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MARTIGNAC, CHEF DU GOUVERNEMENT
Le 5 janvier 1828, pour succéder au comte
de Villèle à la tête du Gouvernement, Charles X fait appel au comte Jean Baptiste
de Martignac. Mais la politique de ce royaliste modéré de centre droit ne sera
pas soutenue par le roi et suscitera le mécontentement à la fois de l'extrême
droite et de l'extrême gauche.
Mis sévèrement en minorité lors des élections
législatives de novembre 1827, le Président du Conseil Jean Baptiste de Villèle
s'est vu contraint de démissionner le 3 janvier 1828. Charles X, fort marri
d'avoir dû se séparer de son homme de confiance, est confronté à une alternative
: poursuivre l'oeuvre de Villèle ou tenter de construire une politique avec
la Chambre des députés et dans l'esprit de la Charte. Le 5 janvier, il charge
le comte Jean Baptiste de Martignac de constituer un nouveau ministère et, froid
et méprisant, l'invite à se conformer au système de son prédécesseur, qui a "toujours
été le sien". Que cache la nomination de cet avocat bordelais, royaliste
modéré de centre droit? Est-ce un gage donné à la droite modérée? Est-ce une
nomination de "transition", dont l'échec, presque programmé, permettra
au roi d'imposer ses hommes? D'emblée, Martignac est en position difficile,
obligé de naviguer entre une Chambre des députés à la majorité fluctuante et
où les libéraux ont pris de l'assurance, et une Chambre des pairs hostile. Pourtant,
il tente d'imposer ses vues avec courage, aidé par un réel talent d'orateur.
Directeur de l'Enregistrement et des Domaines
sous le ninistère Villèle, Martignac se voit confier le portefeuille de l'Intérieur
et va exercer les fonctions de Président du Conseil, mais sans en avoir officiellement
le titre. Seul orateur d'une équipe de techniciens sans personnalités marquantes,
il devient le porte-parole habituel du Gouvernement à la Chambre et finit par
l'incarner. Il tente de dégager au centre une majorité favorable à des réformes
de nature libérale. C'est ainsi qu'il scinde les Affaires ecclésiastiques et
l'Instruction publique en deux ministères, confiant le premier à un prélat modéré,
l'évêque de Beauvais monseigneur Feutrier, et le second à un laïc, l'ancien
magistrat Antoine Lefebvre de Vatimesmil. Une tonalité anticléricale se dégage
très vite de la nouvelle politique gouvernementale. L'ordonnance du 16 juin 1828
porte un rude coup aux Jésuites en leur ôtant la direction de huit établissements
illégalement ouverts et interdit l'enseignement aux congrégations non autorisées.
De plus, la loi limite à 20 000 le nombre des élèves des petits séminaires. Charles
X laisse faire. Au mois de septembre, il fait un voyage dans l'Est de la France,
où il est acueilli aussi chaleureusement que dans le Nord l'année précédente.
Les libéraux François Guizot, Victor Cousin et Abel Villemain retrouvent leurs
chaires à l'Université; la censure est abolie, les libertés de la presse garanties,
les procès à tendance politique sont supprimés. Cependant, la marge de manoeuvre
de Martignac est très étroite : les ultras jugent ses concessions inacceptables
et, pour les libéraux, il ne va pas assez loin. Sa chute va être précipitée
par l'échec d'un projet de réforme administrative.
Depuis le début de la Restauration, la
décentralisation fait l'objet d'un débat. Les ultras s'étant ralliés à la centralisation,
les libéraux réclament des réformes administratives dans l'espoir d'obtenir
davantage de démocratie dans l'élection des assemblées locales. Martignac présente
un projet de loi instituant l'élection des conseillers départementaux et municipaux
visant à assouplir le système rigide et centralisé de la loi de pluviôse an
VII, selon laquelle, comme les maires, tous ces conseillers sont nommés par
le pouvoir en place. Rejeté par la droite comme par la gauche, ce projet,
trop timide et trop tardif dans un contexte d'affrontement des forces d'opposition,
est retiré en avril 1829. "Vous voyez
bien qu'il est impossible de gouverner avec ces gens là",
fait remarquer Charles X ironique à son Premier Ministre. Le 4 août 1829, il
prend la décision de le renvoyer et consulte secrètement le prince Jules Auguste
de Polignac pour former un nouveau ministère. L'échec de Martignac montre que
sans responsabilité ministérielle, et donc sans sanction parlementaire, les
deux pouvoirs, la Chambre et le roi se retrouvent face à face dans l'épreuve
de force. Cet échec est lourd de conséquences : selon Prosper de Barante, historien
du XIXème siècle, la période pendant laquelle Martignac a dirigé le Gouvernement
aurait été "le seul moment de la Restauration
où le maintien de la dynastie ait eu de véritables chances".
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Charles X, chef d'Etat
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