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LA DUCHESSE D'ORLEANS A LA CHAMBRE
Le 24 février 1848, Louis Philippe
est contraint d'abdiquer en faveur de son petit fils, le jeune comte Philippe
de Paris. Peu après le départ du roi, le château des Tuileries est envahi par
les émeutiers. Le mobilier est saccagé, les barriques de vin sont vidées, des
filles de joie s'affulent de robes de soirée et de cordons de la Légion d'Honneur...
La bacchanale va se poursuivre jusqu'au soir. Pendant ce temps, au Palais Bourbon,
se décide le sort de la France et de la monarchie.
A la chambre des députés, certains élus,
tel Adolphe Thiers, ne font qu'una apparition avant de courir se mettre en sûreté.
L'annonce de l'abdication de Louis Philippe en faveur du jeune comte de Paris
a semé la confusion, et la Chambre est désorientée. La majorité et la minorité
sont toutes deux réduites à l'impuissance, dépassées par les événements.
Cependant,
la duchesse Hélène d'Orléans, la veuve du fils aîné de Louis Philippe, accompagnée
de ses fils, les petits ducs Philippe de Paris et Robert de Chartres, ainsi
que de son beau frère, le duc de Nemours, deuxième fils du roi, s'empresse de
se présenter devant les députés pour faire accepter le nouveau roi et proclamer
la régence. Très digne, en habits de deuil, la duchesse prend la parole devant
l'hémicycle en pleine effervescence. "Mon
fils et moi voulons recevoir le pouvoir de la volonté nationale. Nous attendons
avec confiance la résolution qui va être prise. Quoi qu'il arrive, j'élèverai
mon fils dans l'amour de ce pays et le respect de la liberté". Le
député André Dupin monte à la tribune et, en deux mots, propose de revenir sur
la loi de 1842, qui à la mort du duc Ferdinand d'Orléans organisait la régence
aux dépens de la veuve du défunt et au profit du prince le plus proche, le duc
de Nemours. Or, la duchesse est indubitablement plus populaire que son beau
frère, et quelques élus se rappellent qu'en 1842 elle était soutenue par Alphonse
de Lamartine et Odilon Barrot, aujourd'hui en première ligne du mouvement révolutionnaire.
Si Dupin envisage de voir la régence confiée
à la duchesse d'Orléans, Adolphe Crémieux, de l'opposition libérale, propose,
sous les acclamations du peuple, qu'un Gouvernement provisoire soit mis en place.
Odilon Barrot, chef de l'opposition dynastique, monte à la tribune et s'exclame
: "Notre devoir est tout tracé, la
Couronne de Juillet repose sur la tête d'un enfant et d'une femme".
Les parlementaires se redressent et applaudissent. La foule, elle, se tait...
La duchesse d'Orléans de lève de son banc, semble vouloir parler, écoute de
timides conseils, puis se rassied. Elle vient de laisser passer sa chance! Odilon
Barrot achève son discours sans parvenir à convaincre. A ce moment, la foule,
qui a envahi l'hémicycle, est refoulée vers les bancs des députés par des hommes
en armes, qui, menés par quelques officiers de la Garde Nationale, entrent dans
la salle des débats. Certains élus pris de peur cèdent la place et quittent
les lieux. Le président décide de suspendre la séance. Mais une telle séance
ne se suspend pas... Crémieux, Lamartine et Ledru Rollin se précipitent d'un
seul élan à la tribune. Lamartine obtient le silence et entreprend un magnifique
éloge du courage de la duchesse d'Orléans. Le peuple, jamais insensible aux
sentiments généreux, applaudit. Les députés respirent. Mais, bientôt, le poète
politicien demande lui aussi qu'un Gouvernement provisoire soit nommé...
Alors que Lamartine vient de lâcher la
monarchie, la porte de la tribune des journalistes vole en éclats sous la pression
d'une foule en armes. Un des arrivants pointe son fusil sur le président et
l'orateur; ses compagnons font mine de mettre en joue l'Assemblée. Des amis
dévoués entraînent rapidement la duchesse d'Orléans et ses fils hors de la salle.
Le président quitte le perchoir, et ce qui restait de conservateurs se disperse...
Le peuple se vautre sur les bancs du centre en s'écriant : "Prenons
la place des vendus!" Sous les cris de "Vive
la République", Lamartine continue sa harangue. Un
semblant de calme revient quand il prononce les noms des membres du Gouvernement
provisoire. Puis un cri retentit : "A
l'Hôtel de Ville!" Le poète saisit la balle au bond
: "Oui, à l'Hôtel de Ville!" et quitte le Palais Bourbon en
entraînant la foule. L'Hôtel de Ville, c'est le coeur du Paris populaire.
Les manifestants s'y rendent en cortège. Là, la République est proclamée et
lecture est donnée de la liste des membres du Gouvernement provisoire. Les sept
républicains et les quatre socialistes désignés (dont Dupont de l'Eure, président,
et Lamartine, aux Affaires Etrangères) ne savent pas encore qu'un autre Gouvernement
a été formé autour du républicain Louis Blanc...
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