HENRI II, LES PERSONNALITES
PIERRE DE RONSARD
PRINCE DES POETES
Pierre de Ronsard, poète et humaniste, domine le monde littéraire de la Renaissance avec un éclat inégalable. Cette personnalité d'une extrême richesse est la fois la plus représentative de son temps et la plus originale qui soit. Dès 1555, ses vers, graves ou épicuriens, lui vaudront d'être consacré "Prince des poètes" par ses contemporains.
En 1550, Pierre de Ronsard publie des Odes, dont la grande densité, l'austérité et la surabondance de références mythologiques ne connaissent qu'un succès limité. Mais, déjà, la noble conception qu'il se fait de la poésie, impliquant ascèse et exigence, y apparaît clairement. Deux ans plus tard, ses sonnets des Amours de Cassandre, brillante incursion dans l'univers de Pétrarque et du platonisme, en parfaite osmose avec la tendance du moment, marquent le début d'une gloire éclatante qui ne se démentira jamais.
D'inspiration moins personnelle que ses oeuvres suivantes, ces premières
Amours ne sont cependant pas de plates imitations : leur originalité et leur
qualité hors du commun permettent à Ronsard de rejoindre et de dépasser ses
modèles avec une intense liberté créatrice. Se sentant gratifié du "don
de poésie", il entend faire preuve d'une "copieuse diversité". Tous
les sujets, grands et petits, lui sont matière à chanter "sur mille et
mille modes" sa pensée et ses sentiments. S'il rend hommage à la beauté
parfaite de Cassandre, il s'attarde aussi sur "ce petit chien qui sa maîtresse
suit", consacre des poèmes au rossignol, aux fourmis, s'enchante de "voir
couler sur la Marne les bateaux".
Toujours avec la même haute vision
de la poésie, sa pierre philosophale, Ronsard considère la rencontre amoureuse
comme une expérience qui engage l'être tout entier. Dans Les Amours de Cassandre,
il opte pour un ton moins érudit, plus familier, manie "le beau style bas"
avec une maîtrise parfaite du vers. Ce qui caractérise son oeuvre, c'est un
élan vital plein de sève : il s'entend à déguster et apprécier pleinement tous
les plaisirs que lui procurent toutes les formes de beauté. Il faut y ajouter
le culte qu'il voue à son art. Poète complet, il considère la poésie comme un
moyen d'appréhension de l'univers, de mise en forme et de reconstruction du
monde.
Si la vocation de Ronsard a été assez tardive (il n'a commencé à écrire
qu'à l'âge de vingt cinq ans), son oeuvre n'en est pas moins abondante, comprenant
plus de cinquante mille vers, et multiple, couvrant tous les registres. Il fait preuve
de la même variété dans sa versification, d'une souplesse très novatrice. Si
ses audaces suscitent de vives résistances, elles lui attirent aussi de nombreux
disciples, et il sera le chef de file des jeunes poètes, d'abord au sein du
groupe du collège de Boncourt, puis de la Pléaide. En 1555, alors qu'il a à
peine trente ans, Henri II le comble de faveurs, tandis que la Cour et ses pairs
le célèbrent comme le "Prince des poètes".
Dès 1560, il donne une première édition de ses oeuvres complètes; cinq autres
suivront de son vivant. Toute son existence sera dédiée à la poésie.
En 1553, Ronsard change radicalement de registre, abandonnant
l'amour idéal et impossible de Cassandre pour l'érotisme du Livret des Folastries,
qui évoque de façon crue et réaliste la débauche et les plaisirs des sens. L'auteur
de "Mignonne allons voir si la rose"
écrit aussi : "Quand en songeant ma folastre j'accole
/ Laissant mes flancs sur les siens allonger..." Avec Les
Amours de Marie, composés en 1555 et 1556, il passe à des poésies très personnelles,
pleines de grâce, de sensualité et empreintes de mélancolie devant la fuite
irréversible du temps. La chair et les plaisirs sans lendemain deviennent malédiction.
L'amour et la nature se font écho, la beauté des femmes se confondant avec celle
des fleurs, comme elle éclatante et éphémère. Dans le même temps, le poète compose
des Hymnes cosmiques, dont la tonalité épique rappelle celle des Odes,
sur des thèmes non plus futiles, mais nobles : gloire, héroïsme, grandeur humaine.
En
1578, Ronsard fait un retour éblouissant à la poésie amoureuse pure avec Les
Amours d'Hélène, couronnement de son oeuvre à la fois par leur profondeur
humaine et leur perfection stylistique, publiées alors qu'à la Cour d'Henri
III on se prend à nouveau de passion pour le pétrarquisme.
Sa mort, le 28
décembre 1585, suscite une immense émotion. Un hommage public lui est rendu
au collège de Boncourt. On lui de magnifiques funérailles : le roi envoie la
musique de sa propre chapelle; le Parlement de Paris est représenté par une
députation; la foule est si considérable que l'évêque d'Evreux, Jacques Davy
du Perron, qui doit prononcer l'oraison funèbre, ne peut accéder à la chaire.
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