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LES "LOIS SCELERATES" DE LOUIS PHILIPPE
Louis Philippe est porté à gouverner par lui-même.
Comme tous ceux que le pouvoir isole, il s'est rapidement persuadé que,
la France s'incarnant en lui, il est le meilleur juge des intérêts
du royaume. L'attentat de Fieschi, perpétré contre sa personne,
va lui fournir l'occasion d'asseoir son autorité. Par le biais des "lois
scélérates" de septembre 1835, la presse va être muselée
et l'opposition écartée.
Rarement un régime a fait l'objet d'autant d'attaques,
de la part des légitimistes, les partisans de la branche aînée
des Bourbons, comme des bonapartistes ou des républicains. Le plus grave
est que l'on s'attaque non seulement au régime, mais aussi à la
personne du roi. Au long de dix huit années de règne, une dizaine
d'attentats (sans compter les complots éventés par la police)
seront perpétrés contre Louis Philippe.
En ce début d'année 1835, dans les journaux de province et même
à l'étranger, la rumeur se répand que le roi périra
pour le cinquième anniversaire des "journées de juillet"
qui l'ont porté sur le trône. Louis Philippe fait peu de cas de
ces bruits. Légitimistes, bonapartistes ou républicaines, les
balles ne l'intimident pas. Pour bien le signifier, il décide de ne pas
décommander la grande parade qui doit le conduire à travers Paris,
du palais des Tuileries jusqu'à la place de la Bastille, en passant par
les grands boulevards.
Le 28 juillet, le cortège royale sort des Tuileries.
Au début du parcours, les acclamations paraissent très modérées.
Boulevard du Temple, un peu de fumée s'échappe d'une fenêtre.
Louis Philippe fait alors remarquer à son fils, le prince de Joinville
: "Je crois que ceci me regarde". C'est
alors qu'un crépitement éclate, semblable au tir d'un peloton.
Touché à l'encolure, le cheval du roi se cabre.. La réaction
brutale de l'animal, dont une oreille a été transpercée
par une balle, évite au souverain d'être touché. Mais à
son côté, le maréchal Mortier, président du Conseil
et ministre de la Guerre, frappé à la tête, tombe raide
mort. Dans le cortège, on relève 18 morts et une vingtaine de
blessés. Ce sont trois anarchistes, Fieschi, Morey et pépin, qui
ont mis en place la machine infernale, 24 canons de fusil inclinés sur
une claie qu'un dispositif d'allumage peut faire tirer simultanément.
Ils sont déférés à la Cour des Pairs, en janvier
1836, et condamnés à la peine capitale.
La reine Marie Amélie se lamente : "Nous sommes
entourés d'assassins. Quel horrible peuple! Quel affreux pays! La moindre
personne du royaume est plus heureuse que nous". Son époux
approuve. "Il faut, pour que les choses aillent,
que je sois le directeur de tout et le maître de rien"! Dans
une déclaration officielle, Louis Philippe annonce : "
Mon Gouvernement connaît ses devoirs. Il saura les remplir".
C'est ainsi qu'une session extraordinaire des Chambres est convoquée
pour le mois d'août. Le bilan de ses travaux a garde dans l'Histoire le
nom, honni des républicains, de "lois de septembre"
ou "lois scélérates". Après avoir tant
prôné le respect de la légalité et de la Charte constitutionnelle,
la monarchie de Juillet, pour assurer sa sécurité et conforter
son pouvoir, va édicter une législation d'exception préparée
et défendue par le duc de Broglie.
La première des "lois scélérates"
prévoit une réforme du jury pour les crimes de rébellion.
Elle ramène la majorité des deux tiers requise pour les condamnations
à la majorité simple de sept voix contre cinq. La seconde loi
concernant les émeutes (comme celles qui, en avril 1834, s'est soldée
par le massacre de la rue Transnonain) autorise à former le nombre indispensable
de sections de cour d'assises. Ainsi, tous les accusés pourront être
jugés simultanément et la procédure répressive sera
grandement accélérée. La troisième loi, encore plus
lourde de conséquences, rappelle des restrictions naguère reprochées
à la Restauration. La liberté de la presse est restreinte et musèle
les journaux d'opposition. Un certain nombre de crimes nouveaux sont catalogués
: le blâme adressé au roi à l'occasion d'un acte de Gouvernement;
l'offense directe au souverain; l'attaque contre les principes de la Charte,
l'acte public d'adhésion à un autre régime et à
ceux des Bourbons et des Bonaparte, et encore plus à la République.
Interdisant toute libre manifestation de la pensée et tout acte hostile
non seulement à la monarchie mais aussi au monarque, les lois de septembre
provoquent des discussions véhémentes. Même les partisans
du régime pensent que l'on va trop loin! Mais louis Philippe a exprimé
dans ces textes son intime volonté et son intransigeance. Désormais,
il a en main les armes du pouvoir absolu. Après avoir triomphé
de la cause légitimiste et avoir mis à mal les Républicains,
à l'abri des partis extrêmes, il ne lui reste plus qu'à
se débarrasser, dans son entourage, des ministres qui contrarient son
dessein de gouverner en maître.
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