LA VICTOIRE DE CERISOLES (14 avril 1544)
Au printemps 1544, François 1er est
sur la défensive. Charles Quint et Henry VIII d'Angleterre s'apprêtent à
envahir la France. Contre l'avis de son Conseil, le roi autorise le comte
d'Enghien à ouvrir les hostilités sur le front italien. Et c'est, le lundi de
Pâques, la belle victoire de Cérisoles sur les Impériaux.
"Montluc,
dit le roi, je veux que vous vous en retourniez en
Piémont, porter ma délibération et mon conseil à Monsieur d'Enghien et veux
que vous entendiez ici la difficulté que nous faisons pour ne lui pouvoir
bailler congé de donner bataille, comme il demande". François 1er
a pris sa décision. En ce printemps 1544, il refuse à son lieutenant général
en Piémont la permission d'engager le combat sur le front italien. S'il a
convoqué au Conseil le capitaine Blaise de Montluc avant que celui-ci ne
retourne en Italie, c'est pour qu'il transmette bien à son chef les raisons de
ce veto. François de Bourbon, comte d'Enghien, vient de prendre le commandement
des troupes dans le nord de l'Italie et a pris l'initiative d'assiéger
Carignan, tenue par une forte garnison aux ordres du marquis del Vasto. Le
gouverneur espagnol du duché de Milan rassemble ses hommes et attend le renfort
de mercenaires allemands et de soldats napolitains. Enghien, "brave
et généreux prince", brûle d'en découdre. Mais il lui faut
l'aval du roi de France pour engager la bataille contre les Impériaux.
Or François 1er a toutes les raisons d'être prudent. La guerre qu'il a
déclarée à Charles Quint, le 10 juillet 1542, se déroule sur plusieurs
fronts. Il sait que l'Empereur et son allié Henry VIII d'Angleterre attendent
la belle saison pour lancer une grande offensive contre le royaume. Charles
frappera en Champagne, tandis qu'Henry VIII attaquera, à partir de la tête de
pont de Calais, en direction de la Somme et de Paris. Accepter le combat en
Italie, c'est hasarder, en début de campagne, des troupes dont il pourrait
avoir besoin sur les frontières du nord et de l'est.
Le comte de Saint Pol, qui expose
les raisons du refus royal au Conseil, résume la situation : "Si
Monsieur d'Enghien perdait la bataille, le royaume serait en péril d'être
perdu". L'amiral d'Annebault et le grand Ecuyer Galiot de Genouillac
abondent dans son sens. L'affaire paraît entendue. Mais Blaise de Montluc
demande à s'exprimer.
Ce Gascon à la langue bien pendue se lance dans un vibrant plaidoyer, se
félicitant de parler à un "roi soldat et non devant
un roi qui n'a jamais été en guerre". Avec enthousiasme et force
gestes, il vante la bravoure des troupes royales, des piquiers suisses et des
Italiens. "A ce que j'ai entendu, Sire, tout ce qui
émeut ces messieurs qui ont opiné devant Votre Majesté est la crainte d'une
perte. Ils ne disent autre chose si ce n'est : si nous perdons, si nous
perdons! Je n'ai ouï personne d'eux qui ait dit : si nous gagnons, si nous
gagnons, quel grand bien vous adviendra? Pour Dieu, Sire, ne craignez de nous
accorder notre requête". Saint Pol, qu'on imagine agacé par
l'audace de ce soldat sans titre ni fortune, le traite de"fol
enragé". Montluc ne se laisse pas démonté. "Je
ne suis pas un bravache, ni si écervelé que vous le pensez",
réplique-t-il. Tenant la victoire pour acquise, il assure que le roi
désarçonnera ses adversaires, "qui ne sauront quel
parti prendre".
Les arguments de
Montluc, sa fougue, sa foi en la victoire touchent François 1er. Cependant, le
roi hésite et demande l'avis d'Annebault qui préfère lui conseiller de
demander à Dieu de l'éclairer. Alors le roi jette son bonnet sur la table et
joint les mains. Après une prière, il se tourne vers Montluc et s'écrie : "Qu'ils
combattent! Qu'ils combattent!"
Aussitôt la nouvelle connue, de nombreux gentilshommes sollicitent
l'autorisation de partir pour l'Italie. "Il n'y a ni
prince au monde qui ait la noblesse plus volontaire que la nôtre. Un petit
sourire de son maître échauffe les plus refroidis. On va mourir au lit que
nous appelons lit d'honneur", se félicite Montluc. Le lundi de
Pâques, le 14 avril 1544, le comte d'Enghien, à la tête de 15 000 hommes,
livre bataille à Cérisoles, près de Coni. Le combat commence par une mêlée
confuse. C'est une poussée massive des fantassins et des gens d'armes royaux
sur le centre du dispositif ennemi qui emporte la décision. Les Impériaux
s'enfuient, laissant 12 000 morts sur le terrain et un "bagage
beau et riche". Ce superbe fait d'armes donne le Montferrat à la
France. Mais c'est une victoire sans lendemain. "Si
on eut su faire profit de cette bataille, Milan était bien ébranlée. Mais
nous ne savons jamais faire valoir nos victoires", critique Montluc.
Les vainqueurs de Cérisoles ne vont pas conquérir le Milanais mais sont
rappelés de toute urgence en France. Une grande partie de l'armée du Piémont
repasse les Alpes et va défendre le royaume. En juin, l'invasion
anglo-impériale que l'on prévoyait commence.
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