ISABEAU DE BAVIERE ET LOUIS D'ORLEANS FONT SCANDALE
En 1404, à la mort
du duc de Bourgogne Philippe le Hardi, Louis d'Orléans, frère du roi Charles
VI, accapare le pouvoir. On le voit souvent avec Isabeau de Bavière. Et l'on
jase! Au printemps 1405, un moine se fait l'écho en chaire des malédictions
dont le peuple accable la reine et son beau-frère.
Le jour de
l'Ascension de 1405, Jacques Legrand, un respectable moine augustin, prononce
devant la Cour un sermon qui fait grand bruit. Les dames, dit-il, portent des
toilettes luxueuses, extravagantes. Pire, la Cour, où règne Vénus, est un
lieu d'orgies et de débauche! Si cette prédication sur le thème éculé de la
dissolution des moeurs retient l'attention, c'est en raison des attaques contre
Isabeau de Bavière. "Partout noble reine, on parle
de ces désordres et de beaucoup d'autres qui déshonorent votre Cour. Si vous
ne voulez point m'en croire, parcourez la ville sous le déguisement d'une
pauvre femme, et vous entendrez ce que chacun dit", affirme Legrand.
Charles VI n'est pas témoin de cette diatribe. Mais, apprenant qu'un moine a
dit ses quatre vérités à la reine, il l'invite à prêcher en son oratoire le
jour de la Pentecôte.
Sans se démonter, Jacques Legrand s'étend avec plus de hardiesse encore sur
les désordres de la Cour et l'incurie du Gouvernement. Il fustige, sans la
nommer autrement que par le titre de duc, une personne "qui
avait montré dans sa jeunesse les plus heureuses dispositions, mais qui,
depuis, s'était attiré les malédictions du peuple par ses dérèglements, son
insatiable cupidité et par l'oppression insupportable que lui et ses pareils
faisaient peser sur le royaume". Dans ce portrait peu flatteur, on
reconnaît facilement Louis d'Orléans, le frère du roi.
Depuis la mort de
Philippe le Hardi, en avril 1404, Louis d'Orléans est le maître du royaume.
Seul son oncle de Bourgogne faisait obstacle à son ambition. Le vieux duc de
Berry n'a jamais eu d'emprise sur ses neveux. Quant au nouveau duc de Bourgogne,
Jean Sans Peur, il n'a pas encore l'autorité de son père. Et Orléans peut
compter sur l'affection de Charles VI quand celeui-ci est en bonne santé. Comme
sur l'appui de la reine quand le souverain est malade.
Le moine a dit tout haut ce que murmure Paris : l'argent de la taille, arraché
au peuple, ne sert pas à la guerre, mais aux fêtes de la Cour. Selon la
rumeur, le duc d'Orléans détourne l'impôt à son profit. La reine Isabeau
épuise le royaume en faisant passer des trésors en Allemagne; on aurait
arrêté à Metz six chariots d'or et d'objets précieux...
On dit aussi que la reine et son beau-frère se complaisent dans les délices du
corps et même qu'ils sont amants. Qu'y a-t-il de vrai dans ces commérages? Qui
a intérêt à discréditer ainsi le pouvoir? La Geste des nobles français,
favorable aux Orléans dira plus tard que Jean Sans Peur "fit
semer par tavernes faux mensonges de la reine et du duc d'Orléans son
frère". Les agents du nouveau duc de Bourgogne auraient ainsi
généreusement répandu la rumeur. Certes, mais ils ont trouvé un terrain
favorable.
La pression fiscale
qu'impose le duc d'Orléans est impopulaire. La guerre qui menace en est le
prétexte. Mais Louis, par son intransigeance à l'égard des Anglais, n'est-il
pas le principal fauteur de troubles? En outre, une partie de l'argent collecté
va directement dans ses poches, car il cumule dons et pensions, en plus des
revenus de ses apanages. Il a aussi fort mauvaise réputation. On se souvient de
ses frasques de jeunesse, du bal des Ardents, de sa passion suspecte pour les
sciences occultes.
Selon ses ennemis, loin de s'être amendé, il passe ses nuits à boire, à
jouer aux dés et à fréquenter des "femmes dissolues". On l'accuse
de déshonorer dames et demoiselles. Il répond que, "de la plus grande à
la plus petite", elles n'ont pas lieu de se plaindre de lui. Il est sûr
qu'il mène joyeuse vie à la mode du temps. L'opinion ne s'en formaliserait pas
s'il n'en faisait pas étalage. Mais la désinvolture, voire le cynisme, d'un
prince imbu de son rang choquent tant les clercs que les bourgeois et le bon
peuple.
Isabeau de Bavière ne traîne pas derrière elle cette odeur de soufre qui suit
Orléans depuis sa jeunesse. Mais elle n'a jamais rien fait pour gagner le coeur
des Français. On lui reproche ses coûteuses toilettes, les dépenses pour ses
demeures, les joyeux divertissements qu'elle y donne. Les malheurs du temps
auraient nécessité plus de discrétion.
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