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LE PREMIER MINISTERE THIERS
Le début du règne de Louis Philippe est
marqué par la constitution, à la Chambre, du triumvirat Broglie-Thiers-Guizot,
qui fait et défait les gouvernements, tout en lorgnant sur la présidence du
Conseil. Désirant asseoir son pouvoir personnel, le roi n'a qu'une idée : démembrer
ce trimvirat. Après s'être débarrassé de Broglie, le 5 février 1836, il fait
appel à celui qui le gêne le plus : Adolphe Thiers.
"Monsieur, l'Europe
vous attend", déclare Talleyrand au nouveau président
du Conseil. Louis Adolphe Thiers n'en doute pas... Cet ambitieux Provençal âgé
de 39 ans a projeté très jeune de conquérir Paris et, si possible, de dominer
la France. Né à Marseille le 15 avril 1797, il a étudié le droit à Aix. Tel
Rastignac, il est monté en septembre 1821 à Paris, où il y est devenu l'amant
d'une femme riche, madame Dosne, qui l'aide à jouer les dandys et dont il épousera
un jour la fille. Il a aussi gagné l'amitié de Talleyrand, qui le patronne.
La direction du quotidien Le National, fondé en janvier 1830 avec Armand
Carrel et Auguste Mignet, a fait de lui un personnage de premier plan. Lors
des journées de Juillet, Thiers a joué un rôle décisif et, depuis, a obtenu
différents portefeuilles ministériels. Bien que par nature il appartienne au
Mouvement, parti héritier des idées de 1789, il s'accommode assez bien, pour
rester au pouvoir, de sa collaboration à la Résistance, parti qui refuse toute
nouvelle concession à la démocratie.
Thiers se réjouit d'avoir enfin les coudées
franches. Mais le résultat sera loin de ses espérances! Bien qu'il se vante
d'être plus fin que le roi, son ministère ne durera que du 22 février au 6 septembre
1836. Pour mieux briller, le nouveau président du Conseil ne s'entoure que d'hommes
de second plan, à l'exception du comte de Montaliver, ami du roi, qui conserve
le ministère de l'Intérieur. Si le Mouvement se réjouit un temps de voir un
des siens accéder au pouvoir, il déchante rapidement. Lors de sa déclaration
ministérielle, Thiers affirme sa solidarité avec le précédent cabinet et entend
continuer à réprimer les excès de la Révolution. Hélas, il n'a pas de programme
de gouvernement; ce qui, pour conserver le pouvoir à tout prix, l'incite à céder
tour à tour aux demandes, de quelque côté qu'elles émanent. La duplicité de
Thiers est soulignée par ses activités mondaines : il invite à dîner tant les
chefs de la Résistance que ceux du Mouvement et assure aux uns comme aux autres
qu'il est également de coeur avec eux! Une telle méthode de gouvernement n'est
pas faite pour assurer la stabilité ministérielle. Thiers en est si conscient
qu'il souhaite marquer son "règne" par une action d'envergure... Mais
laquelle? La session de printemps 1836 est assez bien employée : la loi Montalivet
sur les chemins vicinaux est votée le 21 mai; on décide la création du chemin
de fer de Paris à Saint Germain en Laye, le premier de la région parisienne
affecté au transport des voyageurs; on révise l'ensemble du tarif des douanes,
et le loterie nationale est supprimée.
Thiers, qui a gardé le portefeuille des
Affaires Etrangères, place ses espérances dans une politique extérieure pacifique
et cherche une entente générale avec les puissances continentales, notamment
avec l'Autriche. Il songe que son "action d'éclat" pourrait bien être
de marier le duc d'Orléans, le fils aîné du roi, à une archiduchesse autrichienne,
ce qui ferait rentrer les Orléans, toujours suspects "d'usurpation",
dans le clan des familles régnantes. Le projet tente bien évidemment Louis Philippe.
L'ambassadeur de France à Vienne, monsieur de Saint Aulaire, sonde les intentions
de la Cour d'Autriche; celle ci n'est pas enthousiaste, mais n'oppose pas de
refus. Imaginant qu'on enlève une princesse comme on prend une barricade,
Thiers met sur pied un voyage des princes français. Grisé par l'accueil triomphal
qu'il a reçu à Berlin, le duc d'Orléans ne cache pas à Vienne ses intentions
matrimoniales : en juin 1836, il demande la main de sa fille à l'archiduc Charles,
le vaincu de Wagram. Mais le chancelier Metternich s'y oppose, et il faut toute
l'habileté de Saint Aulaire pour que ce refus ne prenne pas un caractère offensant.
Ne voulant pas rester sur un échec, Thiers envoie une circulaire diplomatique
pour trouver une épouse au duc. Le résultat est décevant : seule une ancienne,
mais petite, Maison de Prusse fait savoir qu'elle est intéressée... Pour
se relever à ses propres yeux et à ceux de l'opinion, le président du Conseil
prévoit, au risque de déclencher les hostilités avec l'Angleterre, de donner
une leçon à l'Autriche en intervenant militairement en Espagne. Mais, pour Louis
Philippe, une déconvenue matrimoniale ne vaut pas une guerre; il envoie un contre-ordre,
désavouant son Premier Ministre, lequel n'a plus qu'à démissionner.
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Louis Philippe, chef d'Etat
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