"LA MARSEILLAISE" DE RUDE

La construction de l'Arc de Triomphe de l'Etoile a été commencée sous l'Empire et terminée en 1836, sous la Monarchie de Juillet. Ce monument est le symbole absolu de la grandeur de la France par ses dimensions impressionnantes mais aussi, et surtout, grâce à son fleuron, La Marseillaise, la très vivante sculpture de François Rude.

En 1806, Napoléon 1er a décidé de faire ériger à Paris deux arcs de triomphe à sa gloire. Le premier, édifié au Carrousel du Louvre par les architectes Charles Percier et Pierre Fontaine, sera mesuré et gracieux. Le second, en revanche, devra dominer la place de l'Etoile et dépasser en splendeur tous les monuments jamais conçus jusque-là... La construction de l'Arc de Triomphe a donc été commencée sous l'Empire par l'architecte Jean François Chalgrin. En bonne logique la Restauration aurait dû mettre un terme aux travaux. Mais Charles X, puis Louis Philippe décident de mener à bien l'entreprise. En veillant, cependant, à en modifier le programme iconographique.
En 1835, lorsqu'il postule à la décoration de l'Arc de Triomphe, François Rude vit de son travail de sculpteur, mais n'a encore ni trouvé sa voie, ni exprimé pleinement son talent. A cinquante et un ans, il songe qu'il est temps de transcrire dans son art les souvenirs de tous les bouleversements politiques dont il a été témoin depuis la Révolution.

François Rude est né à Dijon dans une famille d'artisans. Son père, poêlier, l'a initié au travail de la fonte. Après avoir remarqué les étonnantes dispositions du jeune homme pour le dessin, monsieur Fremier, contrôleur des contributions directes, décide de financer ses études. Pour gagner sa vie, Rude travaille chez un peintre en bâtiment; il occupe son temps libre à apprendre le modelage de l'argile et à exécuter les bustes des notables de la ville. En 1807, il monte à Paris avec quatre cents francs en poche et quelques lettres de recommandation. Deux ans plus tard, il est lauréat de l'Académie des Beaux Arts. En 1812, il est reçu premier au concours du prix de Rome. Après les Cent Jours, il suit son protecteur, monsieur Fremier, qui, bonapartiste, s'est exilé en Belgique. Pendant plusieurs années, il y tient un atelier de sculpture et vit de ses commandes. En 1827, il rentre à Paris et présente au Salon un très classique Mercure rattachant sa talonnière. Beaucoup plus personnel et infiniment vivant, son Pêcheur napolitain, exposé au Salon de 1833, remporte un grand succès.
Thiers, ministre de l'Intérieur de la Monarchie de Juillet, a la haute main sur le chantier de l'Arc de Triomphe. Il a le bon sens de prévoir des scènes exaltant à la fois la gloire des armées de la République et de l'Empire, car il sent bien que l'opinion publique est encore très sensible à ce récent passé. Il choisit donc de faire illustrer par les artistes quatre dates symboliques : Le Départ des volontaires en 1792, Le Triomphe de 1810 à la gloire de l'Empire, La Résistance de 1814 et La Paix de 1815.

Chargé de la décoration d'un des piliers du monument, François Rude se voit attribuer la réalisation d'une sculpture consacrée au premier thème. L'ouvrage est terminé en 1836. L'interprétation par Rude du sacrifice fait par tous les Français à la cause de la liberté est une réussite totale. Le sculpteur est le premier de sa génération pour qui la représentation des sens, de l'émotion et du mouvement va devenir une priorité absolue. Malgré un certain académisme, l'oeuvre qui peut être considérée comme la première sculpture romantique, est l'objet de vives critiques. Les défenseurs du "goût officiel" sont choqués par la violence de la figure centrale, allégorie féminine du génie de la guerre qui appelle les hommes au combat et à laquelle l'artiste a insufflé une extraordinaire énergie. Les esprits chagrins s'élèvent également contre le réalisme et le caractère "excessivement" mouvementé de la fresque. Rude a prévu un pendant au groupe des "volontaires" de 1792, que l'on connaît par des dessins conservés au Louvre. Il projette de réaliser une seconde sculpture illustrant Le Retour, c'est-à-dire la retraite de Russie, la grande boucherie finale de l'Empire, et d'aller ainsi jusqu'au bout de son idéal romantique. Ce sujet est, bien entendu, refusé par Thiers, qui ne peut admettre qu'une défaite soit représentée sur un monument de propagande.
Très vite, Le Départ des volontaires est rebaptisé La Marseillaise. Et c'est sous ce titre évocateur que cette oeuvre tout aussi évocatrice passera à la postérité; au rebours des trois autres sculptures de l'Arc de Triomphe, exécutées par des artistes plus froids et plus méticuleux.

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