L'ATTENTAT DE CABOCHE CONTRE HENRI II
Un matin de septembre 1557, Henri II échappe
de justesse à un attentat en sortant d'une messe à la Sainte Chapelle. L'agresseur,
un dénommé Caboche, clerc à la Chancellerie, a-t-il agi par vengeance personnelle?
Est-il un exécutant commandité par le parti protestant? Condamné à mort et exécuté
peu après son arrestation, il n'aura pas l'occasion d'expliquer sa tentative
de régicide.
Depuis qu'Henri II a succédé à son père
François 1er, fin mars 1547, la fracture entre catholiques et protestants s'est
considérablement accentuée. D'autant que la répression contre l'hérésie huguenote
se fait chaque jour plus sévère et que les condamnations à mort pour fait de
religion sont de plus en plus fréquentes. Fuyant les terribles persécutions,
les tenants de la Réforme sont nombreux à quitter le royaume et à se réfugier
à Genève, la "Rome calviniste". Au cours de l'été 1556,
à Meaux, deux protestants, les frères Gilles et Jean Caboche, ont été convaincus
"d'injures atroces, libelles diffamatoires,
menaces, blasphèmes, exactions" et ont été condamnés
à mort. Ils ont pour cadet (ou, selon certains, pour proche parent également
nommé Caboche) un clerc à la Chancellerie royale. Celui-ci officie parfois comme
scribe auprès des secrétaires d'Etat : ses fonctions l'obligent à suivre la
Cour dans tous ses déplacements et lui permettent de circuler en toute liberté
dans le palais et dans l'entourage du souverain. Or, le jeune Caboche a la ferme
intention de venger les siens.
Henri II, ce roi responsable de la mort
de ses parents, ce roi persécuteur qui fait le malheur des réformés, Caboche
a décidé de le tuer. La violence de la répression semble atteindre des sommets.
L'affaire des martyrs de la rue Saint Jacques date du début du mois de septembre
1557; et les bûchers, sur lesquels ont péri ceux dont la seule faute est d'avoir
assisté à de simples assemblées de prières, ne peuvent qu'attiser son désir
de vengeance. Peu après ces tragiques événements, le jeune clerc entreprend
de suivre le souverain à travers les rues de Paris. Quand Henri II entre dans
la Sainte Chapelle pour assister à la messe, il attend patiemment dehors, dans
la foule des courtisans et des curieux, guettant le moment favorable à l'exécution
de ce qu'il pense être une juste sanction. Après l'office, alors que le roi
sort du sanctuaire, Caboche écarte les badauds, se précipite sur le "tyran"
et le menace de son épée en criant : "Ha!
Ha! Polletion (ordure), il faut que je te tue"! Une
autre version, plus littéraire et plus chevaleresque, des faits prétend qu'il
se serait exclamé : "Roi, je suis
envoyé par Dieu pour te tuer"! Mais Henri II a le
bon réflexe de reculer promptement. Les archers de sa garde parent le coup de
leurs hallebardes et lui évitent d'être touché : l'attentat a échoué. Caboche
tente de se perdre dans la foule et de s'enfuir, mais il est vite rattrapé et
arrêté. Les gardes du roi sont d'avis de le punir immédiatement en le tuant
sur place. Henri II s'y oppose vivement. Choqué par ce qui vient de se passer,
il veut connaître la raison de cet attentat : il exige qu'on emprisonne son
agresseur à la Conciergerie, où il sera interrogé en vue d'un procès.
Pendant le déjeuner qui suit cet assassinat
manqué, le roi est extrêmement préoccupé. Dans l'après midi, voulant comprendre
pourquoi on s'en est pris à sa royale personne, il demande qu'on lui amène Caboche,
qu'il a l'intention d'interroger lui même. Mais, lorsqu'on lui apprend que le
jeune homme a déjà été exécuté, Henri II laisse éclater sa colère. Sans qu'il
ait seulement été consulté, le prévenu a été condamné à mort dès une heure de
l'après midi et aussitôt pendu aux Halles. Pour sanction de son crime, un
régicide s'expose à être "démembré tout vif" par quatre chevaux :
au regard de ce châtiment, la pendaison semble une peine bien légère, même si
Henri II n'a pas été blessé. C'est comme si on avait voulu se débarrasser le
plus vite possible d'un coupable encombrant... Claude Haton, témoin de la scène
et auteur de Mémoires, donne une explication de cette justice expéditive : il
accuse les conseillers du Parlement d'être partisans des protestants, d'avoir
hâté une sentence susceptible de compromettre leur cause et de faire de Caboche
un acteur isolé, sans relation aucune avec les querelles religieuses qui agitent
le royaume. Il prétend également que deux des principaux chefs réformés, l'amiral
Gaspard de Coligny et François d'Andelot, ont commandité l'attentat; mais cette
accusation ne tient pas, car les deux frères sont à l'époque prisonniers des
Espagnols.
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