LES VALOIS DIRECTS
CHARLES V LE SAGE, SA VIE
|
LA "STERILITE" DE JEANNE DE BOURBON Aucun scandale n'entache la réputation de Jeanne de Bourbon, la "noble dame" aimée de tous, louée pour sa bonté et son élégance, pour son sérieux et ses talents de maîtresse de maison. Le 26 septembre 1357, elle donne le jour à son premier enfant, une fille prénommée Jeanne. Ce n'est que onze ans plus tard qu'elle accouchera enfin d'un fils, le futur Charles VI, l'héritier du trône tant espéré et tant attendu. Lors de leur mariage, en août 1350, Jeanne de Bourbon et le futur Charles V ne sont encore que des enfants âgés de douze ans. Au Moyen Age, douze ans, pour une fille, c'est l'âge de l'émancipation, mais les jeunes mariés ne vont vivre ensemble que quatre ou cinq ans plus tard. A la Cour de Jean le Bon, ils ne font que se croiser. Jeanne appartient à la compagnie de la reine, Jeanne de Boulogne, la seconde épouse du roi, et dans l'ordre protocolaire, en tant que dauphine, vient juste après la fille aînée du roi, Jeanne, qui deviendra reine de Navarre en 1352. Charles partage le quotidien d'une douzaine de garçons de son âge, qui forment sa "compagnie". Si Jeanne de Bourbon et le dauphin Charles apparaissent côte à côte lors de cérémonies officielles, tel le sacre de Jean le Bon en septembre 1350, ils doivent avant tout parfaire leur éducation de futurs souverains. Le jeune couple partage un goût naturel pour l'étude et
une attitude réfléchie. Charles préfère de beaucoup la compagnie de lettrés
à celle des chevaliers. Jeanne est décrite comme une personne modérée et au
physique agréable. La chroniqueuse Christine de Pisan ne tarit pas d'éloges
à son égard : "En quelle dignité était cette reine
couronnée et entourée de grande richesse de joyaux, vêtue d'habits royaux larges,
longs et flottants (...), en manteaux royaux des plus précieux draps d'or ou
de soie, ornés et resplendissants de riches pierres et perles précieuses en
ceintures, boutons et attaches; par diverses heures du jour les habits changés
plusieurs fois, selon les coutumes royales et pontificales, en sorte que c'était
merveille de voir cette noble reine"! La plupart des contemporains
ne vantent pas seulement son élégance : ils la qualifient de "noble
dame", appellation aussi affectueuse que flatteuse, admirent ses
talents de maîtresse de maison, soulignent son excellence à gouverner la Cour
et à régenter la domesticité tant au quotidien qu'en période de festivités. Malheureusement, le couple princier perd ses deux fillettes à l'automne 1360. Puis, aucune grossesse au cours des six années suivantes : ce qui semble fort long à la famille royale, surtout en des temps où le premier devoir d'une femme, qui plus est d'une reine, est d'assurer la descendance de la lignée. L'attente est si longue que l'on commence à évoquer la "stérilité" du couple royal. Lors de son accession au trône, en avril 1364, Charles V n'a toujours pas d'héritier. Il n'a pas perdu espoir, mais les pressions de son entourage s'accentuent; au point qu'il se confie au pape Urbain V et songe brièvement au divorce. Enfin, la reine Jeanne est de nouveau enceinte. En juin 1366, elle met au monde une troisième fille : prénommée elle aussi Jeanne, en l'honneur de son oncle et parrain, le duc Jean de berry, elle meurt au mois de décembre suivant. A la Cour, on désespère... En 1368, alors que les époux royaux vont sur leur trente ans, une quatrième grossesse est annoncée. Le 3 décembre de cette même année naît enfin un garçon, le futur Charles VI. Le roi est au comble du bonheur et se sent infiniment soulagé; d'autant que ce fils, héritier de la Couronne, semble être en fort bonne santé. Après cette période difficile, Jeanne de Bourbon donne encore le jour à trois filles, Marie, Isabelle et Catherine, et, en mars 1372, à un second garçon, Louis, futur duc d'Orléans. Tout à sa joie d'avoir donné deux fils à son époux et au royaume, la reine ne saura jamais que l'aîné, cet héritier tant attendu et désiré, sombrera dans la folie, et que le cadet sera assassiné. Page MAJ ou créée le |