L'APPEL DE THIERS A LOUIS PHILIPPE

Hostile à la politique réactionnaire de Charles X et de son nministre Jules Auguste de Polignac, le journaliste Adolphe Thiers milite pour un changement de dynastie. Dans la nuit du 29 au 30 juillet 1830, avec son ami Auguste Mignet, il va rédiger et faire afficher dans tout Paris une proclamation invitant à confier les destinées du royaume au duc d'Orléans. Il forcera ainsi la main aux députés et au futur Louis Philippe.

Adolphe Thiers, Armand Carrel et Auguste Mignet ont fondé Le National, journal d'opposition à la politique réactionnaire du prince de Polignac. De plus en plus hostiles à Charles X, ils prêchent pour un changement de dynastie : "Gardons le régime, mais changeons de roi. Un changement de dynastie n'est pas une révolution. Et l'Angleterre était si peu révolutionnaire en 1688 qu'elle mit sur le trône le plus proche parent de Jacques II (son gendre Guillaume d'Orange)", proposent-ils.
Le 29 juillet, les rues de Paris se hérissent de barricades. Les émeutiers sont en passe de s'emparer du palais du Louvre et des Tuileries et de se rendre maîtres de la capitale. Après avoir mené la résistance de la presse de gauche aux Ordonnances du 25 juillet, les journalistes suivent de près le déroulement des événements et envisagent à leur tour de passer à l'action.
"Il n'y a que le duc d'Orléans qui puisse nous tirer de là", affirme Adolphe Thiers. Mais le futur Louis Philippe se tient à l'écart et ne souffle mot. Les habitués du Palais Royal, tels que le général Sébastiani, sont même parmi les plus disposés à traiter avec Charles X et à ne pas sortir de la légalité.

Dans la nuit du 29 au 30 juillet, Thiers décide de forcer la main aux députés et au duc d'Orléans. Avec son ami Mignet, il rédige de courtes et vives proclamations dans lesquelles il met en avant la candidature au trône du prince et annonce l'acceptation de ce dernier, alors que non seulement il ne l'a pas consulté mais ne l'a même jamais vu! Imprimées à plusieurs milliers d'exemplaires, ces proclamations non signées sont placardées dans toutes les rues de Paris. Le lendemain matin, le résultat de ce formidable coup de bluff est que le nom du duc d'Orléans est sur toutes les lèvres. Les députés qui étaient encore favorables aux propositions de Charles X après la prise du Louvre (retrait des Ordonnances, formation d'un nouveau Gouvernement sous la présidence du duc Casimir de Mortemart) sont frappés par le faveur avec laquelle une partie de l'opinion parisienne accueille l'idée d'un changement de dynastie.
Pendant ce temps, Thiers se rend à Neuilly pour obtenir le concours du duc d'Orléans. Il ne trouve que la soeur du prince, Madame Adélaïde, mais celle ci se laisse convaincre et va jusqu'à prendre sur elle de garantir l'acceptation de son frère. Fort de ce soutien, le journaliste provençal se présente à midi devant les députés au Palais Bourbon. Il peut compter sur des alliés puissants : François Guizot, le général Sébastiani, Benjamin Constant se sont ralliés à l'idée d'une monarchie orléaniste.

"Ne vaudrait-il pas mieux en finir tout de suite (avec la branche aînée des Bourbons) et profiter de l'occasion qui s'offre de porter sur le trône un prince qu'aucune incompatibilité d'opinion, d'affection et d'habitudes ne sépare de la France moderne et libérale, et que l'origine même de son pouvoir obligera plus encore à reconnaître la prééminence parlementaire?", assène-t-on aux hésitants. L'avocat libéral Odilon Barrot arrive de l'Hôtel de Ville avec un message du marquis de La Fayette : comme les républicains, les placards de Thiers ont rendu celui ci furieux, et il reproche aux députés "la précipitation avec laquelle ils paraissent vouloir disposer de la Couronne".
Mais, peu nombreux, et de plus n'étant pas réunis sur une convocation régulière, les députés ne se sentent guère légitimés à se former en assembée constituante. Le libéral Charles de Rémusat trouve une porte de sortie honorable en suggérant d'appeler le duc d'Orléans à la lieutenance générale du royaume. Il se garde bien de préciser si le duc exercera ses pouvoirs pour ou contre le roi légitime et, pour rassurer les timides, reste sciemment dans le flou. Sa proposition est entérinée par une déclaration des "députés de la France actuellement présents à Paris" et recueille quarante signatures. Or, Louis Philippe d'Orléans est toujours absent de la capitale.. C'est seulement le 30 juillet au soir et apparemment sous la pression  du prince Maurice de Talleyrand Périgord, qu'il rentre au Palais Royal. Le lendemain, il monte la première marche du trône en acceptant la lieutenance générale du royaume.

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