"L'HISTOIRE DE FRANCE" SELON MICHELET

Dans les années 1870, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche publie un pamphlet sur l'inutilité des études historiques, dont il fait une de ses "considérations inactuelles". Il est bien isolé, car le XIXème siècle est par excellence le siècle de l'histoire, celui où des historiens figurent parmi les hommes les plus célèbres de leur temps. Ainsi de Jules Michelet, dont les six premiers volumes de la magistrale Histoire de France paraissent entre 1833 et 1844.

Né en 1798 dans une église désaffectée, Jules Michelet est le fils d'un libraire éditeur parisien qui a été ruiné par les lois sur la presse de l'Empire. Elève brillant, trois fois lauréat au concours général, docteur ès lettres à vingt et un ans, il a renoncé à entrer à l'Ecole Normale Supérieure pour gagner sa vie et a accepté une place de répétiteur dans une petite pension parisienne. Il a ensuite enseigné l'histoire au collège Sainte Barbe et s'est entièrement consacré à des travaux historiques. Il a tout d'abord rédigé des manuels à l'usage des professeurs, dont un Précis de l'histoire moderne qui a connu un grand succès. En 1827, la traduction des Principes de la philosophie de l'histoire de l'Italien Giambattista Vico a définitivement assis sa réputation.

Sa renommée étant parvenue jusqu'à la Cour de Charles X, Michelet se voit chargé de l'éducation de la fille de la duchesse de Berry, Louise Marie, la future duchesse de Parme.
La révolution de 1830 vient mettre un terme à ces fonctions. Mais les Trois Glorieuses soulèvent un immense espoir dans le coeur du professeur. Michelet aime cette atmosphère révolutionnaire qui lui rappelle son enfance pauvre. C'est alors qu'il prend conscience de la France "comme une âme et une personne" et qu'il conçoit l'idée d'une Histoire de France illustrant la lutte d'un peuple contre tout despotisme.
En attendant, si l'issue du soulèvement populaire le déçoit, Michelet y gagne de l'avancement. Précepteur de la princesse Clémentine, fille de Louis Philippe, il est nommé dès 1831, chef de la section historique des Archives Nationales, un poste qu'il conservera jusqu'en 1852. Là, il est en contact avec des pièces pour beaucoup inédites, qu'il classe et étudie méticuleusement. Il a retenu la leçon de l'historien Augustin Thierry, selon qui une oeuvre historique ne peut reposer que sur des archives. En dépouillant cette documentation avec une rigueur remarquable, Michelet trace les grandes lignes de la synthèse qu'il prépare avec le sentiment exaltant de recréer un monde. Pendant quelque dix années, l'Histoire de France sera le fil conducteur de sa vie. Publiés entre 1833 et 1844, six premiers volumes (des origines à la mort de Saint Louis) obtiennent un grand succès. S'opposant à Thierry pour qui la clé de l'histoire de la France et de l'Angleterre est la rivalité de deux races, l'une conquérante, l'autre conquise, Michelet défend le "principe de la force vive, de l'humanité qui se crée".

L'historien étudie la France en tant qu'organisme vivant, en tant que personne qu'il se charge de retrouver et dont il retrace la biographie avec des traits passionnés. Cette méthode poétique conduit et oriente toute son oeuvre, lui donnant sa grandeur et sa résonance unique, comme elle sera aussi à l'origine de bien des erreurs d'appréciation et d'interprétation.
Le temps de Michelet est celui de l'attente du Jugement Dernier, dont l'historien est le juge : à la fin de sa vie, il s'abandonne de plus en plus à un délire prophétique qui le fait tomber dans l'imprécation et le verbalisme, tout en donnant un souffle inégalé à ses ouvrages, admirés par nombre d'écrivains : "Tous vos livres sont des actions, comme historien, comme philosophe, vous gagnez des batailles. Le progrès et la pensée vous compteront parmi leurs héros. Et quel peintre vous êtes!", lui écrit Victor Hugo.
Très populaire parmi les étudiants libéraux, Michelet entre en opposition contre le Gouvernement. Suspendu par décision ministérielle en janvier 1848, il reprendra ses cours au Collège de France sous la IIème République. Mais, destitué de toutes ses fonctions officielles, il devra cesser son activité dès mars 1852.
Refusant de prêter serment à Napoléon III, Michelet se consacrera alors aux sept volumes d'une Histoire de la Révolution française et aux tomes restants de son Histoire de France (de Louis XI à Louis XVI), qui paraîtront entre 1855 et 1867. Seule la mort, le 9 février 1874, l'empêchera d'achever son Histoire du XIXème siècle.

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