LA DEMISSION DE VILLELE

Homme de confiance de Charles X, le Président du conseil Jean Baptiste Villèle doit affronter à la fois l'opposition de droite et celle de gauche. Devenu de plus en plus impopulaire, il va être mis en minorité à la Chambre et devra démissionner le 3 janvier 1328.

Président du Conseil depuis septembre 1822, resté en poste après la mort de Louis XVIII et l'avènement de Charles X en septembre 1826, le comte Jean Baptite Villèle va assumer les fonctions de Chef du Gouvernement prendant près de cinq ans et demi. Le 29 avril 1827, alors qu'il passe en revue la Garde nationale, Charles X a la désagréable surprise d'être accueilli aux cris de "Vive le roi! A bas les ministres! A bas Villèle!". La réaction du souverain est brutale : bien que seule une minorité de soldats conspue le Président du Conseil, il contraint celui-ci à dissoudre la Garde nationale, ce qui creuse encore plus le fossé entre le Gouvernement et les classes moyennes urbaines, à qui l'on signifie qu'elles sont ennemies du régime. Cependant, il persiste à soutenir Villèle, qui devient de plus en plus impopulaire.
Sous la pression des ultras, Villèle a mené une politique réactionnaire. Il a repris en main l'Université, promulgué au printemps 1825 les lois sur le sacrilège, le "milliard des émigrés" et les congrégations. En avril 1826, il a voulu faire passer une loi rétablissant le droit d'aînesse, contraire à l'esprit d'égalité de la Charte. Enfin, il a édicté la
"loi de justice et d'amour", comme l'a appelée sans rire le Garde des Sceaux Peyronnet, qui restreint la liberté de la presse et que le poète et politicien François René de Chateaubriand qualifie de loi "vandale".

Si l'opposition de gauche à l'Assemblée est limitée, Villèle doit également faire face aux menées de Chateaubriand, dont il s'est fait un ennemi en le renvoyant du ministère des Affaires Etrangères en juin 1824 et qui a fait de la Chambre des Pairs un bastion de la droite antigouvernementale. Sitôt la session parlementaire close, le 22 juin 1827, le Président du Conseil contre attaque : il rétablit la censure et nomme soixante seize nouveaux pairs, des hommes qui lui seront favorables et lui permettront d'obtenir la majorité à la Chambre Haute. Début novembre, il prononce la dissolution de la Chambre des députés. Mais l'opposition n'est pas prise au dépourvu.
Dès l'été, en effet, Chateaubriand a annoncé la création d'une
"Société des amis de la liberté de la presse", qui supplée au silence forcé des journaux par des séries de brochures et exhorte tous les ennemis du ministère à profiter d'une loi permettant aux électeurs de contrôler les listes électorales, dont la composition a été soumise jusque-là à l'arbitraire des préfets. C'est dans ce même dessein que le libéral François Guizot a pris la tête de la société "Aide toi, le ciel t'aidera", qui par sa campagne de vérification des listes permet à 15 000 électeurs "oubliés" d'être inscrits; on passe ainsi d'un collège d'environ 67 000 à 83 000 électeurs. Des ultras aux libéraux, les différentes forces d'opposition s'unissent dans l'effervescence. A tous il semble que Villèle est en bout de course. Sa politique étrangère est sans grandeur, à la remorque de l'Angleterre; la crise économique, qui met le budget de 1827 en déficit, ébranle sa réputation de financier. Même la Cour le critique.

Lors des élections législatives, les 17 et 24 novembre, le désaveu de la politique du Président du Conseil éclate au grand jour. Les oppositions de gauche et de droite ont présenté de nombreuses listes communes : les élus libéraux sont presque aussi nombreux que les candidats ministériels, 170 contre 180, et 75 députés appartiennent au parti de la "défection" de Chateaubriand. Le symbole du triomphe libéral, salué dans la liesse à Paris, est l'élection dans sept départements différents du modéré Pierre Paul Royer Collard, qui prendra la Présidence de la nouvelle Chambre.
Malgré cet échec, Villèle tente de se maintenir au pouvoir. Mais, le 3 janvier 1828, il doit démissionner. Bien qu'il ait montré un réel talent d'administrateur, son passif est indéniable. Il a pris des mesures réactionnaires, qu'il jugeait néfastes, mais exigées par une partie de sa majorité; il n'a pas su empêcher les divisions au sein du parti royaliste; il a surtout méconnu la puissance des idées et des sentiments, confondant bonne administration et bonne politique. C'est plein de regrets que Charles X se résout à voir partir, provisoirement croit-il, celui qui avait depuis si longtemps sa confiance mais qui avait plus l'étoffe d'un grand commis que celle d'un homme d'Etat.

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