LA SORBONNE CONDAMNE LA DOCTRINE DE MARTIN LUTHER Alors que les fidèles aspirent à
un retour à l'Evangile et à la foi des premiers siècles de l'Eglise, les théories
du moine allemand Martin Luther se diffusent largement en Europe. En France,
la faculté de théologie de la Sorbonne n'entend pas voir son autorité sapée
par les partisans de la Réforme protestante, qui ne craignent pas de remettre
en cause la suprématie du pape et, le 15 avril 1524, va condamner la doctrine
luthérienne.
L'impact des idées de la Réforme protestante
en Europe n'est pas le fruit du hasard. Depuis de longues années déjà, l'Eglise
traverse une crise profonde. L'autorité du pape est contestée par plusieurs
souverains, au premier rang desquels figurent les rois de France, et par des
sommités ecclésiastiques. Par sa théorie conciliaire, la Sorbonne, qui a voix
prépondérante en matière de théologie, a affirmé la supériorité des décisions
des conciles sur celles de Rome. Dans le même temps, les fidèles tolèrent de
moins en moins une fiscalité très lourde destinée à financer des dépenses somptuaires
: ils acceptent mal que les papes soient soucieux d'intérêts matériels ou politiques
au point de perdre de vue leur mission spirituelle.
En France, si le phénomène n'atteint pas
la même ampleur que dans d'autres pays comme l'Allemagne, le haut clergé vit
sur un grand pied, se comporte en despote, se livre à maints abus et néglige
ses devoirs. Quant au bas clergé, son ignorance lui vaut le mépris général.
Si la foi résiste, les fidèles aspirent à renouer directement avec la parole
divine à travers la Bible, dont l'imprimerie favorise maintenant la connaissance.
C'est dans ce contexte que, à partir de 1515, un moine théologien allemand, Martin
Luther, commente les Epîtres de Paul d'une façon qui le conduit à établir une
doctrine du salut par la foi seule. Le coup de tonnerre se produit en 1517,
lorsqu'il affiche sur les portes du château de Wittenberg ses "95 thèses",
qui dénoncent le système des indulgences. En 1520, après avoir refusé de se
rétracter et mis en cause l'infaillibilité du pape et des conciles, Luther
expose sa doctrine en publiant son Manifeste à la noblesse allemande,
sa Captivité à Babylone et un Petit Traité de la liberté humaine,
le tout constituant le programme d'une réforme radicale de l'Eglise. Excommunié
en janvier 1521, il se voit mis au ban de l'Empire par Charles Quint. La
doctrine de Luther ne s'impose pas seulement en Allemagne mais se diffuse largement
au delà des frontières de l'Empire. En France, au début des années 1520, des
petits groupes de réformés se constituent dans plusieurs villes. Le mouvement
de retour à l'Evangile est animé en particulier par le cénacle de Meaux,
ce sous la houlette de l'évêque Guillaume Briçonnet et de Jacques Lefèvre d'Etaples,
théologien humaniste pour qui "la
grâce de Dieu est l'unique moyen de salut, les oeuvres n'étant que des manifestations
extérieures et secondaires", et sous la protection
de Marguerite d'Angoulême, la soeur de François 1er.
Au début, le roi de France montre une relative
tolérance à l'égard des tenants du protestantisme, d'autant que, en conflit
avec Charles Quint, il entend conserver l'appui des princes allemands gagnés
à la Réforme. Il en va tout autrement de la Sorbonne, qui craint de voir
son autorité battue en brèche. Sous la direction de son syndic, Noël Bédier,
elle procède à l'examen de la doctrine luthérienne, qu'elle condamne le 15 avril
1521. Cette décision est le prélude à un changement d'attitude à l'égard des
réformés. Le désastre de Pavie, en février 1525 et la captivité de François
1er dans les prisons de l'Empereur entraînent le Parlement de Paris, avec l'appui
de la Sorbonne, à inciter la régente Louise de Savoie, la mère du roi, à une
plus grande sévérité. Tandis qu'une juridiction spéciale contre les "mal
pensants de la foi" est mise sur pied, les membres
du cénacle de Meaux perdent leur protectrice, Marguerite d'Angoulême, qui a
quitté Paris après avoir épousé le roi de Navarre Henri d'Albret, et doivent
s'exiler. Mais, en dépit de la répression, le protestantisme gagne de nouveaux
adeptes, à Paris, Meaux, Noyon, Alençon et Lyon, dans le Languedoc et en Navarre,
dans les villes universitaires. Pendant que ses théories, auxquelles Jean Calvin
donne un second souffle dans les années 1530, font leur chemin en France. Martin
Luther, à l'abri au château de la Wartburg, où le cache son protecteur l'Electeur
Frédéric III de Saxe, poursuit son oeuvre et travaille à l'organisation de l'Eglise
luthérienne.
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