JEAN DE NEVERS DEVIENT JEAN SANS PEUR
Le 28 septembre 1396 au petit matin, la
chevalerie croisée se lance à l'assaut du camp retranché
du sultan Bajazet. Après quelques heures d'un combat acharné,
durant lequel Jean de Nevers gagne le surnom de "Jean Sans Peur",
l'armée chrétienne est écrasée par les Ottomans.
Au début de l'été
1396, sous une lourde chaleur, les croisés menés par Jean de Nevers,
le fils du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, ont entamé leur "voyage
en Hongrie". Quelques semaines plus tard, ils ont rejoint, près
de la cité de Nicopolis, dans le nord de la Bulgarie, les troupes du
roi Sigismond de Hongrie qui campent sur les bords du Danube. A la mi-septembre,
l'armée chrétienne, renforcée par quelques contingents
venus de Valchie, a méthodiquement organisé le siège de
la ville, occupée par les troupes du sultan Bajazet. Pour les
croisés, Nicopolis n'est qu'un objectif secondaire, une sorte d'échauffement
contre une avant-garde ottomane isolée. Les preux chrétiens ne
s'inquiètent guère des rumeurs affirmant que l'adversaire va bientôt
recevoir le renfort d'une armée de secours. Le chroniqueur Juvénal
des Ursins relate qu'ils se laissent aller à "des manières
bien lubriques d'excès en mangeries, beuveries, jeux de dés, puteries
et ribauderies". Pendant ce temps, Bajazet a fait mouvement et établi
son camp à quelques lieues de là, enfin prêt à secourir
la garnison assiégée. Le 28 septembre 1396, à l'aube, les
deux forces ennemies sont face à face.
L'armée ottomane est impressionnante.
Elle rassemble plus de 10 000 hommes, dont la moitié forment la cavalerie.
Cinq mille spahis portent, avec la lance et le sabre à lame courbe, un javelot
ferré aux deux extrémités qu'ils lancent avec une efficacité
redoutable. D'autres manient l'arc, la hache ou la masse d'armes. Tous ont paré
leurs selles et les harnachements de leurs destriers de brocart, de cuir brodé
d'or et d'argent, et portent des casques ceints de turbans surmontés
de plumes. Leurs chevaux sont légers, sans protection superflue, conduits
avec une grande maîtrise et une prodigieuse rapidité d'évolution. A
leurs côtés, veille l'infanterie des janissaires, créée
jadis par le sultan Mourad 1er, père de Bajazet et fondateur de la puissance
ottomane. Ces jeunes recrues arrachées aux pays conquis se reconnaissent
à leur coiffure en feutre blanc parfois ornée de longues plumes.
Ils sont encadrés par les compagnies d'élite des Serden Guetchidi,
les volontaires de la mort, "ceux qui ont renoncé à leur
tête". Face aux forces ottomanes, l'armée des
croisés paraît pesante. Organisées autour de la chevalerie,
dont les stratèges attendent beaucoup de la charge frontale, les troupes
chrétiennes manquent d'unité et de cohésion. Et ce n'est
certe pas l'infanterie de Sigismond de Hongrie, peu nombreuse, mal aguerrie
et finalement pas très sûre, qui constitue son maître atout.
Qui plus est, le commandement est divisé. Les disputes vont bon train
entre le clan de Sigismond et du sire de Coucy, qui souhaitent engager une avant-garde
lègère, entre ceux de Jean de Nevers et de La Trémoille, qui plaident
pour une charge massive de la chevalerie. Malgré le conseil de prudence
des Hongrois et les pieux disposés par Bajazet pour briser l'assaut des
croisés, la chevalerie chrétienne obtient finalement l'honneur
de charger la première.
Jean de Nevers donne le signal de l'assaut.
Aussitôt, dans un nuage de poussière, les chevaliers croisés
s'élancent. Ils enfoncent d'abord l'archerie ottomane, puis franchissent
les retranchements ennemis pour tailler en pièces une partie de l'infanterie.
Exaltés par la folle bravoure du comte de Nevers, ils se dispersent en
quête d'exploits personnels. C'est là une grave erreur. Car la
cavalerie légère des spahis entre alors dans la mêlée,
épaulée par les janissaires précieusement gardés
en réserve par Bajazet. A présent isolés derrière
les retranchements du camp ottoman, les chevaliers chrétiens sont assaiilis
de toutes parts, désarçonnnés, achevés à
terre ou capturés. Pris de panique, les fantassins hongrois et valaques
décident de rompre le combat et se débandent sans demander leur
reste. Jean de Nevers, La Trémoille et Coucy se battent comme des lions,
mais, bientôt submergés, doivent baisser les armes et se rendre.
Tous les chevaliers et fantassins de l'armée croisée en font autant,
espérant ainsi avoir la vie sauve. Mais Bajazet, que le massacre de ses
troupes a rendu ivre de colère, ordonne l'exécution de tous les
prisonniers. Le comte de Nevers supplie tant qu'il peut le terrible sultan,
mais ne parvient à arracher à la mort que vingt sept de ses compagnons.
Commence alors pour ces rescapés de Nicopolis une véritable "marche
de la mort" vers la cité de Gallipoli, sur la rive européenne
du détroit des Dardanelles.
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