LE BAPTEME DU PRINCE DE VIANE, FUTUR HENRI IV
A trois mois, le petit prince de Viane
est baptisé à Pau, sa ville natale. L'événement
donne lieu à des réjouissances fastueuses, inhabituelles à
la Cour de Béarn. Henri d'Albret a voulu que le baptême de son
petit-fils, le futur Henri IV, soit célébré avec la pompe
digne de l'héritier d'une puissante dynastie.
Pour Henri d'Albret, la naissance, le 14 décembre
1553, d'un petit-fils sur ses terres est une éclatante revanche. Le roi
de Navarre présente le nouveau-né comme son successeur, comme
le futur défenseur de la liberté et de l'indépendance du
petit Etat pyrénéen, en butte aux pressions de ses grands voisins,
tant français qu'espagnol. En épousant Antoine de Bourbon Vendôme,
sa fille Jeanne a lié le sort du royaume navarrais à celuis des
Valois. Le premier enfant du couple, Henri de Beaumont, mort prématurément,
était à l'évidence un Bourbon, né, baptisé
et élevé au sein de la grande Maison de France. La naissance du
second a été l'enjeu d'une sourde lutte entre deux traditions
familiales. Et c'est celle des Albret qui a triomphé : Jeanne a accouché
à Pau. Là, dans le Béarn, le gendre du roi de Navarre est
réduit à un rôle de figuration. L'arrivée d'un
petit-fils est aussi une revanche face aux Espagnols, qui depuis 1512 occupent
la plus grande partie du royaume de Navarre. Ces derniers ont ricané
à la naissance de Jeanne : "Miracle, la vache a fait une brebis",
ont-ils plaisanté, faisant allusion aux bovidés du blason béarnais.
"Voyez, ma brebis vient d'infanter d'un lion", clame aujourd'hui
Henri d'Albret en manière de défi à ses "amis-ennemis"
héréditaires. Il met tous ses espoirs, tous ses rêves de
reconquête de la glorieuse Navarre d'autrefois, dans ce bébé
qu'il compte bien élever comme un prince béarnais. Le titre de
prince de Viane donné à l'enfant est à lui seul tout un
programme : Vianne est une ville de la Navarre espagnole qu'Henri d'Albret ne
désespère pas de récupérer.
L'enfant qui comble les attentes du roi de
Navarre est l'objet de tous les soins. Comme tout bon rejeton de la noblesse
d'alors, il n'est pas allaité par sa mère. Huit nourrices se succèdent
à son service avant qu'on ne trouve le lait qui lui convient! L'historien
Jules Michelet en tire un enseignement : "Il but de huit laits différents,
ce fut l'image de sa vie mêlée de tant d'influences". La dernière
nourrice est Jeanne Lafourcade, la femme d'un laboureur, ce Jean Lassancaa qu'Henri
IV verra un jour faire irruption au Louvre pour lui apporter un panier de fromages
de la vallée d'Ossau. C'est chez ce couple modeste et dévoué
que loge le jeune prince, à la métairie de Billière, à
l'extrémité du parc du château, entre Pau et Lescar. A
trois mois, l'enfant est baptisé. Le grand-père a organisé
la cérémonie comme une véritable "fête dynastique".
Le 6 mars 1554, au premier étage du château, la grande salle du
trône, tendue des plus belles des tapisseries, accueille tous les représentants
des domaines des Albret. Dehors, le peuple se presse. Des fonds baptismaux en
vermeil ont été spécialement commandés à
un orfèvre du cru, ainsi que deux quintaux de cire pour les illuminations.
Les parrains sont deux rois, dont, comme son
aîné disparu, l'enfant portera le nom : le grand-père, roi
de Navarre, et Henri II, roi de France, représenté par l'oncle
paternel du petit prince, Charles de Bourbon, cardinal de Vendôme. Ce
dernier, venu spécialement de la Cour de France, a été
reçu avec tous les honneurs. Ironie de l'Histoire, c'est ce prélat,
futur "roi de la Ligue", qui, trente cinq ans plus tard, tentera de
déposséder de la Couronne de France l'enfant qu'il porte sur les
fonds baptismaux. La marraine est la soeur d'Henri d'Albret, Isabeau, qui
porte encore le deuil de son mari, René de Rohan. Vers six heures du soir,
le cardinal d'Armagnac, évêque de Rodez, vice-légat d'Avignon,
l'un des chefs de l'Eglise de France, qui officie entouré de cinq évêques,
donne le sacrement du baptême au petit Henri dans la grande salle éclairée
par un "buisson de cierges". Après "pompe, magnificence
et ébattements", on allume un grand feu de joie dans les jardins.
De loin en loin dans la nuit, s'allument d'autres feux. Chaque communauté
villageoise célèbre dans l'allégresse celui que les Béarnais
appelleront plus tard "Nostre Henric". Le roi de Navarre fait répandre
partout la bonne nouvelle. Pour perpétuer le souvenir de l'événement,
on publie des recueils poétiques en plusieurs langues, on imprime l'horoscope
du prince de Viane, établi par Auger Ferrier et d'autres "mathématiciens
et astrologues". Henri d'Albret entend rester seul maître des destinées
de son petit-fils. D'ailleurs, Antoine de Bourbon sera bientôt rappelé
par la guerre, qui va reprendre au printemps en Flandre. Pour être plus
près de son époux, Jeanne quittera elle aussi le Béarn,
laissant le petit Henri aux bons soins de son grand-père.
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