Discrédité par la
défaite militaire, le Second Empire s'est écroulé. Bismarck s'attend à l'effondrement
du pays : il se trompe. La jeune république proclamée le 4 septembre 1870 refuse de se
mettre à genoux ; mais l'héroïsme des combattants, comme celui des Parisiens
assiégés, demeure vain : il n'aboutit qu'à la conclusion d'un traité désastreux,
imposé par les vainqueurs. Hélas, la guerre civile succède à la guerre étrangère :
la Commune s'est installée à Paris et les
Français vont s'entre-tuer, sous l'oil des occupants, au cours de l'affreuse "semaine sanglante". La terrible répression des "versaillais" anéantit pour longtemps le socialisme en
France.
Les débuts de la III ème République seront difficiles. En 80 ans, de 1791 à 1871, onze
régimes se sont succédés dans notre pays. Peut-on enfin espérer toucher au port? Sous
la direction de Thiers, la France commence par panser ses plaies, le territoire est
libéré, les finances et l'administration s'organisent. Les royalistes comptent bien
réussir à rétablir la monarchie, mais l'intransigeance du comte de Chambord empêche
une restauration. Il ne leur reste qu'à accepter des lois constitutionnelles qui,
pensent-ils, pourront facilement être réformées. Mais, grâce à l'amendement Wallon,
la République "entre sur la pointe des pieds" en France. Une nouvelle
crise, celle du "16
mai", contribuera à
établir de façon définitive le régime parlementaire.
De la "république des
ducs" la France est
passée à la "république
des républicains".
Radicaux et opportunistes s'entendent, malgré leurs divergences d'idées, pour réaliser
certains points d'un programme commun. L'époque est marquée par les premières mesures
de laïcité, par la réforme de l'enseignement et par une grande politique d'expansion
coloniale.
La plus grande faiblesse de la IIIème République est l'instabilité ministérielle
(entre 1871 et 1914, on verra défiler 55 ministères). Les difficultés économiques et
sociales augmentant, les crises deviennent plus fréquentes. Le scandale des décorations,
en éclaboussant l'Elysée, déconsidère gravement le régime. Quelques mois plus tard,
il s'en faut de peu que l'affaire Boulanger ne fasse sombrer la République. L'engouement
des foules pour le "général
Revanche" passe
heureusement aussi vite qu'il est né. Bientôt le "ralliement" amène
au gouvernement républicain l'appui des catholiques jusqu'alors fidèles à la monarchie.
A l'extérieur, un accord diplomatique conclu avec la Russie suscite dans le pays un vif
enthousiasme.
Malgré le scandale de
Panama qui apporte un nouveau discrédit au gouvernement, malgré le vent de violence qui
souffle sur la France avec les attentats anarchistes, malgré la multiplication des
grèves de caractère politique, le régime semble consolidé. Un point noir demeure,
celui des revendications ouvrières de pénibles incidents montrent au pays la gravité
des problèmes sociaux. Peu à peu l'action syndicale imposera au parlement des réformes
jugées bien trop lentes par les travailleurs
Plus grave aux yeux des Français apparaît alors l'affaire Dreyfus. Mal informé, le
public se félicite d'abord de ce que le "traître" soit châtié. Les
passions montent lorsque les gens mieux renseignés parlent d'une erreur judiciaire. La
personnalité de Dreyfus est vite dépassée et le pays s'entre-déchire, écartelé entre
des idéologies contraires. Les répercussions de l' "Affaire" se font
sentir même sur notre politique extérieure.
L'humiliation de Fachoda, vivement ressentie par les Français, vient de ce que le
gouvernement se juge trop faible pour tenir tête aux prétentions des Anglais. Qui
pourrait imaginer alors que l'Entente Cordiale se fera si vite ? D'ici quelques années,
la bonne volonté d'Edouard VII conduira en effet la France, après quelques intermèdes,
à signer un accord avec l'ancienne " ennemie héréditaire ". A cette date
s'est déjà ouverte l'ère dite "de la Belle Epoque". Elle apparaîtra plus tard comme un temps heureux. La monnaie est
stable, les classes moyennes s'enrichissent, les paysans possèdent leur bas de laine.
Pourtant la France subit encore le contrecoup de l'Affaire Dreyfus. La droite paie les
fautes commises et une vague anticléricale attriste les catholiques : dissolution des
congrégations, affaires des fiches et des inventaires, séparation de l'Eglise et de
l'Etat creusent encore un fossé entre les partis.
Malgré l'âpreté des guerres religieuses, le pays peut se réjouir de certains succès
diplomatiques. Les discours fracassants de l'Empereur Guillaume II à Tanger puis le "coup
d'Agadir" ont eu comme résultat de montrer la solidité de l'Entente Cordiale.
Lyautey peut pacifier le Maroc, passé sous le protectorat français. Le pays commence à
se rendre compte de la gravité de la menace allemande, mais les partis se querellent
toujours : la loi de trois ans, la représentation proportionnelle, l'impôt sur le revenu
font l'objet d'âpres discussion à la Chambre.
Au printemps 1914, l'affaire Caillaux-Calmette augmente l'effervescence alors que le
cliquetis des armes grandit à travers l'Europe. A l'heure où Jaurès est assassiné par
un fanatique, aucun espoir de sauvegarder la paix ne peut être conservé. Mais l'union se
fera entre les Français à l'heure du danger.
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