire de la France une puissante militaire et industrielle déplaît fortement Outre-Manche. Le ministre des Affaires Etrangères de Sa Très Gracieuse Majesté, le vicomte Henry Palmerston, se réjouit ouvertement de la disparition de son ennemi juré et du "problème Louis Philippe".
Dans son testament, rédigé l'année précédente, le souverain défunt a laissé à son peuple un ultime message :
"Ce n'est que la conviction intime (...) que mon dévouement pouvait seul préserver mon pays de l'anarchie et de ses funestes conséquences qui m'a déterminé à accepter le fardeau de la royauté". En France, on s'insurge et on s'indigne, l'hostilité et les critiques de la Perfide Albion suscitent une vive réaction. Des voix s'élèvent pour défendre la mémoire et l'oeuvre du roi déchu. Des voix, républicaines pour certaines, qui seront couvertes par le tumulte de l'arrivée au pouvoir de Louis Napoléon Bonaparte...
Bien plus tard, en 1876, les dépouilles de Louis Philippe et de la reine Marie Amélie, qui a survécu seize ans à son époux, seront transférées à la chapelle royale de Dreux, la nécropole de la famille d'Orléans.

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