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NAPOLEON
1799-1815
Pages
mises à jour au 26/06/2003
En 1789, un peuple enthousiaste a
salué l'avènement d'une ère de justice et de liberté. Dix ans plus tard, un coup
d'Etat met fin à la Révolution sans éveiller d'autres réactions qu'un profond
soulagement. Depuis thermidor, le gouvernement a déjà plusieurs fois appelé à son aide
la force armée pour sauver un régime discrédité et qui s'enfonçait doucement dans la
pourriture.
" Bonaparte
était la dernière carte de la Révolution, les révolutionnaires du gouvernement la
jouèrent, remarque Vaudal : serait ce Washington qui sortirait ? Ce fut César ".
La Révolution avait évolué vers une
voie que ni les hommes de 1789 ni ceux de 1793 n'avaient pu ou n'avaient voulu prévoir :
la dictature militaire. Le bonnet phrygien, qui avait remplacé les fleurs de lis, allait
disparaître à son tour devant le "sabre" recherché par Sieyès, en
attendant que soient adoptés comme symboles les aigles et les abeilles.
Pendant tout le début du siècle, la France va occuper la toute première place sur la
scène du monde. Alliés ou adversaires, les peuples voisins devront tous tourner leurs
regards vers notre pays. Cette situation tient à la personnalité d'un seul homme.
Qui peut demeurer indifférent devant le
"phénomène
Napoléon" ? Stendhal salue en lui "le plus grand homme qui ait paru dans le monde depuis César", Victor Hugo s'écrie :
"Il était prince
par le génie, par la destinée et par l'action". L'exilé de Sainte Hélène fera du reste son propre panégyrique : "J'ai refermé le joug
anarchique et débrouillé le chaos. J'ai déssouillé la Révolution, ennobli les peuples
et raffermi les rois. J'ai reculé les limites de la gloire". Il est bien certain qu'en 1799, le "chaos"
règne en France; quant à la gloire, Bonaparte a conquis des brassées de lauriers au
cours de ses campagnes d'Italie et d'Egypte. Lorsqu'il débarque d'Orient, il
trouve un pays ruiné, livré à l'anarchie. La nation, lasse des convulsions politiques,
aspire à l'ordre et à la paix. Mais le coup d'Etat de Brumaire va-t-il consolider
le Révolution ou la clore ? Le grand homme a l'habileté de faire croire qu'il va sauver
l'ouvre révolutionnaire. Le serment du sacre sera un serment à la République.
Trois ans plus tard, on lira encore, gravés sur les monnaies, les mots République
française Napoléon empereur.
Que de paradoxes dans la vie du Corse
couronné ! Né de la Révolution, Bonaparte a plus que tout autre hâté sa fin. Sous une
apparence libérale, la Constitution qu'il a promulguée escamote la souveraineté
populaire proclamée dans les Droits de l'Homme. Indifférent en matière religieuse, il
fera renaître le catholicisme.
Alors que le pays aspire au repos, il ouvrira toutes grandes les portes du temple de
Janus, soi-disant pour mieux les refermer, et agrandira sans cesse le champ des
opérations militaires dans l'espoir d'imposer sa paix au monde. Vaincu enfin par
l'Europe, il laissera une France épuisée, humiliée, appauvrie, mais, loin d'être
honni, il deviendra l'objet d'un véritable culte.
La grande épopée
napoléonienne a duré quinze années. Elle commence par une période de transition : le
Consulat. En quatre ans et demi, Bonaparte va mener, par étapes, le pays à la
monarchie.
Dominant de très haut ses deux collègues Cambacérès et Lebrun, il tient entre
ses mains toute la réalité du pouvoir : il légifère, décide, agît, contrôle,
sanctionne. Son premier objectif est d'instaurer un ordre nouveau par le redressement des
finances, de l'administration et de la justice. Il veut en outre rétablir l'union des
Français : il négocie avec les chefs Vendéens et ouvre les frontières aux émigrés,
ce qui ne l'empêche pas de répondre par un "NON" très sec aux avances
ingénues du comte de Provence.
Mais le pays a hâte de voir finir les guerres étrangères. Bonaparte envoie sur le Rhin
Moreau, tandis que lui même entreprend une nouvelle campagne d'Italie. Moreau sera
vainqueur à Hohenlinden, mais le passage du Saint Bernard et la victoire de Marengo,
obtenue pourtant de justesse, forcent plus encore l'admiration des Français. Le
triomphateur est accueilli à son retour par des ovations.
Tout réussit à Bonaparte, même l'explosion de la machine infernale qui lui permet le
tour de force de se débarrasser à la fois des conspirateurs royalistes et des agitateurs
jacobins. Pour rallier les catholiques, il prépare un Concordat avec le Pape. Sa
popularité croîtra encore lorsqu'il aura conclu avec l'Angleterre le traité d'Amiens
(25 mars 1802).
Enfin les soldats vont déposer leurs armes ! L'enthousiasme populaire est à son comble.
Le Premier Consul apparaît à tous comme le grand pacificateur. A l'intérieur,
le pays retrouve stabilité et prospérité. La réforme de l'enseignement, l'institution
de la Légion d'Honneur, la publication du Code Civil ajoutent à la satisfaction
générale.
Devenu ainsi indispensable au pays, Bonaparte ne cherche plus à ménager l'opposition
libérale. L'épuration du Tribunat l'a débarrassé des "idéologues". Il a
désormais les coudées plus franches. Le 8 mai 1802, les sénateurs, dociles, prolongent
ses pouvoirs pour une période de 10 ans, mais cette mesure semble nettement insuffisante
à son ambition et le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802) le
nomme Consul à Vie : c'est presque la monarchie. Mais la rupture de la paix
d'Amiens ouvre une nouvelle période de guerres. Bonaparte a soin de laisser croire que
les seuls torts sont du côté d'Albion. Tandis qu'il prépare à Boulogne l'invasion de
l'Angleterre, celle-ci travaille à la formation d'une coalition nouvelle. Elle vise
également à l'élimination du Corse par le complot Cadoudal-Pichegru. Mais les
intrigues sont éventées, les conspirateurs découverts. L'enlèvement et la mort du duc
d'Enghien amènent le Sénat à proposer au maître de la France l' établissement d'un pouvoir
héréditaire, comme "garantie contre les Bourbons"
Les Jacobins sont d'accord et, le 18 mai 1804, le Soldat de la Révolution est
nommé Empereur.
"Je n'ai point usurpé la couronne, je l'ai relevée dans
le ruisseau et le peuple l'a mise sur ma tête",dira-t-il à Montholon. Sacré par le Pape qu'il a fait
"galoper de Rome à Paris" Napoléon se sent presque devenu Monarque de Droit
Divin. Il est entré dans la famille des Rois : à leur corps défendant ou non, les chefs
des antiques dynasties l'appellent " leur frère ".
Il s'entoure d'une cour brillante, nomme des maréchaux et des grands dignitaires, crée
une noblesse d'empire. Mais pour lui il maîtrise le faste et demeure "l'homme à
le redingote grise". Sa puissance de travail est immense. En fait, il gouverne
seul "avec des éperons et des bottes". Peu à peu les Assemblées verront
leur rôle réduit, les ministres les plus actifs seront remplacés per des hommes de
moindre envergure. Napoléon veut avoir un pays docile. Il nomme des préfets à sa
dévotion, la police surveille les suspects, la presse est muselée, l'Université
impériale reçoit le monopole de l'enseignement et un nouveau catéchisme formera des
petits Français obéissants à César. La liberté jadis prônée par les Constituants a
disparu de l'horizon, mais le pays est heureux d'avoir un souverain garant de l'ordre. Il
ne songe pas encore à renâcler devant les guerres, d'autant que les opérations se
déroulent en terres étrangères. Naturellement optimistes, les Français sont disposés
à croire, lors de chaque victoire, que celle-ci va déboucher sur la paix. Du reste, les
Grognards idolâtrent leur Petit Caporal et la fierté nationale est comblée.
En 1805, Napoléon doit renoncer à envahir l'Angleterre; la troisième coalition est
formée et l'Autriche attaque. Le soleil d'Austerlitz rejettera dans l'ombre
le désastre naval de Trafalgar. La quatrième coalition voit l'écrasement
de la Prusse à Iéna et s'achève, après Friedland, par l'alliance
de Tilsit avec la Russie. Entre-temps le conquérant a remanié la carte d'Europe,
détruit le vieil Empire Germanique, posé des couronnes sur les têtes de ses frères.
Mais le Blocus Continental, décrété le 21 novembre 1806 à Berlin pour mettre au pas
Albion, va entraîner la politique impériale dans de nouveaux conflits. Pour qu'il soit
hermétique, Napoléon devra se rendre maître des ports européens et se faire le
gendarme du monde. Cette nécessité l'amènera à exercer son contrôle sur le
Portugal, Naples, les Etats Pontificaux, la Hollande et même les rives de la Baltique.
Jusqu'en 1808, l'Empire n'a enregistré, sur terre, que des victoires.
Le premier gros orage vient d'Espagne, où, après le soulèvement quasi unanime de la
nation, Napoléon comprend trop tard l'engrenage dans lequel il a été pris. Il bat,
certes, les Anglo-Espagnols dans la péninsule, mais le problème n'est pas résolu pour
autant. Malgré l'entrevue d'Elfurt et le "parterre des rois" qui
courbent l'échine devant lui, l'Empereur voit bien qu'aucun succès n'est définitif. Une
cinquième coalition se noue à Wagram, l'Autriche sera, cette fois, plus
difficilement vaincue (5-6 juillet 1809).
Le conquérant annexe encore de nouveaux territoires. L'immense Empire s'étend
maintenant de Hambourg à Rome et compte 130 départements. Mais la machine impériale
est de plus en lourde à manier. Et à qui Napoléon pourra-t-il léguer l'écrasant
héritage ? Pour fonder une dynastie, il a répudié Joséphine : il voit le vaincu de la
veille lui offrir en mariage sa propre fille. L'invraisemblable s'accomplit : le 2 avril
1810, l'héritier de la Révolution épouse à Paris la descendante des Habsbourg.
L'année suivante naît le Roi de Rome : la quatrième dynastie est fondée. L'Empire
semble à son apogée , mais c'est un Colosse aux pieds d'argile. Au milieu de tant de
gloires, un sourd malaise se fait en effet sentir. Les levées d'hommes deviennent plus
difficiles, le blocus heurte beaucoup d'intérêts matériels, le rente est basse, le
conflit avec le Pape, prisonnier à Savonne, inquiète les catholiques, les Rois nommés
par Napoléon manifestent des velléités d'indépendance. Mais surtout l'Alliance russe
se disloque et une nouvelle guerre pointe à l'horizon.
L'Empereur ne la désire pas. On l'entend murmurer ; "Comment tout cela finira-t-il
?" . Cependant la Grande Armée s'enfonce dans la steppe Russe. La campagne se
terminera en catastrophe. A Paris, le complot du Général Malet, vite étouffé, montre
aux Français et à Napoléon lui-même la fragilité de l'édifice.
Le désastre de Russie annonce l'hallali. La Prusse opprimée reprend les armes
L'Autriche, après avoir berné Napoléon ; tourne casaque, les Anglais chassent d'Espagne
le Roi Joseph. Après la campagne d'Allemagne et la défaite de Leipzig, c'est
l'invasion. Napoléon a beau déployer tout son génie stratégique pendant la Campagne
de France, ses maréchaux l'abandonnent, Paris est pris et il est contraint
d'abdiquer (6 avril 1814).
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