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LE COMTE D'ARTOIS PERD SON GRAND AMOUR
En ce triste printemps 1804, le comte d'Artois ne souffre
pas tant de l'exil que de la douleur de voir s'éteindre son cher amour.
La douce Louise de Polastron, dont il partage la vie depuis plus de vingt ans,
se meurt lentement de la tuberculose. Par un ultime coup du sort, le futur Charles
X ne pourra recueillir le dernier soupir de son aimée, dont il a été
séparé au nom des convenances et du respect de la religion.
Louise de Polastron a toujours été de constitution
délicate. En ce mois de mars 1804, à peine âgée de
quarante ans, elle se meurt du mal terrible qui fait tant de ravages en ce début
du XIXème siècle : la tuberculose. Pour tranquilliser son cher
"mari", ainsi qu'elle appelle le comte d'Artois, la malade ne parle que de
légères fluxions. Mais le futur Charles X s'inquiète à
juste titre, comme s'il devinait les hémorragies qu'on lui cache et qui
s'aggravent de jour en jour.
Depuis cinq ans qu'ils vivent en exil à Londres, les amants, par respect
des convenances, logent dans des hôtels séparés. Charles
Philippe s'est installé au 46 Baker Street et Louise tout près
de là, au 18 Thayer Street. Madame de Polastron ne voulant surtout rien
changer à leurs chères habitudes, chaque matin le comte d'Artois
s'en vient à pied chez elle et la rejoint dans le petit salon du premier
étage. Pendant qu'elle brode ou se consacre à de pieuses lectures,
il lit les journaux, rédige sa correspondance. Une existence de couple
comme tant d'autres. A la différence près que le frère
cadet de Louis XVI, exilé volontaire, a fui la tourmente révolutionnaire
avec une femme qui n'est pas sa compagne légitime.
La comtesse de Gontaut, l'une des fidèles aux Bourbons
en exil, prend le parti d'avertir le comte d'Artois que son amie doit être
soignée plus efficacement que par les remèdes à base de
plantes prescrits par le père Elysée. Henry Balford, médecin
du roi Georges III d'Angleterre, est dépêchée auprès
de la malade et, malgré ses protestations, vient l'ausculter. Son diagnostic
tombe : Madame de Polastron a atteint l'ultime degré de la consomption,
rien ne pourra plus éviter le pire. Le praticien ne peut que conseiller
un séjour à la campagne pour adoucir une fin douloureuse.
Louise est transportée à Brampton Grave, où, selon la mode
du temps, les tuberculeux sont soignés dans des étables. Charles
Philippe, éperdu de douleur et de désespoir, espère encore
et vient l'y visiter. Sa maîtresse lui semble aller mieux, la voir avaler
quelques bouchées de poulet le réconforte. Mais, sentant ses dernières
forces la quitter, Louise finit par s'en remettre à Dieu. Désormais,
elle se consacre toute entière à la religion sous la houlette
de l'abbé Latil, le directeur de conscience de son amant. L'habile abbé,
voit l'occasion de raffermir son influence sur le prince de France. Louise,
qu'il tient sous sa coupe, lui offre la victoire en murmurant au comte d'Artois
: "Mon ami, suivez les instructions de l'abbé
pour être aussi tranquille que je le suis au moment où vous viendrez
me rejoindre".
La souffrance de Charles Philippe est frappante : "Un
sentiment sincère, c'est le désespoir du comte d'Artois auprès
du lit où se meurt celle qu'il a tant aimée. On ne se fait pas
idée d'une passion comme celle qu'elle lui a inspirée. Le scandale
est en quelque sorte devenu respectable", remarque le comte de La
Ferronays. L'abbé Latil, lui, n'est pas de cet avis. A ses yeux de bigot,
les amants vivent en état de péché depuis vingt ans. Et
cela doit cesser! Il finit par convaincre l'agonisante de retrouver la pureté
pour laver le long adultère dans lequel elle s'est perdue. Louise n'a
pas le courage d'annoncer elle-même la nouvelle à Charles Philippe.
Qu'importe! L'abbé s'en chargera : "Monseigneur
reverra encore une fois la pauvre pénitente, mais le scandale doit prendre
fin".
Après une dernière entrevue, les amants ne doivent plus jamais
se rencontrer, faute de quoi la mourante sera damnée pour l'éternité....
Louise ne cesse de prier, envoie de sages conseils à Charles Philippe.
Celui-ci ne peut sécher ses larmes, voudrait au moins lui répondre.
Mais l'abbé lui a interdit toute correspondance. A leur confidente, la
marquise Stéphanie de Lage de Volude, il envoie ce message désespéré
: "Dites lui que mon amour est souffrant".
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