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MARIE DORVAL, GRANDE INTERPRETE DU THEATRE ROMANTIQUE
Comédienne de talent, Marie Dorval sert merveilleusement
le théâtre romantique. Le 12 février 1835, elle va triompher dans "Chatterton",
une pièce d'Alfred de Vigny, qui sera près de six ans son amant et à qui elle
inspirera quelques unes de ses plus belles pages.
Le
6 janvier 1798, une petite fille vient au monde dans le chariot
de comédiens ambulants à Lorient, au hasard d'une
tournée. Elle montera sur les planches pour la première
fois à l'âge de quatre ans et ne cessera de parcourir
les routes. "Née
sur les tréteaux de province, élevée dans le
travail et la misère, Marie Dorval avait grandi à
la fois souffreteuse et forte, jolie et fanée, triste et
bonne comme un ange condamné à marcher sur les durs
chemins de la vie (...) Tout était passion chez elle, la
maternité, l'art, l'amitié, le dévouement,
l'indignation, l'aspiration religieuse",
témoigne son amie George Sand. L'écrivain décrit
aussi les "larmes amères",
les "rires entraînants",
les "colères enfantines"
de cette enfant de la balle, brûlante et excessive, devenue
l'une des plus grandes actrices de son temps.
Mariée à 16 ans à Allan Dorval, le régisseur
de la troupe dont elle fait partie, Marie se retrouve quelques années plus tard
veuve avec trois petites filles à charge. Elle connaît une vie difficile, ponctuée
de visites d'huissiers et de tournées minables, jusqu'à ce qu'elle rencontre
le succès, à partir de 1822, et épouse en 1829 Jean Toussaint Merle, le directeur
du théâtre de la Porte Saint Martin. C'est dans cette salle que, Frédéric Lemaître,
son partenaire et amant, elle émeut les spectateurs dans un répertoire vaudevillesque
et mélodramatique. Elle a 32 ans quand elle rencontre le poète Alfred de
Vigny, d'un an son aîné, et ces deux natures d'artistes se reconnaissent. leurs
amours, ardentes et orageuses, inspireront au poète ses pages les plus belles
et les plus sombres. Vigny, qui voit en Marie "la
première tragédienne existante", regrette qu'elle
compromette son talent dans des oeuvres mineures et écrit pour elle La Maréchale
d'Ancre. En 1831, il fait son éloge dans une "Lettre parisienne"
publiée dans le journal L'Avenir : "Madame
Dorval fait une sorte de miracle, car elle met des paroles plates et totalement
insignifiantes sur un ton si pathétique, si passionné, si chaleureux, que l'on
se figure avoir compris et que l'on pleure sur sa parole".
Le poète a perçu ce qui fait le talent de la comédienne : un magnétisme dû à
un jeu réaliste, intense, qui suscite l'émotion. Théophile Gautier, tout aussi
admiratif, souligne dans son Histoire du Romantisme que l'artiste a "des
cris d'une vérité poignante, des sanglots à briser la poitrine (...), des larmes
si sincères que le théâtre était oublié, et qu'on ne pouvait croire à une douleur
de convention".
Marie Dorval triomphe dans les grands mélodrames,
comme Dix ans de la vie d'une femme d'Anicet Bourgeois en 1831. Elle
est "charmante à voir", avec sa taille souple et ses yeux de biche.
Son amoureux le constate alors qu'il assiste aux représentation d'Antony,
d'Alexandre Dumas. Mais la vie de sa tendre maîtresse n'est pas de tout repos.
Pour pouvoir payer ses dettes, la comédienne multiplie les tournées en province,
at ces longues séparations perturbent les relations des deux amants. Marie interprète
pourtant avec succès les pièces de Vigny : en mai 1833, elle joue à l'Opéra
la comédie Quitte pour la peur et, en 1835, Chatterton au Théâtre
Français. La même année, Angelo, tyran de Padoue, de Victor Hugo,
réunit les deux actrices phares de l'époque, mademoiselle Mars et Marie Dorval.
Hugo sied à Marie, qui triomphe en core en 1838 dans une reprise d'Hernani
et dans la création de Marion Delorme. Mais elle ne supporte plus les
brimades de ses partenaires, qui ne l'ont jamais acceptée, et quitte le Théâtre
Français pour ds salles moins prestigieuses. C'est alors que sa vie commence
à basculer. Elle a une relation malheureuse avec Jules Sandeau, ancien amant
de George Sand. De son côté, Vigny est amoureux d'une américaine de vingt ans,
Julia Dupré. Le 17 août 1838, l'agenda du poète porte la mention : "Rupture".
Sur scène, Larie Dorval n'a plus le même succès
: Cosima, une pièce que George Sand lui a donnée
pour l'aider, se solde par un échec. Après avoir pris
sa retraite, elle est contrainte, n'ayant jamais eu le sens de l'économie,
de vivre modestement. En 1848, elle est anéantie par la mort
de son petit-fils adoré, Georges, âgé de 4 ans,
et c'est désespérée qu'elle s'éteint
le 20 mai 1849. Hugo et Dumas assistant à ses obsèques;
pas Vigny... Dans Histoire de ma vie, George Sand rendra hommage
à "ces cris qui déchiraient
l'âme, ces accents de douleur et de passion qu'on n'entendra
plus au théâtre".
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