LA SUPPRISSION DE LA PAIRIE HEREDITAIRE

La suppression de la pairie héréditaire a été promise lors de la révolution de juillet 1830. Pourtant, les précédents Gouvernements se sont bien gardés de mettre cette réforme en oeuvre parce qu'elle modifie les dispositions de la Charte révisée et porte atteinte à toute une classe sociale. Avec la loi du 29 décembre 1831, la Chambre des Pairs va s'ouvrir à une bourgeoisie qui sera bientôt maîtresse du pouvoir législatif.

A Casimir Perier, président du Conseil depuis le mois de mars 1831, l'opposition entend faire payer ses éclatants succès et n'hésite pas à mettre sur le devant de la scène les affaires les plus sordides. C'est ainsi qu'elle le force à réviser le montant de la liste civile allouée à la famille royale. Tandis que les députés anticléricaux réclament la diminution des traitements du clergé, elle surenchérit en demandant que certains archevêchés soient rayés de la carte; car le "parti prêtre" est présumé carliste, c'est à dire légitimiste et fidèle à la branche aînée des Bourbons. La suppression de la pairie héréditaire est une mesure autrement grave. Si Casimir Perier y est personnellement opposé, l'article 23 de la Charte modifiée envisage bien cette abrogation; mais ses modalités nécessitent un débat parlementaire.

La Chambre des Pairs n'est pas populaire. Elles est en butte à la vindicte populaire, en particulier pour avoir condamné à mort le maréchal Ney, héros de l'Empire et de la bataille de la Moskova, le 6 décembre 1815. Pourtant, elle a par la suite fait preuve d'indépendance, a fréquemment corrigé des erreurs des députés. Mais son rôle est mal connu du public, essentiellement parce que ses délibérations sont secrètes. Aussi, on a établi une corrélation assez arbitraire entre le grand nombre de nominations à la pairie, décidé par le président du Conseil Villèle en 1827, et les événements qui ont provoqué la Révolution de 1830. La Chambre de 1831 n'a plus grand chose à voir avec celle qui l'a précédée, nombre de ses membres, dont le plus connu est Chateaubriand, ayant démissionné pour n'avoir pas à prêter serment au nouveau régime. Ce ne sont donc pas tant les personnes qui sont visées que les principes sur lesquels est fondée la Chambre des Pairs. A travers eux, ce sont bien les privilèges et les aspirations de la grande noblesse qui sont remis en cause. Aux yeux de la bourgeoisie, mais aussi des hobereaux, les pairs héréditaires sont les continuateurs de leurs prédécesseurs de l'Ancien Régime et constituent une sorte de caste supérieure dont l'existence est inadmissible pour ceux qui n'en font pas partie, en des temps où l'on aspire à l'égalité.

Résumant parfaitement l'opinion général, Casimir déclare à la tribune : "La répugnance pour l'hérédité, juste ou non, raisonnée ou irréfléchie, est générale. Il faut donc s'incliner, mais la majorité agira sagement en ne prenant point de décision irrévocable et en réservant l'avenir. Elle s'apercevra que la pairie héréditaire est l'institution qui présente le plus d'obstacles aux abus du pouvoir". Le républicain Louis Blanc, qui a le mieux perçu les inconvénients de la réforme, affirme à l'avocat orléaniste Odilon Barrot : "Vous ne comprenez pas que la royauté a besoin pour vivre d'avoir autour d'elle une classe qui ait le même intérêt, ou, si vous voulez, le même privilège à défendre. La République est au bout de votre système". Mais ces avertissements sont vains. La mesure est adoptée le 29 décembre 1831 par 206 voix contre 86. Le roi conserve la faculté de nommer, en nombre illimité, des pairs à vie, choisis parmi certaines catégories de notables, membres de l'Institut, hauts fonctionnaires, contribuables dont le cens dépasse 3 000 francs.
Pour décider la Chambre des Pairs à sacrifier son principal privilège, et afin de renverser la majorité, le roi nomme une nuée de nouveaux membres. Beaucoup sont choisis parce que leurs parents ont rendu des services à la Nation, tel un des fils du maréchal Ney. Hommage indirect à l'hérédité que l'on vient de supprimer!
La monarchie de Juillet, monarchie bourgeoise, vient de se débarrasser de personnages investis de droits imprescriptibles, et l'on va voir des milliers de "capacitaires" flatter le pouvoir dans l'espoir d'accéder à la pairie.

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