CHARLES V LE SAGE, CHEF DE GUERRE
LA GRANDE COMPAGNIE RAVAGE LE ROYAUME
(1360 - 1368)
Au cours de la Guerre de Cent Ans, les traités de paix franco-anglais de Brétigny, en 1360, puis de Guérande, cinq ans plus tard, ont laissé de nombreux soldats désoeuvrés, sans solde et sans plus d'espoir de butins ou de rançons faciles. Ces mercenaires, soudards de la pire espèce, vont se muer en bandits de grand chemin, se livrer au pillage et aux pires exactions. La plus connue de ces meutes est la "Grande Compagnie".
A la fin de l'année 1360, une compagnie de routiers (la Grande Compagnie) se forme en Champagne. Elle rassembles des soldats "démobilisés" ou de petits groupes de mercenaires à l'affût d'un engagement. Ces hommes sans emploi ni solde descendent en troupe vers Avignon, là où doit transiter l'argent de la rançon du roi Jean le Bon. Le 28 décembre, la Grande Compagnie s'empare de Pont Saint Esprit espérant mettre la main sur un convoi d'or, lequel a traversé la ville la veille... Ses territoires directement menacés, le pape Innocent VI, effrayé, préfère détourner les routiers de la cité papale contre espèces sonnantes et trébuchantes. Quelques hommes suivent le marquis de Montferrat, qui les a engagés pour mener une expédition contre les Visconti en Italie. Mais la majorité de la "meute" se retrouve alors en Languedoc. Les Etats de la province s'empressent, eux aussi, de payer le prix fort pour éloigner ces hôtes indésirables. C'est ainsi que la Grande Compagnie, tout en dévastant les régions qu'elle traverse, se déploie vers Lyon. En 1362, Jean le Bon décide de mettre fin à ces exactions.
La stratégie du roi de France est
simple. Deux armées formeront tenaille, l'une repoussera les compagnies
depuis le nord du Lyonnais pendant que l'autre bloquera toute retraite vers
le sud. L'opération est confiée à Jean de Melun, comte
de Tancarville.
Mais le 6 avril 1362, à Brignais, près de Lyon,
les hommes aguerris de la Grande Compagnie, postés sur les collines environnantes,
fondent sur l'armée royale. En seulement quelques heures, celle-ci est
rudement défaite. Les prisonniers des routiers sont nombreux, à
commencer par le comte de Tancarville en personne. Quant à la seconde
armée, commandée par le maréchal d'Audrehem, elle n'arrivera
sur les lieux du désastre que trois jours plus tard.
L'échec
est total pour Jean le Bon, dont la stratégie d'affrontement direct s'est
révélée pour le moins innefficace face à des soldats
professionnels. Mais le roi n'a pas abattu toutes ses cartes. Aprs tout, n'est-ce
pas le manque de contrats et les traités de paix qui ont favorisé
l'émergence des compagnies? Alors, pense-t-il, envoyons les là
où les hommes se battent, et surtout, le plus loin possible.
En 1365, Charles V reprend à son
compte la politique de son père et tente lui aussi d'éloigner
les compagnies du royaume de France. Alors que les Turcs menacent la Hongrie,
il commence par relancer l'idée d'une croisade. Mais les routiers ne
sont guères enthousiasmés à l'idée d'aller si loin
se faire étriper par les Infidèles, même si l'aventure,
au demeurant très risquée et mal préparée, est largement
financée par le pape Urbain V et par le roi. L'affaire s'enlise donc.
Reste
la Castille. Charles V y soutient les ambitions d'Henri de Trastamare contre
son demi-frère, le roi Pierre le Cruel. Du Guesclin parvient à
réunir une armée, à laquelle il incorpore de nombreux routiers,
attirés par le profit. Cette campagne d'Espagne va se révéler
une véritable promenade militaire et, le 5 avril 1366, Henri de Trastamare
est couronné roi de Castille.
Malheureusement, une victoire trop rapide
ne sied guère aux compagnies qui se retrouvent de nouveau sans solde.
Alors pourquoi ne pas soutenir à présent le vaincu et ses espoirs
de revanche? Pierre le Cruel saisit l'occasion et embauche les soudards de la
Grande Compagnie qui ne sont pas rentrés en France. Grâce à
ces mercenaires, il recouvre son trône, en 1367, avant d'être finalement
assassiné, deux ans plus tard, par Henri de Trastamare. Mais à
cette date, la paix franco-anglaise est déjà un lointain souvenir
et les compagnies, qui ne forment plus que des petits groupes très marginaux,
réintègrent l'armée française.
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