CHARLES V LE SAGE, CHEF D'ETAT

 

CHARLES V FIXE LA MAJORITE DES ROIS DE FRANCE A TREIZE ANS
(Août 1374)

L'apprentissage du métier de roi est une épreuve difficile. Dès son plus jeune âge, le dauphin doit atteindre à la perfection. Majeur à treize ans et un jour, l'héritier du trône ne peut tenir son rang qu'en étant, comme le fut Saint Louis, un preux chevalier, un véritable puits de science et un modèle de piété.

En août 1374, l'édit de Vincennes fixe la majorité des rois de France à treize ans et un jour. En 1270, Philippe III le Hardi l'avait établie à quatorze ans accomplis. Pour justifier sa décision, Charles V rappelle que treize ans est l'âge auquel les nobles "s'accoutument aux labeurs de la chevalerie et aux oeuvres batailleuses", c'est à dire apprennent le maniement des armes. Mais, le roi est surtout guidé par l'exemple de certains de ses prédécesseurs, en particulier de Saint Louis, le plus illustre de tous, roi à douze ans. Enfin, le sang royal qui coule dans les veines de l'héritier justifie la précocité de ses aptitudes à gouverner. Ainsi on rappelle les mots du poète Ovide : "Aux Césars la vertu vient avant l'heure..."
 En regard de l'édit de Vincennes, Charles V croit cependant sage d'édicter, deux mois plus tard, une ordonnance qui insiste sur la nécessité de donner aux enfants royaux une éducation exemplaire.

Le souverain doit être un exemple pour tous et donc s'approcher de la perfection. Exigence première : être ce "roi très chrétien", image de Dieu sur Terre, juste et miséricordieux à l'égard de ses sujets, exemple de vertu, en tous lieux et de tous temps. Par ailleurs, le métier de roi requiert non seulement des qualités mais aussi de solides connaissances. Afin d'exercer un "bon gouvernement", le souverain doit être fort savant, exceller dans les "arts", la culture générale. Pour ce faire, les éducateurs de ce prince idéal sont choisis avec un luxe de précautions. Charles V ne déroge pas à la règle. Il confie la formation du futur Charles VI aux professeurs du prestigieux collège de Navarre. Mais un fils de roi a le privilège de recevoir un enseignement particulier, assuré par un précepteur de renom. C'est Philippe de Mézières qui est chargé par Charles V de parfaire l'éducation du dauphin. Arrivé à la Cour en 1373, ce professeur d'exception a voyagé partout où il est alors possible d'aller, de l'Italie à Jérusalem, de Chypre à l'Angleterre. Personnage austère et pieux, il prend sous son aile le jeune Charles et s'acquitte de sa mission avec un dévouement exemplaire. Alors que le dauphin apprécie particulièrement les récits chevaleresques du roi Arthur et de Lancelot, Philippe de Mézières lui impose des lectures plus édifiantes, de la Bible à Aristote, Sénèque et Tite Live. A peine lui autorise-t-il quelques fantaisies poétiques, qui ne sont au prince qu'une épreuve supplémentaire.
Parce qu'il est le tout premier parmi les chevaliers, le roi doit être rompu à l'exercice des armes et maîtriser parfaitement l'art de la guerre. Un corps sain pour un esprit sain, en somme... Le dauphin Charles n'aime guère les sombres récitations latines et affiche une nette prédilection pour les exercices de plein air. En la matière, ses exemples et ses maîtres ne sont autres que son père, Charles V, et son oncle Philippe le Hardi, duc de Bourgogne. Aux règles de chevalerie, il faut ajouter celles de la Cour. Dès son plus jeune âge, le dauphin est associé aux visites protocolaires. Il sait se faire apprécier en mettant un point d'honneur à saluer de leurs noms tous les hôtes de son père.

Mais, plus que tout autre, ce sont les "labeurs" de la chevalerie qui attirent le dauphin. A douze ans, il chasse le sanglier et court la campagne en compagnie de son oncle. Il manie fort adroitement l'arbalète et la dague, monte comme les meilleurs cavaliers. Son père l'encourage dans cette voie. Ainsi, à l'occasion d'une réception royale, Charles V présente à son fils une couronne et un bassinet de chevalier. Puis lui demande s'il préfère "être couronné roi ou avoir le bassinet et être sujet aux périls et fortunes de la guerre". Sans hésiter une seconde, , le dauphin choisit le heaume du guerrier, à la grande satisfaction de son père. Ces penchants ne sont pas du goût de tous, et notamment des clercs qui, à un valeureux chevalier, subsistueraient volontiers un pieux et sage monarque. L'entourage immédiat du dauphin, à commencer par l'oncle de Bourgogne, n'a que faire de ces voeux et encourage même parfois le jeune prince à quelques distractions contestées. Ainsi le dauphin brave l'interdiction des jeux d'argent édictée par Saint Louis et s'adonne, le plus souvent avec les deniers de son oncle, au jeu de dés. Mais qu'importent ces broutilles. En 1380, Charles VI n'a pas encore douze ans lorsqu'il monte sur le trône. Chacun est alors persuadé qu'il va suivre les traces de son père, le sage Charles V.

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