VICTOR HUGO, PAIR DE FRANCE

Au printemps 1845, Victor Hugo voit enfin se réaliser son rêve de grandeur. Déjà membre de l'Académie Française, l'écrivain accède à la Chambre des Pairs, où il est nommé par le roi Louis Philippe. Mais, quelques mois plus tard, son prestige va être terni par un "énorme" scandale, qui lui vaudra d'être blâmé et raillé par la presse.

En 1841, Victor Hugo a été élu à l'Académie française au fauteuil du dramaturge Népomucène Lemercier. Dans son discours de réception, il a fait maintes illusions à la politique, et certains ont pensé qu'il ambitionnait de se voir confier un portefeuille ministériel. L'année suivante, après la parution de l'ouvrage Le Rhin. Lettres à un ami, Lamartine lui a écrit : "Le roi vous fera pair et nous vous ferons ministre. Mais qu'importe tout cela à celui que la nature a fait Hugo?"
Pour le chef de file du romantisme, 1843 est une année noire. En avril, son drame Les Burgraves a été un échec. Mais surtout, le 4 septembre, il a perdu Léopoldine, sa fille aînée tant chérie.

Un fort coup de vent a retourné l'embarcation qui faisait route vers Le Havre, et la jeune femme, son mari, Charles Vacquerie, un oncle et un petit cousin ont péri noyés dans la Seine près de Villequier. Cinq jours plus tard, alors qu'il se trouve à Rochefort, Victor Hugo est informé de la tragédie par hasard, en lisant le journal Le Siècle. Le poète est effondré, terrassé par la disparition de cette enfant lumineuse, âgée seulement de 19 ans. Au point qu'il se détourne provisoirement de la création littéraire pour se consacrer à l'activité politique.
Catholique et légitimiste sous la Restauration, Victor Hugo est devenu libéral. Il s'est même attaché à Louis Philippe, qu'il considère comme un souverain éclairé, et à la monarchie constitutionnelle. En juillet 1842, après la mort accidentelle du duc Ferdinand d'Orléans, fils aîné du roi-citoyen et héritier du trône, il est allé, en tant que directeur de l'Académie française, présenter des condoléances à la famille royale. Il semble que depuis lors il soit devenu un familier de la Cour et du palais des Tuileries.
Le 13 avril 1845, le roi nomme Victor Hugo Pair de France. Le 20 avril, le poète transmet au maréchal Soult, Président du Conseil, les documents indispensables à l'enregistrement de sa nomination par la Chambre des Pairs. Le 28 avril, il prète serment devant l'assemblée. La nouvelle de son élévation à un titre auquel il peut prétendre en tant que membre de l'Académie française suscite un véritable tollé chez les républicains :
"Saluez monsieur le vicomte Hugo, pair de France! La démocratie, qu'il a insultée, peut désormais en rire : la voilà bien vengée!"

Quelques mois plus tard, cette nouvelle distinction va révéler fort opportunément les privilèges qu'elle confère. Le 5 juillet, Victor Hugo est surpris par la police en flagrant délit d'adultère. L'incident a lieu rue Saint Roch, où le poète rend visite à Léonie Biard d'Aunet, avec qui il entretient une liaison passionnée qui durera plusieurs années et dont Juliette Drouet, sa maîtresse en titre, ignore tout! Mais le mari de la belle infidèle, le peintre François Biard, n'apprécie guère et porte plainte. Il suffit à Hugo de se prévaloir de l'immunité des pairs pour se voir remis en liberté. La pauvre Léonie, quant à elle, est conduite illico à la prison Saint Lazare, où elle restera deux mois. L'affaire fait scandale. La presse blâme et raille à loisir le mari volage, l'académicien indigne de son rang, le pair de France usant sans vergogne de ses privilèges. Lamartine en fait un mot : "En France, on se relève de tout, même d'un canapé". Sainte Beuve juge cet adultère "énorme".
Son prestige et sa dignité ternis, Victor Hugo est obligé de s'isoler. Dans le grand appartement situé au deuxième étage de l'hôtel de Rohan Guémenée, place Royale (actuelle place des Vosges), il se remet au travail, renoue avec la littérature.
En novembre, il entreprend la rédaction d'un roman, Jean Tréjean. Bien qu'il assiste avec assiduité aux séances de la Chambre des Pairs, il exprime ses préoccupations pour les questions sociales dans un autre ouvrage, Les Misères, qui paraîtra en 1862 sous le titre Les Misérables. Après la révolution de 1848, sa dernière intervention en faveur de la monarchie sera de réclamer, en vain, la régence pour la duchesse d'Orléans.

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