HENRI III, LES PERSONNALITES

 

LE DUEL DES MIGNONS D'HENRI III

Le 27 avril 1578, trois mignons d'Henri III et trois fidèles du duc Henri de Guise s'affrontent en duel. A l'issue du combat, on va relever quatre morts et deux blessés graves. La perte de ses favoris préférés, Jacques de Caylus et Louis de Maugiron, laissera le roi en proie à une tristesse et à une douleur indicibles.

A la Cour et à la ville, les Mignons (les favoris) d'Henri III tiennent le haut du pavé. En ces temps troublés des Guerres de Religion, c'est à travers eux que s'exprime l'hostilité au roi. Mais ils ont beau être raillés pour leur beauté et leurs extravagances vestimentaires, ce sont aussi de vaillants et courageux guerriers : bien souvent, ils affrontent en duel les partisans de François d'Alençon, duc d'Anjou et frère cadet du roi, et ceux du duc Henri de Guise.
Au printemps 1578, l'hostilité est à son comble entre les partisans de la Maison de Lorraine et les Mignons, qui ont eu l'outrecuidance de persuader le souverain de retirer au duc de Guise la dignité de grand maître de France pour le donner à l'un d'entre eux, Jacques de Lévis, comte de Caylus. Le 26 avril, pour laver cet affront, Charles de Balzac, baron d'Entragues, surnommé "le bel Entraguet" et favori d'Henri de Guise, défie Caylus dans la cour du Louvre. Rendez-vous est pris pour le lendemain 27 avril, à cinq heures du matin, au marché aux chevaux, près de la forteresse de la Bastille.
Entragues a pour seconds Georges de Schomberg, dit Schomberg le Jeune, et le seigneur de Ribérac. Caylus est accompagné de Jean d'Arcès, seigneur de Livarot et de Louis de Maugiron, dit "le brave borgne" depuis qu'il a perdu un oeil au siège d'Issoire au printemps 1577. Aux premières heures du jour, le duel s'engage. Les six gentilhommes, tous fines lames, croisent le fer avec une rage et un acharnement exceptionnels : l'issue du combat ne peut être que la mort. Bientôt, le sang coule : Maugiron et Schomberg sont tués. Ribérac, très grièvement blessé, mourra le lendemain, à l'hôtel de Guise. Livarot également est très sérieusement atteint : après avoir été six semaines entre la vie et la mort, il se rétablira, mais il restera estropié à vie. Caylus s'est vu asséner par Entragues dix neuf coups d'épée furieux, qu'il a ponctués chacun d'un enthousiaste : "Vive le roi!" Pantelant, il est transporté à l'hôtel de Boissy, où il va agoniser pendant un mois. Henri III le veille comme un fils, promet même cent mille écus au médecin qui le sauvera. En vain, le 29 mai, le blessé expire en tenant la main de son souverain et en murmurant : "Ah! mon roi, mon roi!" Quant à Entragues, qui n'a eu qu'une légère égratignure au bras, il est le seul à sortir quasiment indemne de cette funeste aventure.
Le duel des Mignons se solde donc par quatre morts, deux dans chaque camp, et prive Henri III de deux de ses plus fidèles amis, Caylus, son préféré de tous, et Maugiron. C'est terrassé par la douleur que le roi se recueille devant leurs dépouilles.

Le 29 avril, Henri III écrit personnellement à Laurent de Maugiron, lieutenant général du Dauphiné, évoquant la mort de son fils, "tant aimé de son maître qu'il se pouvait aimer", survenue "avec très grand honneur". A Caylus, il retire délicatement les boucles d'oreilles dont il lui avait fait présent, puis, comme à Maugiron, fait couper une mèche de ses cheveux, qu'il dépose dans un précieux coffret. Ces "reliques" ne le quitteront plus et, soir et matin, il priera pour le repos éternel de ses amis disparus. Il tient en outre à rendre à ses favoris des honneurs dignes de son attachement. A ses poètes, il demande de composer des vers exprimant le déchirement qu'il éprouve. Il fait inhumer les défunts à l'église Saint Paul, à Paris, et commande au sculpteur Germain Pilon des statues en marbre imitant celles de divinités antiques pour orner leurs tombeaux, qui seront détruits par les ligueurs en 1589.
L'opinion publique accueille fort mal ce culte du souvenir et tourne en dérision l'amitié et la fidélité d'Henri III à ses serviteurs de haut rang. Entragues, au contraire, est auréolé d'une gloire nouvelle et ses exploits sont célébrés tels ceux d'un héros, tandis que le roi n'ose le faire poursuivre et arrêter.
Les persiflages et les sarcasmes du peuple à l'égard des Mignons sont perfidement alimentés par les pamphlets satiriques commandités par le duc de Guise et ses affidés. Le Lorrain est parfaitement conscient du fait que, en conspuant les favoris qui ont été tués, c'est la personne même du roi qui est atteinte; et que l'humiliation vient ainsi s'ajouter au chagrin d'Henri III.

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