SOLIMAN LE MAGNIFIQUE, L'AMI DU ROI DE FRANCE
Surnommé le
"Législateur" par ses sujets et "le Magnifique" par les
Occidentaux, Soliman est le plus glorieux des sultans ottomans. Ce redoutable
conquérant, allié de François 1er, puis d'Henri II, a porté des coups
sévères aux Habsbourg en Europe et en Afrique du Nord.
Quand Sélim 1er,
conquérant de l'Egypte et de la Syrie, meurt en septembre 1520, après huit ans
d'un règne sanglant, son fils Soliman II lui succède. Il est le seul héritier
de la Maison d'Osman, son père ayant fait exécuter tous les mâles de la
famille, ses frères, ses neveux et même ses trois autres fils. Le dixième
sultan de la dynastie n'a donc aucun mal à s'imposer.
Soliman est né sans doute le 6 novembre 1494 à Trébizonde au bord de la mer
Noire, où son père est alors gouverneur. Sa mère, Hafsa Hatun, dernière
sultane issue d'une famille royale, est, croit-on, la fille du khan des Tartares
de Crimée. Cultivé et doué pour les langues, le jeune prince, comme le veut
la tradition ottomane, est nommé à quinze ans gouverneur de province à Caffa, en
Crimée, par son grand-père, le sultan Bajazet II. En 1512, son père prend le
pouvoir après avoir éliminé ses frères et fait déposer Bajazet par les
janissaires. Au cours des huit années suivantes, Soliman acquiert de l'expérience
à la tête de plusieurs provinces. Quand il ceint le sabre d'Osman, le 1er
octobre 1520, l'ambassadeur de Venise le décrit comme une homme "grand,
mais mince", au nez un peu trop long et aux traits fins. "Il
a une ombre de moustache et une courte barbe. Son air est agréable, mais il est
un peu pâle". Calme et de sang-froid à l'opposé du caractère
emporté de Sélim 1er, il fait montre à son avènement d'une grande clémence,
libérant des centaines de prisonniers et abolissant les mesures arbitraires
prises sous le règne précédent.
C'est néanmoins un
monarque à poigne de fer qui prend les rênes de l'Empire. Il n'hésite pas à
châtier tout manquement à son autorité et contrôle étroitement ses vizirs.
Ces derniers, des chrétiens islamisé, sont tous des hommes remarquables. Ils
n'en subissent pas moins les foudres d'un maître qui ne tolère aucune
velléité d'indépendance et qui ira jusqu'à faire exécuter deux de ses fils
pour rébellion.
En politique intérieure, l'une des préoccupations de Soliman est d'assurer
justice et prospérité à ses sujets. Il lutte contre les abus de
l'administration, la fraude, la spéculation et le vol en promulguant une
multitude de règlements. Une oeuvre de droit considérable qui lui vaut le
surnom de Kanouni ("le Législateur").
En 1520, la Chrétienté croît d'abord que Soliman est un homme de Cour.
L'espoir est de courte durée. Inspiré par ses obligations de gazi
(combattant de la foi) et ses ambitions, le sultan prépare déjà une
expédition, la première d'une longue série, en Europe. Commandeur des
Croyants depuis que Sélim 1er a reçu la soumission du chérif de la Mecque, le
souverain ottoman a le devoir d'étendre toujours plus les terres de l'Islam.
Son premier objectif est Belgrade, porte des pays danubiens, qui tombe en 1521,
après que ses défenseurs serbes et hongrois auront résisté trois semaines.
L'année suivante, il enlève Rhodes aux Hospitaliers de Saint Jean de
Jérusalem. En 1526, une nouvelle campagne en Hongrie se termine par son
écrasante victoire à Mohacs et par la prise de Buda.
Bientôt, Soliman
entre en guerre directement contre les Habsbourg. Ferdinand 1er, le frère de
Charles Quint, revendique la succession du roi de Hongrie, mort à Mohacs. En
septembre et octobre 1529, les Ottomans campent sous les murailles de Vienne.
Plusieurs campagnes vont les opposer aux Austro-Hongrois, qui perdent Pest en
1541, l'ouest de la Hongrie et doivent payer tribut pour le reste du pays en
1547. Toutefois, Ferdinand 1er ne renonce à ses prétentions sur la
Transylvanie qu'en 1562.
Son combat contre l'Europe chrétienne, Soliman le mène aussi sur mer. Sa
puissante flotte dispute à Venise et aux Espagnols l'hégémonie en
Méditerranée et utilise pleinement les remarquables capacités de Barberousse
et de ses corsaires barbaresques. Malgré les opiniâtres tentatives de Charles
Quint pour se maintenir à Tunis en 1535 ou pour prendre Alger en 1541, il
étend le protectorat ottoman sur le littoral du Maghreb, le Maroc excepté.
Sollicité par François 1er, puis par Henri II, Soliman met ses galères au
service des ambitions italiennes de la France. Repoussant les limites de son
empire en Asie, il s'empare d'Aden.
Dans cette région, son principal ennemi est le chah d'Iran. Le souverain
ottoman a l'intelligence de ne jamais mener deux guerres en même temps.
Profitant d'une trêve sur le front européen, il lance en 1533, une expédition
contre le persan Tahmasp. La "campagne des deux Irak" s'achève par
l'entrée triomphale de Soliman à Bagdad, arrachée à "l'hérésie
chiite" le 30 novembre 1534.
Le long combat qui ensanglante les marches de l'Est prend fin en 1555 par la
paix d'Amasya, qui consacre la suprématie ottomane. Quelques dix ans plus tard,
le vieux conquérant, malade, meurt dans la nuit du 5 au 6 septembre 1566 lors
d'une nouvelle expédition contre la Hongrie.
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