LA MORT D'ANNE DE BRETAGNE
Usée par les maternités et la maladie, Anne
de Breatagne, deux fois reine de France, s'éteint le 9 janvier 1514 au
château de Blois. Son décès plonge la Cour dans l'affliction.
Louis XII est terrassé par la douleur, mais veille toutefois à
organiser en l'honneur de sa défunte épouse d'émouvantes
et somptueuses funérailles.
L'hiver est si glacial que le gel pétrifie les campagnes
et que les loups affamés sortent des forêts. A Blois, résidence
royale, la reine Anne, duchesse de Bretagne et épouse du roi Louis XII,
se meurt. En ce mois de décembre 1513, elle ne quitte plus ses appartements.
Epuisée par les maternités et des fausses couches successives,
déchirée par les douleurs de la gravelle, que la médecine
ne peut soulager, elle sent ses forces l'abandonner. Au lendemain de Noël,
elle s'est alitée, pour ne plus se relever. Sur son lit de mort, la
reine se réconcilie avec Louise de Savoie, la mère du comte François
d'Angoulême, le futur François 1er, qu'elle accepte enfin pour
gendre, et prie sa plus ancienne ennemie de veiller sur ses filles, Claude et
Renée. Après avoir reçu les derniers sacrements, elle se
fait amener les petites princesses, les bénit et confie la petite Renée,
à peine âgée de deux ans, à madame Michèle
de Soubise, sa loyale amie. "Je n'entends pas seulement que vous lui serviez
de gouvernante, mais je vous la donne et veus que vous lui serviez de mère",
lui intime-t-elle dans un souffle.
Après dix jours de souffrances intolérables,
la reine Anne rend son dernier soupir le 9 janvier 1514 au matin, à l'âge
de trente sept ans. Louis XII est si terriblement affligé qu'il ne songe
plus qu'à rejoindre sa défunte épouse au plus tôt.
"Avant que soit passé l'an, je serai avec elle et lui tiendrai compagnie",
affirme-t-il en pleurs. Malgré sa grande peine, le souverain veille
à l'organisation des funérailles et impose à la Cour l'usage
du deuil en vigueur en Bretagne. Ainsi, strictement vêtu de noir, on circule
dans les appartements et les galeries en étouffant ses pas et sa voix.
Aussitôt après le décès, le peintre Jean Perréal
réalise une empreinte du visage de la défunte. Puis selon l'usage,
les chirurgiens embaument la dépouille mortuaire après en avoir
extrait le coeur, qui est scellé dans un reliquaire d'or massif. Cinq
jours durant, des religieux mendiants veillent la reine Anne, dont le corps
est ensuite exposé sur un lit de parade, orné de toile dorée
d'hermine. C'est dans la grande salle d'honneur du château de Blois, tendue
de velours noir et où, à la lueur des torches, brillent les écussons
de Bretagne, que se dresse l'imposant catafalque, autour duquel rois d'armes
et hérauts montent la garde. Vêtue d'une somptueuse robe en velours
doublée d'hermine, couverte de joyaux, les mains gantées de blanc
et jointes sur le corselet d'or, la reine porte la couronne en tête. A
sa droite, est placé le sceptre, à sa gauche la main de justice.
Quinze jours olus tard, le corps de la reine Anne est conduit
jusqu'à Paris. Couvert de drap noir, attelé à six chevaux,
le char funèbre est entouré de quatre cents porteurs de torches.
A sa suite s'avancent les princes et princesses du sang, juchés sur des
mules noires parées des couleurs du deuil. Au sein du triste convoi,
les princesses Claude et Renée de France accompagnent leur mère
jusqu'à sa dernière demeure. Toute la journée, le cortège
chemine entre une double haie de villageois en prière. Chaque soir, la
dépouille de la souveraine repose dans une église, à Saint
Dyé, Cléry, Orléans, Antenay, Janville, Angerville, Etampes,
puis Monthléry. Le 15 février 1514, tandis que des crieurs
se dispersent dans Paris en clamant : "Priez! Dites en vos patenôtres
que Dieu bonne mercy lui fasse!" le cercueil de la reine est installé
dans la cathédrale Notre Dame, illuminée par des milliers de cierges.
Le lendemain soir, Anne de Bretagne est inhumée dans la basilique de
Saint Denis. Sous la voûte retentit la voix de Champagne, roi d'armes
de France, qui s'exclame solennellement : "Roy d'armes des Bretons, faites
votre devoir!" Et le Breton Pierre Choque, fidèle parmi les fidèles,
s'avance en proclamant : "La reine, très chrétienne duchesse,
notre souveraine dame et maîtresse, est morte. La reine est morte (...).
La reine est morte!" A l'appel de leur nom, les chevaliers de la reine
Anne déposent sur le cercueil la main de justice, le sceptre, la couronne
après les avoir pieusement baisés. Puis les portes de la crypte
s'ouvrent tandis que le chant des orgues retentit. Dans les jours qui suivent,
et selon les dernières volontés de la souveraine, son coeur est
escorté jusque dans sa Bretagne natale et déposé à
Nantes, à l'église des Carmes, auprès du tombeau de son
père, le duc François II. Sur le reliquaire d'or est gravé
en lettres d'émail rouge : "En ce petit vaisseau, de fin or pur
et monde, repose un plus grand coeur, qu'oncques femme eut au monde. Anne fut
le nom d'elle, en France deux fois reyne, duchesse des Bretons, royale et souveraine".
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