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LE MASSACRE DE LA RUE TRANSNONAIN
Il est resté dans les mémoires comme le "printemps
tragique". Début avril 1834, les ouvriers lyonnais ont été
victimes d'une répression féroce. Le 13 avril, les Parisiens,
solidaires, descendent dans la rue. Mais l'insurrection, mal organisée,
va être écrasée par les troupes du maréchal Bugeaud.
Au numéro 12 de la rue Transnonain, dans le quartier du Marais, tous
les habitants, témoins involontaires des événements et
victimes innocentes, vont être massacrés.
Comme lors de la révolte des canuts, en 1831, les
ouvriers lyonnais se sont de nouveau insurgés, contre leurs pénibles
conditions de vie et de travail, contre les salaires de misère, contre
l'arrogance des puissants. Leurs chefs se sont élevés contre le
dépôt d'un projet de loi visant à restreindre le droit sur
les associations de plus de vingt personnes. Six d'entre eux ont été
arrêtés. Le 9 avril, le peuple est descendu dans la rue pour réclamer
leur libération. Pour repousser les manifestants, le Gouvernement, soucieux
du maintien de l'ordre à tout prix, n'a pas hésité à
faire appel à la garnison. Dix sept mille coups de canon ont été
tirés. Plusieurs ponts sur la Saône ont été incendiés
par des bateaux brûlots chargés de foin. L'église des Cordeliers,
où certains insurgés se sont réfugiés, a été
éventrée. Trois jours plus tard, on a relevé 170 morts
dans les rangs du peuple et 130 parmi les forces de l'ordre.
A l'annonce du soulèvement de Lyon, les Parisiens
s'émeuvent, les républicains s'indignent, la Société
des Droits de l'Homme s'insurge. L'interdiction par le Gouvernement du Journal
La Tribune va mettre le feu aux poudres. Le 13 avril, dans le quartier
du Marais, les rues Beaubourg, Geoffroy l'Angevin, Aubry le Boucher, Maubuée
et Transnonain se couvrent de barricades. Là non plus, la bourgeoisie
au pouvoir n'entend pas se laisser dicter sa conduite par le peuple. Le Gouvernement
obtient aisément 14 millions de crédits supplémentaires
pour maintenir les effectifs de l'armée à 360 000 hommes, presque
autant qu'en temps de guerre. Inorganisé, le mouvement insurrectionnel
ne peut résister aux assauts des 40 000 hommes des garnisons parisiennes
et aux gardes nationales de banlieue venues en renfort. Pas plus qu'aux tirs
de 36 pièces d'artillerie. Le lendemain matin, l'insurrection a été
écrasée par les troupes de Bugeaud. On relève des centaines
de blessés et près d'une trentaine de morts. Rue Transnonain,
les soldats, excités par des coups de feu tirés des maisons, se
ruent dans l'immeuble au numéro 12 et en massacrent tous les habitants.
Des innocents qui n'ont même pas pris part aux combats. Immortalisant
le drame, la célèbre lithographie du caricaturiste Daumier montre
un homme en chemise de nuit et bonnet de coton gisant au pied de son lit, symbole
de la répression sanglante.
Deux mille insurgés sont arrêtés et déférés
devant la Cour des pairs. Adolphe Thiers, le ministre de l'Intérieur,
vitupère : "Il faut saisir cette grande conspiration qui s'étend
sur toute la France". Il déploie une telle énergie pour maintenir
l'ordre que, le 20 mai, les obsèques du général La Fayette
se déroulent dans le plus grand calme.
Parmi les insurgés arrêtés, la Cour des
Pairs en inculpe 164. La plupart des chefs républicains sont compromis.
Tous les faits insurrectionnels relevés sur l'ensemble du territoire
sont déclarés connexes. Les accusés choisissent des défenseurs
parmi les plus célèbres. a côté des vétérans,
comme Voyer d'Argenson et Audry de Puyraveau, débutent Armand Barbès,
Louis Auguste Blanqui, Lazare Carnot, Auguste Comte, Jules Favre, l'abbé
de Lamennais. Il dénoncent le procès comme une parodie de justice
et une tentative d'épuration politique. Le Gouvernement réplique
en récusant tous les défenseurs qui ne sont pas inscrits au barreau.
C'est au duc de Broglie, président du Conseil, qu'il incombe d'ordonner
l'ouverture du procès, le 5 mai 1835. Des débats, confus, embrouillés,
on retiendra essentiellement la fameuse adjuration : "L'infamie
du juge fait la gloire de l'accusé". Un affront collectif
aux pairs qui se sont résignés à siéger. Hormis
le courageux penseur Michel de Bourges, les accusés se montrent loin
d'être à la hauteur des aspirations du peuple. Les plus compromis,
dont Godefroy Cavaignac, Marrast et Guinard, conquièrent la faveur de
l'opinion en s'évadant, le 13 juillet.
Les débats s'éternisent pendant six mois et s'achèvent
sur de multiples condamnations, allant de la déportation à la
résidence surveillée. Le parti républicain en sort découragé
et discrédité.
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